Devancer sa retraite de 4 ans lui coûtera 1,9 M $
Comparaison des revenus si la retraite est prise à 59 ans plutôt qu’à 55 ans
Alexandre est un jeune homme pressé. Son objectif : cesser de travailler à 55 ans. Il n’est pourtant qu’au début de sa carrière, dans une société parapublique qui lui assure un bon salaire et de généreux avantages sociaux, dont un régime de retraite à prestations déterminées.
Ce n’est pas tant l’objectif d’Alexandre qui lui vaut cette étiquette que les moyens mis en oeuvre pour l’atteindre. Notre lecteur, âgé de 30 ans, vit avec sa conjointe, une travailleuse autonome dont les activités génèrent des revenus modestes et instables. Le couple a un enfant d’âge préscolaire.
Il se décrit comme un investisseur « anorexiqueboulimique ». Il peut passer des mois sans investir, puis à épargner frénétiquement pour engraisser ses comptes de placements.
À 23 ans, Alexandre et sa conjointe étaient déjà propriétaires d’un condo. Aujourd’hui, ils habitent une maison en banlieue de Montréal dont ils sont propriétaires, sans s’être départis de la copropriété, qu’ils louent 900$ par mois. Ils détiennent aussi une autre maison, dont ils tirent un revenu de location de 1150$ par mois.
Les trois propriétés sont en grande partie hypothéquées. Alexandre a recouru au refinancement pour accélérer les acquisitions immobilières, mais aussi pour investir en Bourse. Ses placements sont éparpillés dans six comptes. Pour accroître son exposition au marché boursier, le jeune homme a utilisé un prêt levier de 100000$, aujourd’hui réduit à 97 000 $. La valeur du portefeuille qui y est rattaché s’est un peu appréciée, à 102 000 $.
Au total, les actifs du couple se chiffrent 821 000 $. De l’autre côté, leurs dettes (hypothèques et prêt levier) montent à 596 500 $. Les avoirs nets s’élèvent donc à 225 500 $.
« Je suis audacieux dans mes finances, et je vise à partir à la retraite jeune sans compromettre ma capacité de voyager. J’aimerais voir s’il y a des possibilités d’investissement plus audacieux que je manque », nous a-t-il écrit. Bref, le jeune homme est à la recherche de stéroïdes pour
Trop impétueux
Nous avons soumis le cas d’Alexandre à Yves Lizotte, CPA et planificateur financier au Groupe Investors. « C’est impressionnant ce qu’il a déjà accompli à son âge », dit-il. La situation de notre lecteur n’est pas pour autant parfaite. Les bons réflexes sont là, mais ils s’expriment sans doute de façon trop impétueuse.
D’abord, de la manière dont ses économies sont placées, Alexandre est incapable d’avoir une vision globale. Il ne pourrait pas décrire sa répartition d’actifs, pourtant un concept clé en placement. Il faudrait consolider et déterminer une pondération adéquate en fonction de son profil d’investisseur.
« Il se considère comme très audacieux, mais il n’a jamais connu de marché baissier, remarque le conseiller. On ne connaît pas son degré d’aversion au risque aussi longtemps qu’on n’a pas vécu une vraie correction. »
Yves Lizotte se dit très soucieux à l’égard du prêt levier, « potentiellement toxique. Je ne conseillerais à personne de recourir au prêt levier après neuf ans de marché haussier », dit-il.
Alexandre a été mal conseillé, s’il l’a été. Le prêt est à taux variable et a été contracté dans un contexte de hausse des taux. Autre problème : il a servi à acquérir des fonds de série T, donc assortis d’une politique de distribution cible. Ces distributions servent, dans le cas d’Alexandre, à rembourser le prêt, mais, sans entrer dans la mécanique, elles contribuent à faire gonfler une facture fiscale latente. L’impôt à payer pourrait être important à la vente des parts. « Cela peut aussi contaminer la déduction fiscale des intérêts sur le prêt », signale M. Lizotte.
Il y a aussi un piège. Les fonds communs de placement comportent des frais de rachat. Autrement dit, notre lecteur ne peut en sortir à court terme sans payer des frais élevés. Il est coincé pendant cinq à sept ans, à moins de payer les frais. Un coût énorme Mais bon, Alexandre est jeune et économe. S’il reste chez le même employeur, il aura droit à une rente de retraite stable et généreuse. Le risque qui pèse sur son portefeuille, s’il est porteur de leçons, ne devrait pas compromettre sa retraite s’il rectifie le tir.
Yves Lizotte est réticent à lui établir un plan basé sur un coût de vie de retraite hypothétique. « Il est trop jeune, on n’a aucune idée de ses besoins financiers futurs. » Par contre, le planificateur financier a calculé quels pourraient être les revenus d’Alexandre s’il prenait sa retraite à 55 ans en comparaison de ceux qu’il aurait s’il repoussait sa retraite de quatre ans, à 59 ans. Ses calculs sont basés sur des hypothèses de rendement de 6,36% (profil d’investisseur audacieux) et un épuisement du capital à 95 ans.
« Le coût absolu de prendre sa retraite à 55 ans au lieu de 59 ans est de 1,89 million de dollars de revenus bruts répartis sur 40 ans. La différence découle de l’effet de la retraite anticipée et des retraits de placements plus hâtifs, dans l’hypothèse qu’il épuisera tout son capital. C’est une moyenne de 69300$ par année à partir de l’âge de 60 ans si on compare les deux scénarios. C’est un coût de renonciation énorme pour prendre une retraite quatre ans à l’avance», dit M. Lizotte.
Les montants semblent importants, mais il faut se rappeler que notre lecteur fêtera son 95e anniversaire en 2082. Ils ne montrent pas moins le coût véritable d’une retraite anticipée.
Finalement, le planificateur financier recommande à Alexandre de réévaluer ses besoins en assurance vie, compte tenu des revenus modestes de sa conjointe ainsi que de la présence d’un enfant en bas âge.