Les Affaires

Trois témoignage­s de repreneurs qui se sont lancés

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David Gosselin: ne pas négliger l’aspect humain

Gératek, une entreprise de constructi­on d’importance en Estrie et en Montérégie, a le vent dans les voiles depuis que David Gosselin et sa partenaire d’affaires, Charlotte Angers, l’ont acquise, il y a un peu plus de dix ans. Cela dit, si c’était à refaire, l’entreprene­ur mettrait plus d’effort dans le maintien d’une relation plus forte avec le cédant.

M. Gosselin n’y va pas par quatre chemins. « Sur le plan de l’entreprise à proprement parler, ça a été un succès : on a réussi à croître pour aller chercher des parts de marché importante­s. Au chapitre relationne­l, ça a été un désastre. »

Un « désastre » qui a plusieurs explicatio­ns, à commencer par les questions logistique­s. « Comme l’entreprise connaissai­t une forte croissance, mais que les locaux restaient les mêmes, on était très à l’étroit. Puisque le cédant [était sur les lieux] moins souvent, on a réutilisé ses bureaux pour loger des gens… Ça a été une grosse erreur », se souvient M. Gosselin.

« Au lieu d’envoyer un message de croissance, ce changement a plutôt été perçu comme une façon de dire: "On commence à vous mettre de côté, à vous montrer la porte", ce qui n’était pas le cas ».

Le choc génération­nel s’est aussi fait sentir. Le

fondateur de l’entreprise, qui se dirigeait vers la retraite, n’a pas eu le réflexe des entreprene­urs plus jeunes de s’entourer de ressources pour faciliter la transition, si bien qu’il s’est senti délaissé pendant le processus, qui a duré environ cinq ans, estime le nouveau propriétai­re.

« Pour le cédant, c’est un processus de deuil. Ces gens-là se doivent de discuter de ce qu’ils ressentent », estime M. Gosselin.

Malgré cet écueil relationne­l qui n’a pas été évité à l’époque, M. Gosselin croit que des leçons positives peuvent être tirées de son expérience. Il mentionne entre autres le plan de transition, qui s’est échelonné sur plusieurs années, de manière à faciliter le rachat ; la compréhens­ion qu’il avait de la mission et des valeurs internes de Gératek; et, finalement, sa capacité et celle de sa partenaire de s’entourer de profession­nels compétents qui ont permis de conclure finement la transactio­n.

Julieie VoyerVoyer:: redonner à ll’infoinfo locale son lustre

Au mois d’avril 2017, François Olivier, président de TC Transconti­nental [propriétai­re de Les Affaires], convoque sa garde rapprochée pour lui annoncer que les plus de 80 journaux hebdomadai­res de la marque seront bientôt mis en vente. C’est à ce moment-là que Julie Voyer prend la décision de devenir entreprene­ure. Celle qui était alors directrice générale de quatre journaux est finalement devenue propriétai­re, avec deux associés, de six journaux qui desservent la Rive-Sud de Montréal,l, de Valleyfiel­d à Longueuil.

« Je n’avais aucun doute sur la pérennitéé [de la marque], assure Julie Voyer. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y avait une centralisa­tion tion et une uniformité, ce qui a fait mal à la presse esse hebdo régionale, qui est un média de proxioximi­té. C’est ce que je voulais ramener », ditit la jeune entreprene­ure. Mme Voyer a profitéé de la transition pour innover. Cette transition tion est d’abord passée par la création d’un volet olet marketing dans le giron de Gravité Média, édia, qui permet aux annonceurs d’utiliser « un guichet unique » pour créer, puis diffuser user leurs publicités.

« On a aussi amélioré l’expérience de lecture; on l’a dynamisée, on traite de nouveaux sujets, on a changé la police d’écriture… et ça fait toute la différence. »

Si ces changement­s ont déstabilis­é certains employés, généraleme­nt plus âgés, la plupart ont accueilli les innovation­s avec enthousias­me. Même ceux qui ont décidé de partir, parce qu’ils ne se sentaient pas capables de changer leur « façon de faire », ont apprécié l’honnêteté de leur nouvelle patronne dans le processus.

Son conseil, à celles et à ceux qui voudraient suivre son exemple, est d’ailleurs la transparen­ce la plus complète. « J’ai toujours été très transparen­te à l’égard de mes équipes. » Éviter à tout prix de déstabilis­er ceux dont elle doit acquérir la confiance lui a beaucoup servi.

L’honnêteté, c’est aussi d’être réaliste sur ses limites. Lorsqu’un problème se présente, il ne faut pas avoir peur de faire appel à l’ancien propriétai­re pour le régler, si c’est nécessaire. Lorsque le système de facturatio­n a cessé de bien fonctionne­r chez Gravité Média, MmeVoyer était soulagée de pouvoir compter sur le soutien de ses prédécesse­urs.

Jacinthe Larivière:Larivière: l’importance des mentors

Parfois, le repreneur n’est pas un employé clé ou un actionnair­e présent depuis longtemps. Le processus de transfert ne s’échelonne pas toujours sur plusieurs années non plus. Cas d’espèce : Jacinthe Larivière, propriétai­re depuis mars 2018 de Jackie J Fashion Inspiratio­n, une petite entreprise d’approvisio­nnement en bijoux et accessoire­s mode.

« Pendant mon premier appel avec un conseiller du Centre de transfert d’entreprise du Québec, celui-ci m’a écouté parler de mon expérience et il m’a dit : "Cette semaine est entrée une occasion dans le domaine du bijou" », raconte la femme d’affaires.

Elle n’a fait ni une ni deux et a accepté cette occasion, même si, à la base, son expérience profession­nelle se concentrai­t plutôt dans l’agroalimen­taire. La passation des savoirs s’est faite pendant un voyage d’affaires en Asie au cours duquel la cédante, qui était sur le point de partir à la retraite, lui a montré les rudiments de sa démarche – et lui a fait rencontrer ses contacts, « un secret bien gardé ».

UnUne autre employée approchait également de la retraite. Elle a passé ses dernières semainmain­es chez Jackie J Fashion Inspiratio­n à trantransm­ettre à Mme Larivière et à sa fille, qui allaiallai­t prendre sa place, « un bagage incroyable d’infd’informatio­ns nécessaire­s à ma survie ».

À 53 ans, Mme Larivière avait occupé des postpostes dans à peu près toutes les divisions posspossib­les d’une entreprise, mais l’aspect financnanc­ier manquait cruellemen­t à son CV. Entre alors en scène un autre mentor, un « Dragon » qui fait « une dizaine de transactio­ns par annéannée » et qui a été « magnifique avec moi ».

« J’J’ai été bénie. J’ai rencontré un vieux routieri de la Chambre de commerce et d’industrie de la Rive-Sud, qui a passé des samedis matins à m’aider à comprendre comment négocier, déclare-t-elle avec passion. Il a été une personne essentiell­e et importante. »

C’est donc dire que malgré l’empresseme­nt avec lequel se sont faites les choses, l’aide de personnes clés qui étaient prêtes à donner leur énergie pour voir fleurir le succès chez cette entreprene­ure qui, au début de la cinquantai­ne, devenait propriétai­re pour la première fois, a porté ses fruits.

Depuis, les choses semblent aller plutôt bien. Mme Larivière a ajouté une quatrième employée à son effectif. Elle a profité de son bagage de vie et de son expérience et a pris des risques pour remettre son entreprise sur le chemin de la croissance.

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