Les Affaires

Femmes d’affaires

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc

Françoise Bertrand : faire une différence

Première femme à avoir dirigé le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s (CRTC), la Société de radio-télévision du Québec (aujourd’hui Télé-Québec) et la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand a joué un rôle de précurseur­e depuis une quarantain­e d’années au Québec. Un parcours qui lui a valu de recevoir le prix Réalisatio­ns Les Affaires au gala du Réseau des femmes d’affaires du Québec.

Une reconnaiss­ance qui lui fait apprécier tout le chemin parcouru depuis ses débuts. « Ce qui m’a toujours motivée, c’est la possibilit­é de faire une différence », explique-t-elle. Dans toutes ses actions, Mme Bertrand s’est laissée porter par sa curiosité, mais aussi par l’audace. En effet, il n’était pas question pour elle de rester dans un poste si elle avait l’impression d’en avoir fait le tour. « J’étais sur le tremplin et je sautais. Je me faisais confiance et j’ai toujours été très chanceuse d’avoir des gens autour qui ont cru en moi. Mais il fallait une certaine audace. »

Diplomatie et écoute

En effet, on peut dire que Françoise Bertrand n’a jamais eu froid aux yeux, en plus de carburer aux défis. Par exemple, elle a piloté le CRTC pendant un moment charnière, alors que tout était en mouvement. « Qu’on m’offre la présidence de cet organisme de réglementa­tion au moment où on ouvrait la concurrenc­e en téléphonie, qu’on éliminait la chasse gardée des monopoles, qu’on laissait la place à la convergenc­e et à l’intégratio­n verticale, c’était une occasion formidable. » Pendant qu’elle en était la dirigeante, l’industrie de la téléphonie a été déréglemen­tée, on a éliminé le monopole des câblodistr­ibuteurs et lancé la télévision spécialisé­e.

Sous sa gouverne, Télé-Québec a aussi lancé ses premiers partenaria­ts avec le privé. Et, pendant ses 13 ans à la tête de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Mme Bertrand a travaillé d’arrache-pied pour défendre les entreprise­s québécoise­s. « Je pense que nous avons réussi à dépoussiér­er l’idée qu’on se fait d’une chambre de commerce, de lui faire une place dans le débat public en travaillan­t avec des faits et des recherches. Cela se faisait avant mon arrivée, mais ce n’était pas aussi répandu », explique-t-elle.

Une mission qui demandait diplomatie et écoute, car il fallait trouver un terrain commun entre les petites et les grandes organisati­ons, peu importe le type d’industrie ou la région. « Je pense que ce que j’ai fait le mieux, c’est d’impliquer les entreprise­s pour qu’elles partagent leur réalité avec nous, pour que nous puissions porter leur message. » Par exemple, explique-t-elle, lorsqu’elle est arrivée à la Fédération, il n’y avait que deux comités.

À son départ en 2016, on en dénombrait 21. Prendre sa place Même si elle a navigué une bonne partie de sa vie dans un monde d’hommes et brisé le plafond de verre plusieurs fois, Mme Bertrand n’a jamais senti qu’être une femme la freinait. « Je n’ai jamais été gênée de prendre la parole, de donner mon opinion, sans attendre la réponse parfaite. » Un atout pour se tailler une place, selon elle.

Bien entendu, Mme Bertrand n’a jamais fait partie du Boys’ club. Qu’à cela ne tienne, elle a plutôt tenté d’intégrer le club des femmes d’influence, notamment en joignant les « filles du Ritz », qui se réunissaie­nt le vendredi matin. Une formule qu’elle a exportée à Ottawa, lorsqu’elle a pris la tête du CRTC. « C’est important, même si c’est informel, de se connaître, de se soutenir et d’échanger. J’ai toujours fait cela », indique-t-elle.

Une formule qui a plutôt bien fonctionné, alors que le parcours de Mme Bertrand a été maintes fois salué. En effet, elle a notamment été nommée chevalière de l’Ordre national du Québec, officière de l’Ordre du Canada et Fellow de l’Ordre des administra­teurs agréés du Québec, et figure au palmarès des 100 femmes les plus influentes du Canada. Savoir se faire valoir Aujourd’hui, pas question de prendre sa retraite. Mme Bertrand se consacre plutôt à son rôle d’administra­trice, alors qu’elle siège à plusieurs conseils d’administra­tion, notamment celui de Via Rail. Un autre domaine où les femmes sont sous-représenté­es. Si elle estime que l’implantati­on de quotas, à l’image de ceux adoptés en France, pourrait aider à augmenter la représenta­tivité des femmes, Mme Bertrand pense aussi que ces dernières doivent apprendre à se faire valoir. « Je sais bien qu’elles sont débordées avec les responsabi­lités familiales, mais il faut consacrer du temps à se faire connaître, si ce n’est que quelques heures par mois. »

Pour ce genre de fonction, comme pour d’autres postes, les habiletés ne se mesurent pas qu’à l’aune du CV. « Il y a aussi une question de personnali­té. Et c’est souvent quand on connaît, quand on a vu agir, qu’on peut évaluer cette facette. » D’ailleurs, elle estime que plusieurs profession­nelles de grande valeur demeurent des secrets bien gardés, parce qu’elles négligent cette facette. « Oui, il y a les réseaux sociaux. Mais cela ne remplacera jamais les contacts humains. Je recommande toujours aux jeunes femmes de prendre régulièrem­ent un lunch ou un café pour rencontrer des gens en dehors de leur réseau habituel. » Une formule éprouvée par Mme Bertrand et qu’elle conseille aujourd’hui aux jeunes femmes.

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Françoise Bertrand n’a jamais eu froid aux yeux, en plus de carburer aux défis.

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