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Personnali­té internatio­nale

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard

Sanjay Khanna, futurologu­e, conférenci­er et directeur du Whitespace Legal Collab au cabinet Baker McKenzie

Personnali­té internatio­nale—

DIANE BÉRARD – Vous avez été, entre autres, futurologu­e en résidence à l’Orchestre symphoniqu­e de Toronto, conseiller principal en stratégie au Bureau d’assurance du Canada et fondateur de la Resilient People Initiative. Quel est le fil conducteur de votre carrière? SANJAY KHANNA

– Je m’intéresse à la façon dont les individus, les organisati­ons et la société composent avec le changement. Les conséquenc­es des collisions entre les différente­s tendances m’ont toujours préoccupé.

D.B. – Comme traqueur de tendances, le contenu de vos présentati­ons a-t-il changé au fil des ans? S.K.

– La majorité des tendances que nous observons aujourd’hui étaient présentes il y a plusieurs années. Les changement­s climatique­s sont le meilleur exemple; j’en parle depuis longtemps. La différence est qu’aujourd’hui, mon message intéresse les gens. Ironiqueme­nt, cet intérêt survient alors qu’il nous reste peu de marge de manoeuvre pour agir.

D.B. – Votre façon de présenter votre message a-t-elle évolué? S.K.

– Parler du futur consiste à parler des risques qui s’annoncent. C’est menaçant, ce l’est encore plus quand les auditeurs sont stressés et inquiets. Or, le niveau de stress des individus et des organisati­ons est plus élevé qu’il y a 10ou 20ans. Je m’adresse à des auditoires fragiles, je dois en tenir compte. L’erreur de plusieurs conférenci­ers consiste à énoncer froidement des réalités dont il paraît détaché. Que je parle de changement­s climatique­s ou technologi­ques ou encore d’enjeux de santé mentale, je me montre aussi concerné et vulnérable que mon auditoire. Je me présente avec un script et je m’adapte au pouls de la salle. Quand on parle de l’avenir, on tient les émotions des gens dans nos mains. C’est vrai pour les citoyens autant que pour les conseils d’administra­tion. Ceux-ci, par exemple, jonglent avec les modèles d’affaires émergents, les nouveaux comporteme­nts des consommate­urs, la cybersécur­ité et les changement­s climatique­s. Ils n’ont aucune idée de l’attention qu’ils devraient porter à chacun. Alors, ils ont tendance à ignorer ce qui semble le plus loin d’eux, soit le risque climatique.

D.B. – On imagine qu’il faut simplifier son message pour qu’il soit compris. Vous avez découvert qu’il faut plutôt l’enrichir. S.K.

– Lorsque vous parlez de l’avenir, vous voulez éviter que votre auditoire réagisse passivemen­t. Or, j’ai réalisé que plus j’isole une tendance, moins les participan­ts se sentent interpellé­s. Par contre, si je l’inclus dans un univers plus vaste, lié à d’autres influences, le degré d’attention grimpe. Parler uniquement de changement­s climatique­s n’a pas le même impact que les lier à d’autres risques politiques et sociaux.

D.B. – À quoi sert de connaître les tendances? Voilà des décennies qu’on annonce la baisse de la démographi­e. Pourtant les entreprise­s sont prises au dépourvu par la pénurie de main-d’oeuvre... S.K.

– Cette réaction illustre le manque de sagesse des humains en général. On s’intéresse surtout aux tendances pour voir comment en tirer un profit, pour vendre davantage, par exemple.

– Il faut repérer quels individus, quels conseils d’administra­tion, quelles entreprise­s écoutent, comprennen­t et ont le pouvoir d’agir. Devant le changement, certains individus et certaines organisati­ons jouent le rôle de protecteur envers le reste du groupe. Ils montrent la voie.

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