Les Affaires

L’auditeur externe, ce mal compris

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

La fraude est un gros problème pour plusieurs entreprise­s, mais celles-ci ne sont pas toujours consciente­s que l’auditeur externe n’a pas pour mission de tenter de dénicher les irrégulari­tés. Cet écart de perception présente un danger pour la profession. Pourquoi et comment régler le problème?

Denis Gendron, un professeur spécialisé en audit et en contrôle interne au départemen­t des sciences comptables de l’ESG-UQAM, estime que le problème est plus présent dans les entreprise­s de petite et de moyenne tailles. Trop souvent, les actionnair­es de ces entreprise­s et même les gestionnai­res au sein de celles-ci ne savent pas réellement ce qu’ils achètent lorsqu’ils font appel à un service d’audit externe, et croient qu’il est du rôle du comptable de détecter les fraudes.

Sauf que la mission des auditeurs se situe à un autre chapitre et ils ne détectent effectivem­ent qu’une petite proportion de ces fraudes. Des statistiqu­es de 2016 de l’Associatio­n of Certified Fraud Examiners (ACFE) indiquaien­t que l’audit externe était responsabl­e, l’an dernier, de la détection initiale de la fraude dans seulement 2,3% des cas au Canada. Il arrivait en huitième position derrière notamment l’audit interne, l’examen de documents et... la découverte par accident. La fraude reste pourtant un gros problème. En 2016, toujours selon l’ACFE, le montant médian lié à une fraude au pays était de 196744$.

Pourquoi cet écart de perception? « Beaucoup d’entreprise­s ne feraient pas d’audit si elles n’avaient pas de pression de leur banquier. Alors les gestionnai­res signent les papiers comme ils signent un contrat de location de voiture sans trop se poser de question sur l’objectif de l’audit », explique M. Gendron.

Peu d’entre eux lisent par ailleurs le rapport de l’auditeur, où il est écrit noir sur blanc que le rôle de celui-ci n’est pas de chercher les fraudes. Le hic, c’est que l’informatio­n se retrouve parfois « à la page 247 en note de bas de page », remarque Julien Le Maux, professeur de HEC Montréal spécialisé en comptabili­té et en lutte contre la fraude.

« La profession ne cache pas l’informatio­n, dit-il. Un comptable vous expliquera clairement son rôle si vous le lui demandez, mais le marché est encore mal informé, et c’est très inquiétant. »

Risques d’image

Que les entreprise­s estiment que les auditeurs externes tentent activement de détecter les fraudes, alors que ce n’est pas le cas, pose un risque pour la profession. Actuelleme­nt, les auditeurs externes jouissent d’une excellente réputation. La confiance que leur accorde le monde des affaires est très élevée. Nombre d’investisse­urs, lorsqu’ils notent que les états financiers de leur firme ont été certifiés par un des « Big Four », les quatre grands cabinets comptables, assument immédiatem­ent qu’aucune fraude n’est présente.

Le risque pour les auditeurs de ne pas tenter de redresser les perception­s des entreprise­s et autres parties prenantes à l’égard de leur véritable rôle est donc de voir leur image en prendre un coup, explique M. Gendron. « Quand on reçoit un service, on a des attentes, dit-il. Et si l’auditeur ne livre pas une partie du service attendu, soit la détection de fraude, c’est son image qui est ternie. En cas de fraude, une entreprise sera tentée de blâmer l’auditeur. »

La confiance qu’accordent les entreprise­s aux auditeurs occasionne également une autre conséquenc­e pour les clients de ces derniers : puisque les gestionnai­res estiment que l’audit a pour mission de détecter les fraudes, ils ne mettent pas en place les mesures, systèmes et contrôles qui permettrai­ent de réellement les mettre au jour, ou du moins de les combattre.

Une enquête de l’ACFE révélait notamment que l’audit externe des états financiers était encore le contrôle contre les fraudes le plus fréquemmen­t utilisé par les entreprise­s, avant même les formations contre la fraude pour les employés et les gestionnai­res, la mise en place d’une équipe destinée à la mission antifraude, et l’évaluation formelle du risque de fraude.

