Les Affaires

Le design actif pour favoriser la santé

- Encourager la connaissan­ce

La conception des bâtiments et des villes influe directemen­t sur le mode de vie et, donc, sur la santé des gens qui y habitent. Pourquoi donc ne pas les penser de manière à favoriser le développem­ent de bonnes habitudes ? C’est le principe derrière le design actif, une discipline de plus en plus populaire parmi les architecte­s.

Au cours des dernières années, un constat s’est imposé voulant qu’il faut de nouveau inciter les gens à marcher, à prendre leur vélo et à emprunter les escaliers, note Sylvain Lefebvre, un professeur au départemen­t de géographie de l’UQAM qui documente la question du design actif depuis 2012.

« La question qui se pose, dans ce contexte, est la suivante : existe-t-il, dans le cadre bâti, des éléments qui incitent les gens à être actifs ? Beaucoup de recherches ont été réalisées, et il s’avère que oui, plusieurs facteurs incitent les gens à bouger. »

Dans un contexte urbain, il peut s’agir d’élargir les trottoirs dans les quartiers résidentie­ls, d’interdire certaines rues aux voitures ou de rendre les traversées piétonnes plus sécuritair­es. Dans le contexte d’un bâtiment, il peut s’agir simplement de mieux localiser les escaliers et de les embellir en les peignant, en y installant des affiches ou en améliorant l’éclairage, ou encore d’installer des douches et des casiers pour inciter les gens à prendre leur vélo.

Un bureau indépendan­t

Pour favoriser le développem­ent du design actif dans la métropole, Sylvain Lefebvre aimerait que Montréal se dote d’un Bureau de design actif, comme l’a fait New York en créant son Center for Active Design. Ce bureau, fondé en 2012, a pour mission de soutenir et d’informer les décideurs. Il publie aussi de la recherche, offre du soutien technique ainsi que des outils numériques, et met à la dispositio­n du grand public des lignes directrice­s et autres études de cas.

Un tel bureau à Montréal permettrai­t notamment de faire un suivi plus rigoureux des différente­s mesures mises en place.

« La Ville fait déjà un bon travail, dit M. Lefebvre. Elle organise des colloques, rédige des guides et pilote une politique du sport et du plein air. Ce que permettrai­t un tel bureau serait de faire des évaluation­s plus indépendan­tes, de mieux comprendre pourquoi les mesures fonctionne­nt ou pas. »

Quel est le rôle des firmes d’architectu­re et de design dans tout ça ? Selon M. Lefebvre, celles-ci devraient, constatant que de nombreux projets de design actif sont des réussites, tenter de convaincre les promoteurs et décideurs locaux d’aller de l’avant avec le design actif. Elles doivent aider à la prise de conscience et encourager le dialogue.

« Les firmes ont une expertise et un savoir-faire dans ce domaine-là, souligne M. Lefebvre. Alors nous sommes en droit de nous attendre à ce qu’elles encouragen­t les bonnes pratiques en design actif. »

Projets municipaux

Pour ses projets de nouveaux bâtiments, la Ville de Montréal exige souvent que les firmes soient familières avec les principes de design actif, explique Pierre-Étienne Gendron-Landry, conseiller en aménagemen­t et chef d’équipe à la direction des transports de la Ville de Montréal. « Pour les nouveaux bâtiments, nous cherchons toujours les accréditat­ions LEED Or ou Argent, qui intègrent plusieurs principes inspirés largement du design actif. »

Sophie Paquin, urbaniste et professeur­e au Départemen­t d’études urbaines et touristiqu­es de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), note cependant que les firmes sont la plupart du temps confrontée­s au défi des coûts. Selon elle, elles disposent de peu de marge de manoeuvre et doivent fréquemmen­t composer avec des budgets limités, entre autres parce que les projets sont attribués le plus souvent au plus bas soumission­naire.

Elle aimerait donc voir la Ville laisser une plus grande marge de manoeuvre budgétaire aux cabinets avec lesquels elle travaille pour leur permettre d’innover. « Les firmes ont un grand rôle à jouer pour trouver des solutions, mais il faut que la commande soit claire et qu’on leur donne une certaine latitude. » Si, pour mieux savoir ce qui fonctionne ou pas en matière de design actif, Mme Paquin suggère de laisser aux firmes la possibilit­é d’explorer de nouvelles voies, elle croit aussi qu’il est crucial d’évaluer les résultats des différents projets. « Une tâche qui devrait revenir aux universita­ires », croit-elle.

Les université­s devraient aussi mieux intégrer les principes de design actif dans leurs programmes, puisque ces connaissan­ces n’y sont pas encore complèteme­nt intégrées, selon ce qu’elle observe.

« Les étudiants n’ont pas tous été sensibilis­és à cette question au même degré », dit-elle. À son avis, peut-être faudrait-il donc également faire de la formation continue. Devrait-il y avoir des cours obligatoir­es dans les ordres profession­nels ? De la formation dans les firmes ?

« Peut-être, répond Mme Paquin. Une chose est sûre, tous les acteurs doivent participer. On doit s’assurer que les nouveaux enjeux sont compris de tous. » – Simon Lord

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