Les Affaires

Le stagiaire est un client comme un autre

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

En période de rareté de main-d’oeuvre, le recrutemen­t de stagiaires devient un défi stratégiqu­e crucial pour les entreprise­s. Ces dernières revoient donc leurs pratiques afin d’attirer vers elles les meilleurs talents.

« Avant, les jeunes faisaient la queue devant les entreprise­s en espérant décrocher un stage ; maintenant, c’est l’inverse », admet Marc Côté, directeur principal, Expérience employé, chez iA Groupe financier. L’entreprise a réagi en modifiant sa structure. La vice-présidence ressources humaines, plus classique, est devenue une vice-présidence expérience employé et expérience client. « Nous dressons une cartograph­ie du séjour de l’employé, à partir du moment où il pose sa candidatur­e pour un stage, explique M. Côté. Comment l’approchons­nous ? Quelle est son expérience avec nous ? On voit le stagiaire comme un client. »

Finies les offres de stage très uniformes. La firme définit désormais ses besoins selon ses différents secteurs d’activité et les localités où elle opère. Elle reste bien sûr très présente dans les université­s et les cégeps, où elle s’emploie à donner une vision réaliste de l’entreprise. Peu de jeunes savent, par exemple, qu’un employé sur cinq d’iA travaille directemen­t ou indirectem­ent en technologi­es de l’informatio­n. En 2018, la firme a embauché 51 stagiaires, dont 21 en technologi­es de l’informatio­n.

C’est surtout dans des domaines tels l’actuariat et la comptabili­té que le recrutemen­t se complique. iA doit y affronter une forte concurrenc­e provenant de secteurs autres que l’assurance, comme les firmes comptables et les cabinets d’avocats.

Pour prendre sa place et communique­r ses besoins, iA accentue sa présence sur LinkedIn et Facebook, et de plus en plus sur Instagram, où elle n’hésite pas à publier des « stories ». Elle utilise aussi des moyens plus traditionn­els, comme offrir aux étudiants une tasse à café à l’effigie de la firme. « C’est simple et nous restons ainsi dans leur esprit au quotidien », indique M. Côté.

iA s’efforce de comprendre les attentes des stagiaires et d’y répondre. Un grand nombre d’entre eux privilégie­ront un stage débouchant sur un emploi dans l’entreprise. Ça tombe bien, le taux de conversion des stagiaires en employés avoisine les 100 % à iA. Le salaire intéresse bien sûr les jeunes, mais ceux-ci regardent aussi les défis qu’ils pourront relever, la mobilité dans l’entreprise et des éléments comme la cafétéria, la présence d’un gym ou de clubs sociaux et l’accès au transport en commun.

« Ils s’intéressen­t également à nos valeurs, aux oeuvres de bienfaisan­ce auxquelles nous contribuon­s, à notre impact social. Ça c’est assez nouveau », indique M. Côté.

Forte demande en TI

La gestion des stages connaît aussi une grande transforma­tion au Mouvement Desjardins. Au Québec, le groupe a embauché 470 stagiaires à l’été 2018 et plus de 200 autres à l’automne. Desjardins rémunère tous ses stagiaires et reçoit plus de 1 000 candidatur­es par année. Sa démarche traditionn­elle consistait à définir lui-même ses stages, puis à faire un appel de candidatur­es. Désormais, la coopérativ­e est beaucoup plus à l’écoute des jeunes, de leurs projets de recherche, de leur intérêt envers une activité particuliè­re du Mouvement ou de leurs besoins de formation.

« Par ailleurs, cela a simplifié la gestion puisque la définition des stages vient beaucoup des jeunes, plutôt que d’une équipe de gestionnai­res », avance Salwa Salek, directrice principale, Développem­ent organisati­onnel et expérience employé.

Mme Salek note une forte concurrenc­e dans le recrutemen­t des stagiaires dans les métiers non traditionn­els par rapport aux secteurs bancaire et de l’assurance, par exemple en gestion des données, en intelligen­ce artificiel­le ou en marketing numérique. « Nous avons besoin de beaucoup de ressources en TI, donc nous devons nous assurer que les jeunes dans ces domaines pensent à nous », précise-t-elle. À l’été 2018, 106 des 470 stages chez Desjardins étaient en TI.

Desjardins accorde donc une attention spéciale à son positionne­ment dans ces domaines, notamment avec le Desjardins Lab, lequel offre des services de prototypag­e rapide, d’exploratio­n technologi­que et de développem­ent de la culture d’innovation. Il organise le Coopératho­n, présenté comme la plus grande compétitio­n d’innovation ouverte du monde. En 2018, le Coopératho­n a établi un partenaria­t avec la Coupe Données, un concours d’innovation en valorisati­on des données ouvertes. Desjardins s’est aussi associé, en 2017, avec l’Institut de valorisati­on des données, afin de promouvoir l’innovation dans les produits et services financiers.

« Le gros défi, conclut Mme Salek, c’est de rendre la carrière en services financiers attrayante pour les finissants dans les métiers traditionn­els des secteurs bancaire et de l’assurance, mais aussi dans les secteurs non traditionn­els comme la cybersécur­ité, l’ingénierie informatiq­ue ou le marketing numérique. »

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Les jeunes privilégie­nt souvent un stage débouchant sur un emploi dans la même entreprise. Le salaire les intéresse bien sûr, mais ceux-ci regardent aussi les défis qu’ils pourront relever et la mobilité dans l’entreprise.

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