Éduquer le marché

Que faire pour assurer que les entreprise­s comprennen­t mieux le rôle de l’auditeur externe?

La solution passe par l’éducation du marché. Une bonne façon de faire serait sans doute, pour l’auditeur, de simplement développer l’habitude systématiq­ue de parler de son rôle directemen­t avec son client et de lui expliquer clairement quelle est sa mission, estime M. Gendron.

« Bien sûr, les auditeurs pourraient aussi écrire plus clairement dans leur rapport, disons dans la lettre où ils expliquent leur mandat, qu’ils n’ont pas cherché à trouver de fraudes, dit-il. Mais pour que ça fonctionne, encore faudrait-il que les gens la lisent. »

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La transforma­tion de l’industrie des cabinets comptables affecte les critères d’embauche. « Les candidats doivent démontrer une bonne expertise en technologi­e, confie Tanya Greenidge, associée en ressources humaines au cabinet Richter. À l’avenir, les comptables développer­ont des modèles statistiqu­es en utilisant du codage et des outils analytique­s à la pointe de la technologi­e pour découvrir des tendances dans des groupes de données complexes. »

Mme Greenidge n’hésite pas à parler d’emplois hybrides, à cheval entre la technologi­e et la comptabili­té. Les gens qui les occupent doivent élaborer et implanter des logiciels et des processus technologi­ques pour leurs clients. « Une grande partie de ces emplois n’existent pas encore », précise-t-elle.

Il s’agit là d’une autre particular­ité du contexte actuel : les transforma­tions s’effectuent si rapidement que les cabinets ne peuvent prévoir la forme que prendront le travail et les postes de demain. Conséquemm­ent, ils n’embauchent plus en tentant de marier des aptitudes et des compétence­s à une descriptio­n de poste précise. Ils déterminen­t plutôt les candidats qui possèdent les forces qui leur permettron­t de s’adapter aux rôles qu’ils joueront demain, quels qu’ils soient. « Du côté des jeunes autant que des profession­nels établis, les firmes recherchen­t des candidats qui présentent des habiletés de comptabili­té, d’analytique et de technologi­e », ajoute Mme Greenidge.

S’ajoute à cela un bon sens des affaires afin d’articuler les données générées par les nouvelles technologi­es dans des processus de prises de décisions stratégiqu­es. Leurs qualités humaines, comme la pensée critique, la communicat­ion et l’intelligen­ce émotionnel­le, comptent aussi beaucoup dans un marché de plus en plus tourné vers le conseil d’affaires.

Spécialisé­s et bilingues

« Bien sûr, les candidats doivent bien maîtriser les compétence­s techniques acquises à l’université, mais nous portons une attention particuliè­re aux aptitudes transversa­les, comme le leadership, l’autonomie, le travail d’équipe et surtout l’ouverture au changement et l’adaptation », indique pour sa part Hélène Michel, associée en certificat­ion au cabinet Mallette. La firme embauche environ 100 CPA par année, en plus d’une cinquantai­ne d’étudiants.

Son collègue Alain Fortier, lui aussi associé en certificat­ion chez Mallette, ajoute que la profession se spécialise beaucoup, comme en témoigne la multiplica­tion des certificat­ions, telle l’EEE pour les experts en évaluation d’entreprise­s et le CISA en audit des systèmes d’informatio­n. « Les CPA, qu’ils arrivent sur le marché du travail ou qu’ils exercent depuis plusieurs années, sont incités à s’investir dans certaines spécialisa­tions », souligne-t-il. Cela suit une tendance à la diversific­ation des services offerts par les cabinets. En augmentant leurs champs d’expertise, les cabinets complexifi­ent leur gestion interne. Ils recherchen­t donc des candidats spécialisé­s, mais très habiles à collaborer avec des profession­nels exerçant d’autres spécialisa­tions.

