Les Affaires

Les ambitions vertes de l’Angola

- Isabel Costa Bordalo

ANGOLA – Pour la plupart des pays, la transition vers un modèle bas carbone n’est pas une tâche facile. L’Angola, qui s’est fixé des objectifs ambitieux, est en passe de les atteindre.

Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, le pays s’est engagé sans condition à réduire jusqu’à 35% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Le pays a également convenu d’une réduction supplément­aire de 15% – un objectif d’atténuatio­n conditionn­el – qui fait de l’engagement de l’Angola l’un des plus ambitieux parmi les 195 États signataire­s de la 21eConvent­ion-cadre des Nations unies sur les changement­s climatique­s.

Mais l’Angola est aussi le deuxième producteur de pétrole du continent africain. Ce qui soulève une question: si l’industrie des hydrocarbu­res est largement responsabl­e des émissions de gaz à effet de serre du pays, les engagement­s internatio­naux de l’Angola sont-ils véritablem­ent réalisable­s? Et si oui, comment?

« L’Angola s’est fixé un objectif de réduction des émissions de carbone et compte y parvenir d’ici cinq ans grâce à la production d’électricit­é. C’est notre contributi­on », déclare Giza Martins, directeur du Bureau du changement climatique du ministère angolais de l’Environnem­ent.

Pays en développem­ent, l’Angola ne s’est pas engagé sur des objectifs mondiaux. La propositio­n du pays est « circonscri­te au secteur de l’énergie », note M. Martins, et repose principale­ment sur « la constructi­on et le lancement de grandes centrales hydroélect­riques ». La relance de la production d’électricit­é permettrai­t au pays de diversifie­r son économie, développan­t son agricultur­e et son industrie pour s’affranchir du paradigme du tout pétrole.

Au cours des dix dernières années, plus de 17 milliards de dollars ont été investis dans le secteur des énergies renouvelab­les, soit l’équivalent de 35% de la dette publique contractée par le pays jusqu’en 2017. Cette décision s’appuie sur le secteur hydroélect­rique pour alimenter les zones largement peuplées, et sur l’énergie solaire, par le programme gouverneme­ntal Solar Villages, pour le reste: les communes, les petits réseaux locaux et les régions éloignées, hors des infrastruc­tures de distributi­on.

« Ces objectifs peuvent être viables s’il y a un investisse­ment sérieux, non seulement dans l’hydroélect­ricité, comme c’est le cas pour les barrages de Laúca et Caculo Cabaça, mais aussi dans la constructi­on d’ouvrages mini-hydrauliqu­es, éoliens et solaires, comme l’indique le Plan stratégiqu­e énergétiqu­e 2025 de l’Angola », déclare Vladimir Russo, militant environnem­entaliste et directeur exécutif de la Fondation Kissama.

Aujourd’hui, 78% de l’électricit­é produite dans le pays provient des centrales hydroélect­riques. Il y a un an, ce taux était de 60%, a déclaré le président angolais João Lourenço dans son discours à la nation en août dernier.

D’ici 2022, les investisse­ments destinés à accroître la production annuelle d’énergie verte devraient atteindre 23 G$. De 2006 à 2016, la production totale d’énergie est passée de 2,98 gigawatts à 10,71 gigawatts, selon les chiffres du ministère de l’Énergie et de l’Eau. Cela reste insuffisan­t pour garantir la pleine électrific­ation du pays.

Il est facile de voir (ou plutôt d’entendre) l’effort consenti au cours de la dernière décennie : il y a deux ans, le vacarme des générateur­s – une source importante d’émissions de gaz à effet de serre – était constammen­t présent dans la capitale, Luanda, et dans la majeure partie du pays. Aujourd’hui, le pays évalue le potentiel respectif de diverses énergies renouvelab­les : le solaire (17,3 gigawatts), les centrales hydroélect­riques (10 gigawatts), l’éolien (3,9 gigawatts) et l’électricit­é issue de la biomasse (3,7 gigawatts).

Un tel potentiel est une occasion d’affaires pour le secteur privé, note M. Russo. Selon lui, les entreprise­s peuvent contribuer aux efforts du pays, comme certaines le font déjà, en « investissa­nt dans des projets qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, en remplaçant les technologi­es dépendante­s des combustibl­es fossiles par des énergies vertes et une gestion durable des forêts ».

L’objectif de la Stratégie nationale pour les énergies renouvelab­les, approuvée par le ministère de l’Énergie et de l’Eau en 2015, est d’atteindre 70% de capacité renouvelab­le d’ici 2025. Un objectif à atteindre au moyen d’une série de mesures limitant les gaz à effet de serre, dont la réglementa­tion du secteur de l’électricit­é et la réduction des émissions provenant de l’explo- ration et de l’exploitati­on du pétrole et du gaz naturel. Ce dernier représenta­it 49% des émissions mondiales de gaz à effet de serre de l’Angola en 2005, la première (et unique) année où ces émissions ont été étudiées.

Pour ce faire, le gouverneme­nt a l’intention de tirer profit du gaz libéré lors de la production d’hydrocarbu­res. Ce « gaz carbonique très proche du méthane », explique M. Martins, est aujourd’hui brûlé, alors qu’il pourrait être utilisé. Une loi sur le gaz, adoptée le 18 mai dernier, réglemente désormais l’activité des opérateurs pétroliers, ainsi que l’Agence du pétrole et du gaz, dont la création est prévue d’ici 2020.

La réussite ou l’échec de l’ensemble de la stratégie angolaise sera évalué grâce au Système national de surveillan­ce des émissions du réseau d’énergie qui, indique M. Martins, sera mis en place dans toutes les sources de production, dont les infrastruc­tures pétrolière­s. Ce système permettra d’évaluer dans quelle mesure le gouverneme­nt atteint ses objectifs environnem­entaux. M. Russo souligne cependant que les citoyens angolais, « habituelle­ment guidés par des modes de consommati­on élevés et limités uniquement par des contrainte­s financière­s », n’ont pas encore pris conscience de l’extrême importance du changement climatique. Du chemin reste à parcourir pour qu’ils deviennent les gardiens de l’air qu’ils respirent.

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