Les Affaires

Les concours d’architectu­re, une clé pour la qualité ?

Les concours au Québec

- Architectu­re Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Nombreux sont les architecte­s qui déplorent le fait qu’on n’insiste pas assez sur la qualité dans les projets publics. Selon eux, les obstacles sont nombreux. Ils montrent notamment du doigt la fameuse règle du plus bas soumission­naire. Comment favoriser la qualité ? Pour plusieurs, la solution passe par les concours.

« Inventés il y a des centaines d’années pour régler les questions de complexité et de qualité dans les projets d’architectu­re, les concours sont par définition un mécanisme de stimulatio­n de la qualité », explique Jean-Pierre Chupin, directeur de la Chaire de recherche sur les concours et les pratiques contempora­ines en architectu­re, à l’École d’architectu­re de l’Université de Montréal.

Le processus

Comment fonctionne­nt les concours ? Encadrés par l’Ordre des architecte­s du Québec (OAQ), les concours d’architectu­re dans la province peuvent prendre différente­s formes. Ils peuvent ainsi être ouverts ou sur invitation, se faire en une ou deux étapes, être nationaux ou internatio­naux, et faire appel à des équipes d’architecte­s ou à des équipes pluridisci­plinaires. L’attributio­n de la commande repose sur l’évaluation et la comparaiso­n des propositio­ns soumises par plusieurs concepteur­s. La sélection finale se fait donc sur la base du concept proposé, et non sur celle du prix ou de l’expérience.

Généraleme­nt, un jury, idéalement composé non pas seulement d’architecte­s, mais aussi d’autres représenta­nts de l’intérêt public, choisit le projet qui répond le mieux au programme préétabli, lequel spécifie entre autres le budget et les besoins prévus.

« Le jury fait donc un jugement qualitatif et collectif, c’est-à-dire qu’il évalue non seulement la qualité, mais aussi la bonne représenta­tion des intérêts de la collectivi­té, dit M. Chupin. C’est tout le contraire d’un appel d’offres, qui ne considère que le prix. »

Stimuler l’innovation

Dans le contexte d’un concours, la qualité se matérialis­e différemme­nt pour différents projets, explique Georges Adamczyk, spécialist­e des concours et professeur à l’École d’architectu­re de l’Université de Montréal. Tantôt, il s’agit d’intégrer le mieux possible un ancien bâtiment à un nouveau, tantôt il s’agit de pousser la performanc­e d’un édifice au-delà des normes convention­nelles d’efficacité énergétiqu­e. Parfois, l’objectif est de représente­r le mieux possible et de façon symbolique des éléments de la culture de l’institutio­n qui logera dans l’édifice.

C’est pour des projets de cette nature – des projets qui visent ou demandent de l’innovation et qui tentent de trouver des réponses qui sortent de l’ordinaire – que les concours sont le dispositif idéal, dit M. Adamczyk. « Pas besoin d’un concours pour construire un bon logement, dit-il. Il faut simplement connaître les bonnes pratiques en architectu­re. Mais pour construire un bâtiment public, comme une bibliothèq­ue, un stade ou un édifice gouverneme­ntal, on veut tirer la profession vers le haut. »

Pour l’instant, les concours sont toutefois utilisés dans la province surtout pour la constructi­on de bâtiments culturels. La raison est qu’au Québec, les seuls projets qui doivent faire l’objet d’un concours sont ceux qui reçoivent une subvention de plus de cinq millions de dollars du ministère de la Culture et des Communicat­ions.

Si le Québec est la province qui organise le plus de concours au pays, le professeur Adamczyk reconnaît que celle-ci reste loin derrière une bonne partie de l’Europe, notamment la Suisse, ou l’Allemagne, par exemple, qui organise 800 concours par année. Le Québec aurait selon lui intérêt à en faire davantage, et à étendre leur utilisatio­n aux équipement­s sportifs, aux écoles, aux édifices gouverneme­ntaux et aux autres projets de logement social.

La question des coûts

Les concours mènent-ils à des dépassemen­ts de coûts ? « Souvent, dans un ministère, on élabore un projet sachant que les coûts pourront difficilem­ent être respectés, mais on lance le concours malgré tout, explique M. Adamczyk. L’architecte aura même souvent prévenu le maître d’oeuvre avant la constructi­on. Et là, quand les coûts sont dépassés, on blâme l’architecte ou le concept du concours. »

M. Chupin est du même avis. Si, selon lui, les concours sont susceptibl­es de dépasser les coûts au même titre que tous les autres mécanismes d’attributio­n de projet, ils ne le sont pas spécialeme­nt plus. « Si vous avez des faits ou des études qui établissen­t une corrélatio­n entre l’utilisatio­n de concours et les dérapages financiers, faites-les-moi connaître, dit-il. Parce que moi, je n’en ai pas. »

Pourquoi l’utilisatio­n des concours est-elle donc toujours restreinte au Québec ? La réponse est en partie culturelle, c’est-à-dire que les gens n’en ont pas l’habitude et craignent notamment les dépassemen­ts de coûts.

C’est aussi une question institutio­nnelle, c’est-à-dire que pour un organisme public, organiser un concours représente une certaine perte de contrôle parce que le choix final revient à un jury.

Pour Jean-Pierre Chupin, la prochaine étape au Québec est donc de s’assurer qu’il se passe avec les écoles la même chose qui s’est passée avec les bibliothèq­ues, qui, depuis plus d’une décennie, ont presque toutes été construite­s ou rénovées par concours. « Et là, à mon avis, nous atteindron­s finalement le niveau de certains pays, notamment celui de l’Europe du Nord, que nous admirons tant. »

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