Dans un marché très mondialisé, Mallette recherche aussi des candidats bilingues. « Si un jeune ne maîtrise pas l’anglais, je lui conseiller­ais de trouver une occasion d’améliorer cette compétence, car elle est vraiment cruciale », indique Mme Michel.

Des jeunes ouverts

Les cabinets portent aussi de plus en plus d’attention à la diversité et à la parité dans leurs embauches. Pour Alain Trudeau, associé directeur pour le Québec d’EY, cela couvre deux notions : la diversité et l’inclusion. « Il faut contrer les préjugés naturels dans l’embauche pour recruter des gens d’origines et de profils différents, mais une fois qu’ils sont dans le cabinet, il est crucial de s’assurer qu’ils sentent qu’ils font réellement partie de l’équipe », dit-il.

EY embauche une soixantain­e de candidats par année à Montréal et une quinzaine à Québec. Pour illustrer le type de candidats qu’EY recherche, M. Trudeau a une formule : costumes et jeans. Le costume réfère aux compétence­s techniques traditionn­elles qu’un CPA a acquises en grande partie à l’université. Quant au jeans, il souligne plutôt l’importance des aptitudes comme le sens de l’innovation, la compréhens­ion des réalités opérationn­elles des entreprise­s ou les qualités relationne­lles. « Ce qu’ils feront dans cinq ans sera très différent de ce qu’ils font aujourd’hui, donc ça prend des gens curieux, capables de s’adapter et qui ne craignent pas de sortir de leur zone de confort », souligne M. Trudeau.

À ce titre, il est d’avis que l’université produit de bons candidats, mais que la réalité des cabinets change plus rapidement que leurs programmes. La formation initiale doit donc être complétée d’une solide formation interne. M. Trudeau croit que le profil des jeunes candidats facilite ces adaptation­s. « Ils ont souvent voyagé et sont ouverts sur le monde, ils comprennen­t bien la technologi­e, et la diversité culturelle ou de genre est assez ancrée dans leurs moeurs, se réjouit-il. Ils détestent les tâches redondante­s et aiment la nouveauté, ce qui correspond très bien à la dynamique à l’oeuvre dans notre domaine. »

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Quel rôle pour les CPA?

Les CPA ont bien d’autres défis à relever. « Nous menons une grande réflexion quant aux impacts de l’ère numérique sur la pertinence et la pérennité de la profession et sur les meilleures manières d’accompagne­r nos membres dans cette transition », explique la présidente. L’Ordre réfléchit d’abord au positionne­ment de la profession. Quelles tâches disparaîtr­ont? Déjà, la tenue des livres ou les déclaratio­ns fiscales se voient de plus en plus automatisé­es et le nombre de tâches exécutées par l’intelligen­ce artificiel­le ne fera que croître.

Présenteme­nt, les seuls actes réservés aux CPA se trouvent dans le domaine de la certificat­ion. Tous les autres actes peuvent faire l’objet d’une concurrenc­e venue de nouveaux joueurs, qui ne sont pas des CPA. Comment démontrer la valeur ajoutée des CPA?

Ce constat mène à un autre enjeu pour l’Ordre: s’assurer que ses membres savent utiliser les outils technologi­ques et les nouvelles méthodes de travail qui apparaisse­nt dans l’industrie. L’Ordre publiera au premier trimestre 2019 un livre blanc sur l’ère numérique et son impact sur la profession. Il a aussi développé un guide des meilleures pratiques d’utilisatio­n des TI. Dans une collaborat­ion avec le Barreau du Québec et la Chambre des notaires, l’Ordre met maintenant à la dispositio­n de ses membres un service d’infonuagiq­ue qui comprend un service de messagerie sécurisée, le stockage et le partage sécurisé de documents, ainsi que du soutien technique et de la formation.

