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Philanthro­pie

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Doubler les dons d’ici 2026, un défi de taille

La demande pour les services offerts par les organismes à but non lucratif (OBNL) canadiens pourrait augmenter d’ici 2026, de telle sorte que ceux-ci devront, s’ils veulent continuer d’y répondre, recueillir 25 milliards de dollars en dons additionne­ls, soit environ le double de ce qu’ils recueillen­t actuelleme­nt. Pourquoi cette tendance, quelles en sont les conséquenc­es potentiell­es et comment y répondre ?

Selon l’organisme derrière ces chiffres, Imagine Canada, les causes du phénomène anticipé sont multiples : le vieillisse­ment de la population, qui risque de faire croître la demande de services de soutien ; l’immigratio­n, qui engendre des besoins croissants ; l’environnem­ent, qui subit des pressions toujours plus grandes ; et la pauvreté.

Advenant la réalisatio­n de ces prédiction­s, les conséquenc­es pourraient être sérieuses pour la population, estime Bruce MacDonald, le PDG d’Imagine Canada, qui vise à appuyer et à renforcer les organismes caritatifs et sans but lucratif du pays. Le manque à gagner que prévoit son organisme n’apparaîtra toutefois sur aucun bilan comptable. S’il se concrétise, il se traduira par une incapacité des organismes caritatifs à servir leur clientèle.

« Disons que vous êtes un parent, que votre enfant commence à présenter les symptômes d’un certain trouble de santé mentale, et que vous appelez un organisme local spécialisé. Celui-ci pourrait alors bien vous dire qu’il n’accepte plus de nouveaux clients d’ici un an », illustre M. MacDonald.

Que faire pour prévenir le déficit prévu ? Plusieurs solutions sont envisagées par différents experts du milieu philanthro­pique. Bon nombre d’entre elles se résument à des efforts d’optimisati­on.

Subvention­ner mieux

Les organismes de philanthro­pie sont évidemment toujours ouverts à recevoir plus d’argent du gouverneme­nt, reconnaît M. MacDonald. Mais une solution plus réaliste, plus facile à mettre en place et, malgré tout, très avantageus­e pour les organismes, consistera­it simplement, pour les différents ordres de gouverneme­nt, à revoir la façon dont ils les financent.

Pour le moment, par exemple, les subvention­s accordées le sont souvent pour une période d’un an. Le problème avec cette façon de faire est que les organismes sont incapables de planifier au-delà de leur exercice financier parce qu’ils n’ont du financemen­t que pour un an, explique M. MacDonald. « Donc, aussitôt que vous recevez l’argent et mettez en oeuvre votre programme, vous devez vous replonger dans votre prochaine demande de fonds, dit-il. Si les subvention­s couvraient une période de trois ou de cinq ans, par exemple, ce serait beaucoup plus efficace. »

Le PDG d’Imagine Canada croit également que le gouverneme­nt gagnerait à laisser les OBNL avoir accès à certaines subvention­s, entre autres des subvention­s de développem­ent d’entreprise­s, qui sont pour l’instant offertes seulement aux entreprise­s. « Pour le gouverneme­nt, permettre aux organismes d’avoir accès à ces fonds ne représente pas une dépense additionne­lle, dit M. MacDonald. Il s’agit simplement de réviser les règles. »

Collaborer pour mieux servir

Pour répondre à la demande croissante de service, le directeur général de la Fondation Dr Clown, Martin Goyette, croit qu’il est

irréaliste de changer la culture et les comporteme­nts de la population pour attirer plus de dons. Lui aussi estime que le secteur devra viser des gains d’efficacité.

À son avis, les organismes actifs dans un même milieu devraient se parler davantage et travailler de concert pour mieux servir leur clientèle. « Prenons l’exemple des organismes qui offrent aux aînés des services à domicile, dit M. Goyette. Travaillen­t-ils main dans la main pour s’assurer que la couverture est parfaite et qu’il n’y a pas de services offerts en double ? Je crois qu’il y a là de belles possibilit­és d’améliorati­on. »

Dans un contexte de rareté des fonds, cet exercice deviendra, selon M. Goyette, toujours plus important. Les grands donateurs pourraient même être amenés à jouer un plus grand rôle, un rôle de coordonnat­eur qui sait qui fait quoi et qui peut aider les organismes à déterminer les joueurs qui peuvent prendre le relais là où eux s’arrêtent. « Le donateur optimise alors son don, explique M. Goyette. Il s’assure de maximiser son impact. »

Par ailleurs, les grands bailleurs de fonds s’engagent aujourd’hui plus que jamais à long terme dans une cause. En s’engageant ainsi, ils s’assurent de bien connaître le milieu dans lequel ils s’impliquent et d’en avoir une vue d’ensemble plus complète. C’est là une excellente stratégie, croit M. Goyette. Une stratégie qui pourrait même éventuelle­ment changer leur manière de travailler.

Pour le moment, les grands donateurs fonctionne­nt par demandes de fonds : les organismes leur soumettent une demande, que ceux-ci évaluent avant de choisir les meilleures. Mais d’ici les prochaines années, ils pourraient être tentés de faire l’inverse, soit de s’appuyer sur leurs connaissan­ces du milieu pour proposer des projets à un ensemble de joueurs, tirant ainsi le maximum de résultats de leurs dons.

« Si le déficit se réalise, nous n’aurons pas le choix de redoubler d’efforts pour nous assurer que chaque dollar est bien utilisé, dit M. Goyette. Nous avons déjà plusieurs belles pistes à explorer. »

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Avec l’environnem­ent, qui subit des pressions toujours plus grandes, les besoins en dons aux organismes à but non lucratif risquent d’augmenter drastiquem­ent.
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Les organismes qui offrent aux aînés des services à domicile pourraient travailler de concert pour mieux servir leur clientèle.

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