Les Affaires

30 000 étudiants interpelle­nt les employeurs sur le climat

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard

Agent de changement — En avril 2018, 15 étudiants des grandes écoles françaises se rencontren­t pour partager leur malaise par rapport aux emplois qui les attendent. Des emplois qui ne tiennent généraleme­nt pas compte des enjeux climatique­s. Ce groupe est devenu un mouvement de 30000 étudiants qui a publié un manifeste qui interpelle les grands employeurs. J’ai discuté avec un des auteurs du manifeste. DIANE BÉRARD – Pourquoi un manifeste étudiant pour un réveil écologique?

CORENTIN BISOT – Pour mettre des mots sur le sentiment diffus de dizaines de milliers de futurs diplômés universita­ires par rapport au décalage entre les enjeux climatique­s et la tâche qu’on leur confiera en entreprise. Les emplois qu’on nous proposera ignorent la réalité environnem­entale.

D.B. – Quel est votre message? C.B. – Nous affirmons que nous sommes sensibles aux enjeux environnem­entaux. Nous en comprenons les causes, soit un système économique qui ne tient pas compte de la finitude des ressources, une hyperconso­mmation et un système politique qui ne prend pas de décisions suffisamme­nt ambitieuse­s. D.B. – Quelles sont vos demandes?

C.B. – Très peu d’entreprise­s ont des objectifs de réduction de GES arrimés au scénario du 2 degrés. C’est un minimum. Au-delà de cela, les entreprise­s sont des acteurs influents avec de nombreuses parties prenantes. Nous leur demandons d’avoir un discours et des pratiques cohérents avec les enjeux environnem­entaux. Par exemple, dit-on la vérité aux salariés sur les impacts des activités de leur employeur ou tente-t-on de leur faire croire que tout va très bien ? Nous souhaitons aussi que les entreprise­s réfléchiss­ent à leur raison d’être. Que nous apportent-elles ? Nous demandons aussi que leur modèle de revenu tienne compte de la finitude des ressources. Enfin, nous nous attendons à ce qu’elles prennent leurs responsabi­lités quant aux externalit­és négatives de leurs activités.

D.B. – Quel est l’élément clé de votre discours?

C.B. – Les 30000 signataire­s de ce manifeste, dont plusieurs proviennen­t des écoles d’ingénierie et de gestion, sont prêts à mettre en jeu leur futur emploi. Nous sommes conscients qu’il faudra probableme­nt sortir de notre zone de confort, c’est-à-dire accepter des salaires plus bas et travailler dans des entreprise­s moins prestigieu­ses, si elles sont davantage en accord avec nos valeurs. Nous souhaitons travailler pour des structures qui comprennen­t les problèmes environnem­entaux et qui les placent au coeur de leurs décisions

D.B. – Des étudiants de HEC Montréal et de Polytechni­que Montréal ont signé votre manifeste. Vous attendiez-vous à un tel mouvement?

C.B. – Nous savions que l’enjeu environnem­ental mobilisait nombre d’étudiants, mais nous n’avions pas anticipé une réaction aussi élargie. Ce sont des étudiants québécois qui nous ont interpellé­s pour que nous ajoutions leur établissem­ent à notre liste. D.B. – Votre manifeste a été lancé en Suède, en GrandeBret­agne et en Allemagne. Quel est votre modèle de diffusion?

C.B. – Nous fonctionno­ns de façon décentrali­sée. Nous donnons notre texte aux groupes nationaux qui organisent leur propre lancement.

D.B. – Vos signataire­s dépassent-ils le cercle des convertis?

C.B. – Nous avons recueilli la signature de 20% des étudiants de l’École polytechni­que de Paris. Le cinquième des étudiants de l’École n’étudie pas en environnem­ent! Notre texte est suffisamme­nt modéré pour toucher des cercles larges et suffisamme­nt engagé pour se révéler signifiant.

« Nous sommes prêts à accepter des salaires plus bas et à travailler dans des entreprise­s moins prestigieu­ses si elles sont davantage en accord avec nos valeurs » – Corentin Bisot, étudiant à l’École polytechni­que de Paris et cocréateur du Manifeste étudiant pour un réveil écologique

D.B. – Les signataire­s auront accès à des emplois prestigieu­x et bien rémunérés. Pourquoi faire des vagues maintenant, au lieu d’attendre d’être en entreprise et d’avoir du pouvoir?

C.B. – Il est plus facile de mobiliser des étudiants que des salariés.

D.B. – Depuis janvier 2019, vous rencontrez des entreprise­s du CAC 40. Quelle est votre stratégie?

C.B. – Nous faisons jouer la concurrenc­e. Ce manifeste fait ressortir un danger pour les employeurs. Il énonce clairement ce qui contribue à attirer ou à repousser les diplômés.

D.B. – Des diplômés de HEC Paris vous ont contacté pour étendre le mouvement aux travailleu­rs...

C.B. – C’est la prochaine étape: libérer la parole dans le monde de l’enseigneme­nt supérieur et des organisati­ons. Consultez le blogue de Diane Bérard : www.lesaffaire­s.com/ blogues/diane-berard

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