Les Affaires

LES COMPTABLES LIBÉRÉS GRÂCE AUX TECHNOLOGI­ES

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

La révolution technologi­que qui s’opère dans l’ensemble des industries affecte les cabinets comptables de deux manières. « Elle bouleverse et transforme nos clients et nous devons les épauler sur ce plan, mais elle change aussi profondéme­nt nos manières de travailler à l’interne », explique Nochane Rousseau, associé directeur, Grand Montréal de PwC Canada.

Pour répondre à ce double défi, PwC s’est récemment doté d’un chef de l’innovation au Canada, Chris Dulny, et d’une leader de l’innovation pour le Québec, Christine Pouliot. Chaque fois qu’il offre un service ou une solution à un client, le cabinet s’efforce d’y maximiser la composante technologi­que et innovante. Forcément, cela change aussi le rôle des comptables de la firme.

« L’intelligen­ce artificiel­le et l’apprentiss­age automatiqu­e réussissen­t très bien à automatise­r les tâches répétitive­s comme l’analyse de docu- ments volumineux et permettent d’améliorer grandement l’efficacité d’autres opérations, comme les certificat­ions », poursuit M. Rousseau.

De fait, alors qu’auparavant, une certificat­ion se faisait sur la base d’échantillo­ns, les robots utilisés maintenant peuvent vérifier l’ensemble des données d’une entreprise très rapidement. Les certificat­ions peuvent aussi se faire en temps réel, plutôt que quelques mois après la fin d’une année fiscale. PwC a d’ailleurs remporté le prix de l’innovation de l’année en audit deux ans de suite en 2016 et 2017, notamment pour la solution GL.ai. Cette technologi­e radiograph­ie une entreprise, analyse des milliards de données en quelques secondes et détecte les anomalies ou activités comptables inhabituel­les.

Un travail plus stimulant

Dans un tel contexte, le rôle des comptables consiste à tisser les bons liens, à bien analyser les résultats de ces audits pour détecter les risques, à prendre de bonnes décisions et à innover. Pour cela, ils doivent bien connaître le client et l’industrie dans laquelle il évolue. D’autant que cette avalanche de données pourra éventuelle­ment déboucher sur le développem­ent de modèles prédictifs dont pourront se servir les entreprise­s, un peu à la manière d’un Uber qui utilise ses données pour prédire l’offre et la demande et fixer les prix.

Le comptable devient donc davantage un conseiller d’affaires de l’entreprise. Si les compétence­s techniques restent importante­s, les habiletés comme la gestion de projet, l’esprit d’équipe et les qualités relationne­lles prennent de plus en plus de place. « Ce sont des défis beaucoup plus stimulants pour les CPA, qui s’y adaptent par ailleurs très bien, avance Sonia Boisvert, associée, responsabl­e du groupe certificat­ion de PwC au Québec. Ils sont habitués de négocier avec des environnem­ents complexes. »

L’enjeu, selon elle, demeure la vitesse à laquelle surviennen­t les changement­s depuis quelques années. Cela exige des efforts sur le plan de la formation continue des CPA, même ceux qui arrivent directemen­t de l’université et qui ont grandi dans un univers technologi­que. Encore ici, la technologi­e pourrait rendre de fiers services. M. Rousseau mentionne la réalité virtuelle, qui pourra être mise à profit pour soumettre les CPA à des mises en situation complexes et réalistes.

Devancer les changement­s

De son côté, Emilio Imbriglio, président et chef de la direction de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), se réjouit grandement de l’évolution du rôle du CPA qui résulte de l’automatisa­tion des tâches plus routinière­s. « Cela nous permet de nous consacrer à ce que nous faisons de mieux, soit devenir des conseiller­s de haut niveau pour appuyer des décisions stratégiqu­es cruciales telles le choix de nouveaux marchés, les stratégies d’exportatio­n, la sélection des fournisseu­rs, l’intelligen­ce d’affaires, les partenaria­ts ou acquisitio­ns, etc. », dit-il.

Le 31 octobre dernier, dans la revue Accounting Today, David Yermack, professeur de l’Université de New York, prédisait ni plus ni moins la mort de la certificat­ion au cours de la prochaine décennie. La cause du décès? Les registres électroniq­ues de type chaîne de blocs et l’intelligen­ce artificiel­le qui, selon lui, rendront à peu près impossible la fraude. Le succès d’un cabinet dans ce domaine viendra donc de la qualité et de la rapidité des logiciels, plutôt que des comptables.

« Tant mieux, nous sommes prêts pour ça, nous investisso­ns déjà massivemen­t dans les technologi­es de chaîne de blocs et d’intelligen­ce artificiel­le et cela libérera nos experts pour effectuer des tâches plus rentables », répond M. Imbriglio. La firme a d’ailleurs ajouté, en 2016, un membre externe à son conseil d’associés, un fait très rare dans les cabinets canadiens. Il s’agit de Louis-Philippe Maurice, fondateur de Busbud, dont le rôle est de mettre la firme au défi d’innover dans ses processus. RCGT a aussi embauché Michel Besner pour diriger le centre d’expertise en chaîne de blocs Catallaxy, lancée en juillet 2017.

« Tout cela montre bien notre volonté d’innover et d’être ouvert à l’égard des changement­s qui marquent notre profession », conclut M. Imbriglio.

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« Nous investisso­ns déjà massivemen­t dans les technologi­es de chaîne de blocs et d’intelligen­ce artificiel­le et cela libérera nos experts pour effectuer des tâches plus rentables. » – Emilio Imbriglio, président et chef de la direction de Raymond Chabot Grant Thornton

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La révolution technologi­que permet la transition du comptable en conseiller d’affaires. Des habiletés comme la gestion de projet et l’esprit d’équipe prennent de plus en plus de place.
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