Courant dominant
Greta Thunberg a fait un tabac à Davos, en janvier, en plaidant l’urgence de protéger la planète. Davos, petite ville suisse, mais surtout réunion des réunions pour la communauté d’affaires internationale, organisée depuis le début des années 1970 par le Forum économique mondial. Si la jeune Suédoise a pu tenir ce discours à l’épicentre de la puissance économique, c’est que cette année, finalement, les dirigeants du secteur privé ont pris la mesure de leur responsabilité.
Un exemple, celui du PDG de la pétrolière Total, Patrick Pouyanné, au micro de la chaîne française BFM Business: « Notre rôle évolue. C’est un grand débat que nous avons à Davos. Nous ne sommes pas simplement des puissances économiques chargées de faire des profits, de distribuer des produits. Dans notre monde, les sociétés attendent de nous que nous soyons aussi des acteurs de la cité. »
Toute la machine de Davos semblait engagée cette année pour faire comprendre aux chefs d’entreprise à quel point les risques sont partout et qu’il convient d’agir rapidement, fortement et à l’échelle du système. (Jetez un oeil au Global Risks Report 2019 pour vous faire une idée.) Silvio Dulinsky, membre du comité exécutif du Forum, a résumé son message au monde des affaires en une phrase limpide: « Pour les grandes entreprises, se conformer à la loi ne suffit plus. »
Le fondateur et président exécutif du Forum, Klaus Schwab, explique brutalement à quel point le système mondial est déséquilibré, dans un texte publié au début de février. Son remède pour rétablir un équilibre planétaire: rendre le système plus éthique, durable, diversifié, inclusif, fondé sur l’ensemble des parties prenantes. « Les élites doivent être des modèles plus dignes de confiance. En bref, nous devons “re-moraliser” la mondialisation. »
Ah, vraiment? diront certains avec ironie. Les idées défendues à Davos en 2019 sont scandées depuis des décennies dans les courants altermondialistes. Au bord du précipice, ces idées autrefois marginales deviennent la nouvelle norme. Partout dans le monde, des entreprises cherchent à redéfinir leur rôle, comme le montre le reportage de notre journaliste et chroniqueur Diane Bérard dans ce numéro.
Avec le pouvoir viennent de grandes responsabilités. Tenir compte de l’ensemble des parties prenantes, et non seulement des actionnaires, peut passer par la philanthropie, mais l’impact est plus grand quand cette prise en compte est systémique, intégrée dans le modèle d’affaires, réalisent plusieurs. Un mouvement de fonds qu’on ne peut plus ignorer. Un courant dominant.