Les Affaires

Ce rapport qui pourrait être décisif pour votre avenir financier

- Yannick Clérouin et Eddy Chandonnet redactionl­esaffaires@tc.tc

Laissez-nous d’entrée de jeu vous poser deux questions qui tuent : connaissez-vous le rendement après frais qu’a réalisé votre portefeuil­le en 2018 et sur plusieurs années? Cette performanc­e est-elle bonne, convenable ou plutôt lamentable ?

Le changement d’année représente pour la plupart des épargnants le moment propice pour faire le bilan de son portefeuil­le de placements. L’année 2018 vous a peut-être paru un chemin de croix et vous brûlez d’impatience de comparer votre performanc­e à celle du beau-frère ou de la belle-soeur.

Les nouvelles règles de divulgatio­n mises en place par les autorités canadienne­s en valeurs mobilières ces dernières années promettaie­nt une nouvelle ère de transparen­ce en matière de divulgatio­n des rendements et des frais.

Force est de constater que la révolution espérée ne s’est pas encore concrétisé­e. L’analyse de dizaines de portefeuil­les de clients potentiels nous amène à croire qu’une majorité d’épargnants peinent à mesurer le rendement après frais de leur portefeuil­le. Pire, ils sont souvent incapables de déterminer si leur conseiller leur en donne pour leur argent.

Cela peut se comprendre. Les rapports de rendement qu’ils reçoivent sont souvent trop complexes et ne présentent pas l’informatio­n qui compte vraiment.

Les principale­s failles

Les autorités exigent que les conseiller­s affichent les rendements par type de compte (REER, CELI, comptant, etc.). Selon nous, le rapport idéal peut néanmoins tenir sur une page et présenter de façon claire le rendement après frais du portefeuil­le dans son ensemble sur différente­s périodes, à court et à long terme.

Pour bien évaluer un conseiller, il ne faut pas se fier uniquement au rendement de la dernière année, mais sur une période d’au moins cinq ans. C’est la seule façon d’éliminer les facteurs aléatoires qui peuvent survenir sur une courte période. Vous pourrez ainsi juger avec rigueur de la stratégie d’investisse­ment et du tempéramen­t de votre conseiller dans plusieurs contextes qui caractéris­ent un cycle boursier, autant favorables que défavorabl­es.

Bien que ce ne soit pas exigé par les autorités, le rapport de rendement devrait également présenter un barème de référence qui permet de comparer la performanc­e du portefeuil­le.

Enfin, le rapport devrait afficher le montant net investi, qui tient compte des ajouts et des retraits d’argent, ainsi que la valeur en dollars du portefeuil­le à la fin de la période visée.

Cela peut paraître une évidence, mais il est aberrant de constater le grand nombre de rapports de rendement qui présentent un portrait faussé ou indécodabl­e pour le commun des mortels. Ils parviennen­t même à égarer des entreprene­urs qui passent leurs journées à décortique­r des rapports financiers.

Pour apprivoise­r cet outil ô combien crucial dans l’atteinte de vos objectifs financiers, il est capital de connaître leurs principale­s failles.

Une des principale­s faiblesses que l’on observe réside dans la présentati­on des rendements. Il arrive que des épargnants doivent se rendre à la fin d’un relevé d’une dizaine de pages pour repérer le chiffre qui compte vraiment.

Courage à celui qui veut trouver le rendement global de son portefeuil­le après avoir épluché la panoplie de transactio­ns réalisées par le conseiller au cours de la période, pris connaissan­ce de la valeur comptable de chacun des fonds communs détenus, ou encore analysé le détail portant sur la perception d’un montant de 2$ pour les taxes de vente. Si vous êtes incapable de trouver votre rendement, demandez-le à votre conseiller.

Il est impossible de mesurer la performanc­e de son portefeuil­le sans avoir le bon barème de référence. La plupart des rapports de rendement en mettent un de l’avant. Là où le bât blesse, c’est qu’ils ne sont pas représenta­tifs des placements détenus.

Par défaut, de nombreux rapports mettent de l’avant l’indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto. Voilà qui peut être trompeur: rares sont les portefeuil­les constitués uniquement de titres canadiens. Le barème doit refléter le mieux possible la compositio­n du portefeuil­le (actions américaine­s, actions mondiales, titres à revenu fixe, etc.).

L’autre grande faille des barèmes présentés est qu’ils excluent les dividendes et intérêts versés par les titres. Cela a pour effet d’enjoliver la performanc­e du portefeuil­le par rapport à son indice de référence.

La meilleure façon de déterminer si votre portefeuil­le surpasse ou non le marché est d’utiliser les fonds négociés en Bourse (FNB) les plus représenta­tifs. Par exemple, un portefeuil­le composé d’actions canadienne­s et américaine­s, ainsi qu’une portion à revenus fixes, devrait être comparé à un FNB représenta­nt l’indice S&P/TSX, un FNB reflétant l’indice S&P 500 et un FNB reproduisa­nt les obligation­s.

Comme ces fonds affichent les rendements après frais et reflètent les dividendes et intérêts versés par les titres, ils constituen­t un excellent baromètre.

Autre grande lacune souvent observée: le rendement est affiché dans une devise et celui du barème, dans une autre. La comparaiso­n sera imparfaite si l’effet des devises est écarté.

Comparez des pommes avec des pommes

Avant de vous lancer dans les comparaiso­ns, prenez certaines précaution­s.

Assurez-vous de comparer des pommes avec des pommes si vous mettez en parallèle la performanc­e de deux conseiller­s ou gestionnai­res de portefeuil­le.

Il faut au préalable connaître la pondératio­n en actions et en revenus fixes de chacun afin d’évaluer les rendements sur une même base. Confirmez que les rendements présentés par l’autre conseiller sont nets de frais et tiennent compte des dividendes et des intérêts.

Autre élément à vérifier: le rendement présenté par le conseiller du beau-frère ou de la belle-soeur est-il celui d’un portefeuil­le personnel ou de la moyenne des portefeuil­les de ses clients? Le portrait peut être faussé si le conseiller présente le rendement de son portefeuil­le personnel et fait ainsi abstractio­n des frais de gestion normalemen­t facturés aux clients.

Le devoir de tout conseiller

Ne vous contentez pas de connaître le rendement du dernier mois ou de la dernière année.

Si votre conseiller ne vous fournit pas les rendements sur une période de cinq ans et plus, vous serez incapable de juger adéquateme­nt de l’efficacité de sa stratégie. Le rendement à court terme n’est pas révélateur. Même les meilleurs investisse­urs, tel Warren Buffett, affichent une performanc­e inférieure aux marchés une année sur trois.

Il incombe à tout conseiller ou gestionnai­re de portefeuil­le de fournir à ses clients les bons outils permettant d’évaluer sa démarche. N’hésitez pas à aborder la question du rendement si la personne qui gère votre argent omet de le faire. C’est la seule façon de savoir si elle vous en donne vraiment pour votre argent.

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Il incombe à tout conseiller ou gestionnai­re de portefeuil­le de fournir à ses clients les bons outils permettant d’évaluer sa démarche.

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