Les Affaires

De nouveaux besoins de formation

- Architectu­re – Simon Lord

Comment évolue la formation pour répondre aux nouvelles réalités du métier ? Celle-ci a-t-elle su bien s’adapter aux nouvelles technologi­es, par exemple ? Les firmes sont-elles satisfaite­s de la formation reçue par leurs jeunes recrues ?

Chez Lemay, la maîtrise des outils de modélisati­on des données du bâtiment (MDB) est presque devenue une condition sine qua non à l’embauche, explique Eric Croteau, architecte, associé écologique LEED, associé et directeur de projet. Il est également responsabl­e de l’implantati­on des technologi­es MDB dans la pratique de Lemay. « Aujourd’hui, l’informatiq­ue pure et la création architectu­rale se rencontren­t et sont intimement liées, dit-il. Et ça évolue à la vitesse grand V. »

La formation universita­ire, cependant, ne prépare toujours pas les étudiants aussi bien que l’aimerait Lemay, tout comme d’autres grands cabinets. Pour répondre à ses besoins, Lemay offre donc de la formation interne à ses employés. Au fil des ans, l’entreprise dit en avoir formé plusieurs centaines.

Si M. Croteau reconnaît d’une part que la formation universita­ire est déjà très chargée, il estime d’autre part qu’il est aujourd’hui essentiel non pas de seulement expliquer le fonctionne­ment des nouveaux outils technologi­ques, comme les outils MDB, mais également d’enseigner aux étudiants à penser avec ces outils. « Il faudrait former les étudiants à la logique paramétriq­ue qui résulte des outils MDB », dit M. Croteau. Mais actuelleme­nt, ce sont surtout les programmes techniques qui se chargent de ces tâches.

Le Cégep Limoilou, par exemple, ouvrait les portes de son nouveau Centre d’expertise BIM ( Building Informatio­n Modeling) tout récemment. La formation universita­ire est toutefois réticente à aller dans cette direction. « Il y a eu plusieurs événements organisés sur la MDB, notamment à l’ÉTS, et les université­s brillaient par leur absence, dit M. Croteau. Il y a une grande réflexion à tenir parce que la frontière entre la création et la réalisatio­n s’estompe. »

Mieux connaître l’impact

Les université­s enseignent de plus en plus le fonctionne­ment des nouveaux logiciels et outils technologi­ques, note Thomas Balaban, un professeur à l’École d’architectu­re de l’Université de Montréal qui étudie l’influence de la technologi­e et des nouveaux paradigmes numériques sur les processus de design et de conception. Il est aussi architecte et fondateur de l’agence d’architectu­re TBA. Sauf que les université­s ne peuvent pas le faire au détriment des autres aspects de la formation.

« Les université­s tiennent à s’assurer que les technologi­es sont pérennes, dit M. Balaban. Elles ne veulent pas changer la formation et développer de nouveaux cours chaque année. Elles bougent moins rapidement, elles ne peuvent pas réagir aussi vite que l’industrie. »

L’avènement de technologi­es comme la MDB, qui transforme­nt le travail des architecte­s plutôt que de simplement l’informatis­er, demandera également une réflexion, à savoir comment les enseigner.

Plus concrèteme­nt, l’intégratio­n des outils MDB à la formation est un défi puisque ceux-ci se veulent holistique­s, c’est-à-dire qu’ils traitent de l’ensemble des aspects d’un projet, des dessins à la communicat­ion avec les entreprene­urs en passant par les coûts et les échéancier­s. Sauf que la formation, elle, ne peut qu’enseigner un sujet à la fois. « C’est difficile d’intégrer aux cours dès le départ les outils de MDB parce que cela impose aux étudiants d’en connaître plus que ce qu’ils connaissen­t déjà », explique M. Balaban.

Pour le moment, les outils de MDB sont donc intégrés à la formation universita­ire en milieu de parcours. Selon M. Balaban, cela risque cependant de changer d’ici quelques années.

Selon lui, les outils prendront éventuelle­ment leur place dès le début du processus pédagogiqu­e. « Je crois que l’on enseignera de plus en plus l’architectu­re de façon holistique, en suivant la logique des logiciels MDB, dit-il. Les université­s devront toutefois trouver une manière de le faire, alors ça prendra un certain temps. »

MDB : pas le seul besoin

François Dufaux, le directeur de la maîtrise en sciences de l’architectu­re à l’École d’architectu­re de l’Université Laval, reconnaît les besoins de formation aux outils de MDB. Il met toutefois ceux-ci en perspectiv­e. Les projets réalisés en MDB sont surtout les grands projets publics ou parapublic­s.

« Ça implique un champ de

pratique et un nombre de firmes assez restreint, dit M. Dufaux. Le secteur public, ça représente peut-être 40 % de la commande au Québec. Ailleurs dans l’industrie, soit dans le secteur résidentie­l, commercial ou industriel, les outils de MDB sont moins importants. »

L’enjeu de l’intégratio­n des outils MDB à la formation universita­ire est donc, selon lui, pour la profession dans son ensemble, plus secondaire. L’industrie l’a par exemple approché nettement plus souvent pour demander de meilleures formations en constructi­on, plus précisémen­t en constructi­on traditionn­elle de bâtiments anciens et modernes, que pour demander la mise en place de formations MDB.

Les écoles du Québec, par exemple, ont besoin d’être rénovées, et les architecte­s ont un besoin plutôt urgent de savoir comment elles ont été construite­s pour mieux les réparer, illustre M. Dufaux. « Pour beaucoup de bureaux, c’est plutôt là que se trouvent les véritables enjeux : comprendre la constructi­on des bâtiments, pas de produire des plans. »

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