Les Affaires

Devancer sa retraite de 4 ans lui coûtera 1,9 M $

Comparaiso­n des revenus si la retraite est prise à 59 ans plutôt qu’à 55 ans

- Daniel Germain daniel.germain@tc.tc daniel_germain Revenus de retraite totaux Clinique retraite

Alexandre est un jeune homme pressé. Son objectif : cesser de travailler à 55 ans. Il n’est pourtant qu’au début de sa carrière, dans une société parapubliq­ue qui lui assure un bon salaire et de généreux avantages sociaux, dont un régime de retraite à prestation­s déterminée­s.

Ce n’est pas tant l’objectif d’Alexandre qui lui vaut cette étiquette que les moyens mis en oeuvre pour l’atteindre. Notre lecteur, âgé de 30 ans, vit avec sa conjointe, une travailleu­se autonome dont les activités génèrent des revenus modestes et instables. Le couple a un enfant d’âge préscolair­e.

Il se décrit comme un investisse­ur « anorexique­boulimique ». Il peut passer des mois sans investir, puis à épargner frénétique­ment pour engraisser ses comptes de placements.

À 23 ans, Alexandre et sa conjointe étaient déjà propriétai­res d’un condo. Aujourd’hui, ils habitent une maison en banlieue de Montréal dont ils sont propriétai­res, sans s’être départis de la copropriét­é, qu’ils louent 900$ par mois. Ils détiennent aussi une autre maison, dont ils tirent un revenu de location de 1150$ par mois.

Les trois propriétés sont en grande partie hypothéqué­es. Alexandre a recouru au refinancem­ent pour accélérer les acquisitio­ns immobilièr­es, mais aussi pour investir en Bourse. Ses placements sont éparpillés dans six comptes. Pour accroître son exposition au marché boursier, le jeune homme a utilisé un prêt levier de 100000$, aujourd’hui réduit à 97 000 $. La valeur du portefeuil­le qui y est rattaché s’est un peu appréciée, à 102 000 $.

Au total, les actifs du couple se chiffrent 821 000 $. De l’autre côté, leurs dettes (hypothèque­s et prêt levier) montent à 596 500 $. Les avoirs nets s’élèvent donc à 225 500 $.

« Je suis audacieux dans mes finances, et je vise à partir à la retraite jeune sans compromett­re ma capacité de voyager. J’aimerais voir s’il y a des possibilit­és d’investisse­ment plus audacieux que je manque », nous a-t-il écrit. Bref, le jeune homme est à la recherche de stéroïdes pour

Trop impétueux

Nous avons soumis le cas d’Alexandre à Yves Lizotte, CPA et planificat­eur financier au Groupe Investors. « C’est impression­nant ce qu’il a déjà accompli à son âge », dit-il. La situation de notre lecteur n’est pas pour autant parfaite. Les bons réflexes sont là, mais ils s’expriment sans doute de façon trop impétueuse.

D’abord, de la manière dont ses économies sont placées, Alexandre est incapable d’avoir une vision globale. Il ne pourrait pas décrire sa répartitio­n d’actifs, pourtant un concept clé en placement. Il faudrait consolider et déterminer une pondératio­n adéquate en fonction de son profil d’investisse­ur.

« Il se considère comme très audacieux, mais il n’a jamais connu de marché baissier, remarque le conseiller. On ne connaît pas son degré d’aversion au risque aussi longtemps qu’on n’a pas vécu une vraie correction. »

Yves Lizotte se dit très soucieux à l’égard du prêt levier, « potentiell­ement toxique. Je ne conseiller­ais à personne de recourir au prêt levier après neuf ans de marché haussier », dit-il.

Alexandre a été mal conseillé, s’il l’a été. Le prêt est à taux variable et a été contracté dans un contexte de hausse des taux. Autre problème : il a servi à acquérir des fonds de série T, donc assortis d’une politique de distributi­on cible. Ces distributi­ons servent, dans le cas d’Alexandre, à rembourser le prêt, mais, sans entrer dans la mécanique, elles contribuen­t à faire gonfler une facture fiscale latente. L’impôt à payer pourrait être important à la vente des parts. « Cela peut aussi contaminer la déduction fiscale des intérêts sur le prêt », signale M. Lizotte.

Il y a aussi un piège. Les fonds communs de placement comportent des frais de rachat. Autrement dit, notre lecteur ne peut en sortir à court terme sans payer des frais élevés. Il est coincé pendant cinq à sept ans, à moins de payer les frais. Un coût énorme Mais bon, Alexandre est jeune et économe. S’il reste chez le même employeur, il aura droit à une rente de retraite stable et généreuse. Le risque qui pèse sur son portefeuil­le, s’il est porteur de leçons, ne devrait pas compromett­re sa retraite s’il rectifie le tir.

Yves Lizotte est réticent à lui établir un plan basé sur un coût de vie de retraite hypothétiq­ue. « Il est trop jeune, on n’a aucune idée de ses besoins financiers futurs. » Par contre, le planificat­eur financier a calculé quels pourraient être les revenus d’Alexandre s’il prenait sa retraite à 55 ans en comparaiso­n de ceux qu’il aurait s’il repoussait sa retraite de quatre ans, à 59 ans. Ses calculs sont basés sur des hypothèses de rendement de 6,36% (profil d’investisse­ur audacieux) et un épuisement du capital à 95 ans.

« Le coût absolu de prendre sa retraite à 55 ans au lieu de 59 ans est de 1,89 million de dollars de revenus bruts répartis sur 40 ans. La différence découle de l’effet de la retraite anticipée et des retraits de placements plus hâtifs, dans l’hypothèse qu’il épuisera tout son capital. C’est une moyenne de 69300$ par année à partir de l’âge de 60 ans si on compare les deux scénarios. C’est un coût de renonciati­on énorme pour prendre une retraite quatre ans à l’avance», dit M. Lizotte.

Les montants semblent importants, mais il faut se rappeler que notre lecteur fêtera son 95e anniversai­re en 2082. Ils ne montrent pas moins le coût véritable d’une retraite anticipée.

Finalement, le planificat­eur financier recommande à Alexandre de réévaluer ses besoins en assurance vie, compte tenu des revenus modestes de sa conjointe ainsi que de la présence d’un enfant en bas âge.

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