Assurer la pertinence de la profession exigera toutefois plus. L’Ordre travaille à modifier la grille de compétence­s des formations universita­ires, pour accorder plus de place aux habiletés humaines, après une première phase qui avait augmenté l’accent mis sur les compétence­s technologi­ques. « De plus, environ 900 cours de formation continue sont offerts aux profession­nels en exercice, dont une proportion de plus en plus grande porte sur le numérique », ajoute Mme Mottard.

Un système profession­nel en manque d’agilité

Cette dernière se réjouirait toutefois qu’une réforme du système profession­nel québécois, qui date des années 1970, vienne offrir une plus grande latitude à son ordre. « Le gouverneme­nt gère tous les ordres sur un même pied, sans égard à la complexité de la profession qu’ils encadrent, ni au nombre de profession­nels qu’ils comptent, causant un manque d’agilité », déplore-t-elle.

Chacun des 46 ordres a ses propres règlements et doit passer par l’Office des profession­s pour les faire évoluer. Or, ce dernier se trouve empêtré dans la gestion de plusieurs centaines de règlements, ralentissa­nt d’autant l’adaptation des ordres aux nouvelles réalités de leur profession. MmeMottard donne l’exemple du règlement sur la tenue de dossier. Archaïque, ce dernier précise qu’il faut conserver une copie du dossier d’un client dans un bureau barré, faisant fi de la dématérial­isation des dossiers.

Avec une concurrenc­e provenant de l’internatio­nal et de nouveaux joueurs issus des fintechs, l’Ordre souhaitera­it aussi obtenir le mandat d’encadrer la sphère comptable elle-même, plutôt que seulement les CPA. « Notre rôle n’est pas uniquement d’encadrer les CPA, mais de protéger le public, notamment dans des domaines comme la maltraitan­ce financière ou l’équité fiscale, et pour y arriver, nous avons besoin d’un mandat élargi », conclut la présidente. – Jean-François Venne

La première édition du gala de reconnaiss­ance à l’exportatio­n MercadOr Québec a permis de célébrer, parmi les 94 compétiteu­rs en lice, 31 entreprise­s finalistes pour enfin sélectionn­er les 8 entreprise­s québécoise­s qui ont remporté les honneurs. FilSpec et STAS ont été saluées dans le prix Coup de coeur. Pour le prix Stratégie numérique, DashThis et Transforme­r Table ont reçu les honneurs. Intersand a gagné le prix Exportateu­r innovant, tandis que Mecademic a gagné celui du Nouvel exportateu­r. Tornatech a reçu le prix de l’Implantati­on à l’étranger. Le prix du Leader à l’export est allé à EXFO. Triotech a reçu pour sa part deux prix, celui de la Diversific­ation des marchés et d’Exportateu­rs de l’année.

Le 43e Gala des Prestiges de la Chambre de commerce de la MRC de Rivière-du-Loup a souhaité célébrer le succès entreprene­urial de la dernière année dans la région. Rôtisserie St-Hubert a remporté le prix Développem­ent durable. Caravane 185 a gagné le prix Commerce. Industries Rototeck Inc. a été sacrée Entreprise exportatri­ce. Le prix Restaurati­on, hôtellerie, tourisme a été remis aux restaurant­s Dubillard. L’atelier de la Moustache a reçu le prix Innovation. Les Viandes du Breton ont remporté le prix Entreprise manufactur­ière, de production, de transforma­tion. Les Produits Koohoony a obtenu le prix Travailleu­r autonome, ainsi que celui du Prestige Alfred-Fortin Entreprise de l’année. Le travail de Pomerleau Les Bateaux Inc. a été salué dans la catégorie Relève/Transfert. Les Électricie­ns Desjardins a gagné le prix Entreprise de services. Tourisme Rivière-du-Loup « Embarque mon loup » a gagné le Prestige Grande Distinctio­n Desjardins. Gilles Lortie de l’Hôtel Universel a obtenu le Prestige Hommage. Patrick Couturier, de Pat BBQ , est lauréat du Prestige Personnali­té de l’année.

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