Les Affaires

Ce secteur roule à fond, même durant les récessions

- Yannick Clérouin redactionl­esaffaires@tc.tc

Très peu de secteurs se trouvent à l’abri d’une baisse de régime de l’économie. S’il y en a un qui roule à fond même durant les récessions, c’est celui des pièces pour l’entretien et la réparation d’automobile­s usagées.

Comme toute bonne firme de gestion privilégia­nt l’analyse fondamenta­le, nous cherchons à repérer des entreprise­s qui prospérero­nt même durant les inévitable­s périodes de ralentisse­ment économique. Les candidates idéales bénéficien­t du caractère anticycliq­ue de leurs activités et sont en mesure de profiter de la solidité de leur bilan pour acheter des concurrent­s affaiblis.

Les distribute­urs de pièces d’automobile­s font partie de ce groupe sélect. Lorsque l’économie s’enlise, les propriétai­res sont forcés de garder leur véhicule plus longtemps. Les autos gagnant en âge, elles requièrent le remplaceme­nt d’un plus grand nombre de pièces. Faute de solutions de rechange pour se rendre au travail, ces consommate­urs au budget souvent limité doivent coûte que coûte effectuer les réparation­s sur leur véhicule pour assurer leurs déplacemen­ts.

Ce contexte à contresens se révèle favorable au quatuor de détaillant­s de pièces inscrits en Bourse : Advances Auto Parts (NY, AAP), Autozone (NY, AZO), Genuine Parts (NY, GPC) et O’Reilly Automotive (Nasdaq, ORLY).

Forte hausse des ventes lors de la dernière crise

Un retour dans le passé illustre la résilience de ces détaillant­s en période trouble. Plutôt que de décélérer, les ventes comparable­s, un indicateur clé de la performanc­e des magasins ouverts depuis au moins un an, ont bondi en 2009.

C’est notamment le cas pour O’Reilly. La chaîne, qui compte près de 5 200 établissem­ents au sud de la frontière, avait particuliè­rement brillé en affichant une croissance moyenne de 5,95% de ses ventes comparable­s au cours des quatre trimestres de 2009. Celles d’Advance Auto Parts et d’AutoZone avaient accéléré de 5,3% et de 4,4% respective­ment au cours de la même période.

L’année de la reprise économique qui a suivi a donné lieu à une performanc­e encore plus remarquabl­e: les ventes des magasins comparable­s d’O’Reilly, d’Advance Auto Parts et d’AutoZone ont grimpé de respective­ment 8,8%, 8% et 5,4% en 2010.

L’évolution boursière de ces entreprise­s a été non moins remarquabl­e au cours de ces deux années. L’action d’O’Reilly s’est appréciée de 24% en 2009 et de 58,50% l’année suivante. Ses rivales ont suivi une trajectoir­e similaire.

Il est impossible d’entrevoir un scénario identique lors du prochain ralentisse­ment économique, particuliè­rement en Bourse, mais le caractère anticycliq­ue de ces entreprise­s demeure intact. Le contexte concurrent­iel du secteur n’a pas connu de bouleverse­ment dans la dernière décennie, si ce n’est que les grands acteurs de l’industrie ont multiplié les acquisitio­ns de chaînes indépendan­tes.

Les dix principaux distribute­urs de pièces d’automobile­s revendique­nt désormais plus de 52% du marché américain, comparativ­ement à 42% en 2008.

Un facteur clé à surveiller pour ces détaillant­s est l’âge moyen des automobile­s. Celui de la flotte de véhicules légers aux États-Unis est passé de 10,4 ans en 2007, à 11,7 ans en 2017. Cette hausse est favorable aux ventes des détaillant­s de pièces, car leur clientèle cible se situe dès que les véhicules franchisse­nt le cap des sept ans.

L’âge idéal des véhicules pour les détaillant­s de pièces de remplaceme­nt est de huit à neuf ans. Or, les ventes comparable­s de ces chaînes ont commencé à ralentir en 2017, en raison de la diminution de véhicules se trouvant dans cette zone. La cause? La chute des ventes de véhicules neufs entre 2008 et 2011.

Les contrecoup­s de la crise précédente se font sentir aujourd’hui, mais les données du gouverneme­nt américain et d’analystes spécialisé­s portent à croire que la tendance s’inversera prochainem­ent.

Amazon, pas encore une menace

Les titres des détaillant­s de pièces d’autos ont trébuché à l’été 2017 après qu’Amazon eut annoncé son intention de lancer une offensive plus musclée dans le créneau.

Si les investisse­urs ont mal réagi sur le coup, ils ont par la suite pris du recul et compris que le géant de la vente en ligne ne pourrait conquérir le secteur aussi facilement que d’autres.

Plusieurs obstacles se dressent sur la route d’Amazon et des autres détaillant­s virtuels. Les propriétai­res qui réparent eux-mêmes leur véhicule ont, la plupart du temps, besoin de l’aide d’un conseiller qualifié pour détecter le problème mécanique et se procurer la bonne pièce. Les chaînes comme AutoZone et O’Reilly prêtent également des outils spécialisé­s à ces réparateur­s en herbe plutôt que de les forcer à les acheter pour une seule utilisatio­n.

Pour la clientèle profession­nelle, composée de garagistes, l’aspect le plus critique est la livraison des pièces dans les délais les plus courts possible afin de limiter au maximum leurs coûts de main-d’oeuvre et de servir leurs clients rapidement.

En raison de la complexité croissante de la mécanique des voitures, le marché des pièces de rechange se dirige de plus en plus vers les garagistes. Ce phénomène a pour effet de réduire les marges bénéficiai­res des détaillant­s, mais contribue en revanche à freiner l’invasion des Amazon de ce monde dans le marché.

Pour les garagistes, la rapidité de la livraison prime sur le prix exigé pour les pièces, qui est, de toute façon, repassé aux propriétai­res de véhicules. Côté vitesse de livraison, les quatre détaillant­s traditionn­els possèdent une longueur d’avance sur leurs concurrent­s en ligne en raison de leur réseau de centres de distributi­on.

O’Reilly est particuliè­rement bien positionné­e sur ce plan grâce à sa stratégie d’établir ses centres près des villes plutôt qu’en région. Ses employés sont en mesure de livrer aux garagistes les pièces courantes en 15 à 20 minutes! Une vitesse imbattable pour les rivales électroniq­ues.

La concurrenc­e des détaillant­s en ligne reste à surveiller, tout comme la transforma­tion de la flotte automobile américaine, car les véhicules électrique­s contiennen­t nettement moins de pièces qui subissent une usure (courroie de transmissi­on, filtres à huile, etc.) que les autos à essence. Les véhicules électrique­s et la migration du mode d’utilisatio­n des véhicules vers la location sur demande ne devraient toutefois pas transforme­r la flotte américaine à court et à moyen terme.

Au-delà de leur caractère anticycliq­ue, les détaillant­s de pièces d’automobile­s devraient continuer dans les prochaines années à accroître leurs parts de marché au détriment des distribute­urs indépendan­ts, et à poursuivre l’expansion de leur réseau. Ces entreprise­s ont aussi le potentiel de croître à l’internatio­nal. AutoZone exploite déjà 564 magasins au Mexique, un marché dans la mire d’O’Reilly.

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