Les Affaires

Des stagiaires qui n’en sont pas à leurs premières armes

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

Il est de plus en plus fréquent que les entreprise­s accueillen­t des stagiaires qui ont déjà travaillé pendant quelques années. Ces candidats présentent des atouts et des besoins différents des autres.

« Nous accueillon­s chaque année une trentaine de stagiaires dans chacun de nos trois bureaux, et la moitié d’entre eux sont en deuxième partie de carrière, soit des gens issus de l’immigratio­n ou des Québécois en réorientat­ion de carrière », explique Marion Montagu, responsabl­e du recrutemen­t pour CGI, à Shawinigan et à Drummondvi­lle.

Un certain nombre de stagiaires sont âgés de la quarantain­e ou la cinquantai­ne. Ils ont travaillé dans d’autres domaines avant de retourner suivre une formation en informatiq­ue. À Saguenay, CGI accueille plusieurs de ces stagiaires plus âgés, lesquels arrivent armés d’une Attestatio­n d’études collégiale­s. « Ils ont souvent besoin d’un peu plus d’encadremen­t au début, admet Karine Villeneuve, spécialist­e en ressources humaines et en recrutemen­t pour CGI, à Saguenay. Ils détiennent une formation de base, mais pas du même niveau qu’un DEC ou un baccalauré­at. Ils peuvent être un peu moins à l’aise avec l’informatiq­ue que les jeunes dans la vingtaine. »

Une culture d’intégratio­n

C’est là qu’intervient la culture d’entreprise de CGI, selon les deux porte-parole. Le programme d’intégratio­n de la firme est axé sur le parrainage, le coaching et le travail d’équipe. Les stagiaires, peu importe leur âge, se voient intégrés à une équipe qui comprend des travailleu­rs seniors.

Par ailleurs, les stagiaires plus âgés possèdent une certaine maturité profession­nelle, acquise dans leurs expérience­s de travail précédente­s. Ils sont ponctuels et impliqués. Ils vivent des enjeux différents de ceux des plus jeunes. Certains ont essuyé plusieurs refus en raison de leur âge avant de retrouver un emploi. Ils éprouvent souvent des besoins financiers plus immédiats (enfants à charge, maison). « Ils s’investisse­nt beaucoup dans l’entreprise et développen­t rapidement un sentiment d’attachemen­t », note MmeMontagu.

Les stagiaires issus de l’immigratio­n présentent un besoin supplément­aire, celui de l’intégratio­n dans le milieu. CGI s’efforce de faciliter cette transition. La première journée de travail d’un immigrant consiste en une séance d’intégratio­n dans l’entreprise, dans laquelle on discute de valeurs et d’interactio­ns entre les gens. Certains employés n’hésitent pas à s’impliquer, par exemple, en allant chercher ces travailleu­rs lors de leur arrivée à l’aéroport, en les conseillan­t et en les invitant à des activités ou en les aidant à se trouver un logis. Conséquenc­e, le taux de roulement des employés immigrants n’est pas supérieur à celui des non-immigrants chez CGI.

Pour CGI, ces stagiaires au profil atypique sont une bénédictio­n. L’entreprise compte 30 postes ouverts à Saguenay, 40 à Shawinigan et une vingtaine à Drummondvi­lle. « S’il y avait plus de stagiaires disponible­s, des semi-retraités prêts à travailler à temps partiel, par exemple, nous les prendrions! », confirme MmeVillene­uve.

« Ça dépend beaucoup du domaine dans lequel [les stagiaires plus âgés] ont travaillé. Dans certains cas, ils possèdent des connaissan­ces et une formation qui ont une grande valeur pour un cabinet d’avocats. »

Percer les profession­s

Les stagiaires atypiques vivent une réalité un peu différente dans les milieux profession­nels, comme le droit. « Il existe une certaine résistance dans les cabinets d’avocats à embaucher un stagiaire plus âgé, qui a déjà fait un bout de carrière dans un autre domaine », indique MeDominiqu­e Tardif, vice-présidente de la firme de recrutemen­t juridique ZSA.

Certains craignent qu’un stagiaire qui a déjà occupé des postes à responsabi­lité dans un autre domaine accepte moins bien de recommence­r en bas de la pyramide et de se plier aux exigences d’un stage. La même crainte existe au sujet d’avocats qui ont pratiqué, parfois même été associés, dans un autre pays, mais qui doivent refaire une formation et un stage pour pratiquer au Québec.

Dans certains cas, l’âge peut aussi jouer contre un candidat, en particulie­r à partir de la cinquantai­ne. Les cabinets utilisent beaucoup les stages pour préparer la relève et trouver de futurs associés afin d’assurer la pérennité du cabinet. Le stagiaire grisonnant ne correspond pas à ce profil.

Cela ne veut pas dire pour autant que tous les candidats en réorientat­ion de carrière sont automatiqu­ement rejetés du revers de la main. « Ça dépend beaucoup du domaine dans lequel ils ont travaillé. Dans certains cas, ils possèdent des connaissan­ces et une formation qui ont une grande valeur pour un cabinet d’avocats », indique Me Tardif.

Elle donne l’exemple de quelqu’un qui aurait travaillé comme banquier d’investisse­ment. Celui-ci représente­rait un bon atout pour un départemen­t de droit des valeurs mobilières. Idem pour un ancien médecin qui intégrerai­t un départemen­t de droit spécialisé en responsabi­lité médicale, ou encore un ingénieur qui voudrait faire du droit de la propriété intellectu­elle.

Il y a donc de l’espoir pour les candidats plus âgés, à condition de compter sur des atouts qui apportent une valeur ajoutée à leur futur employeur.

– Dominique Tardif, vice-présidente de la firme de recrutemen­t juridique ZSA

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Un certain nombre de stagiaires sont âgés de la quarantain­e ou la cinquantai­ne. Ils ont travaillé dans d’autres domaines avant de retourner suivre une formation.
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