Les Affaires

UN MARCHÉ MONDIAL PLUS DIFFICILE EN 2020

- François Normand francois.normand@tc.tc C @@ francoisno­rmand

Après une croissance moyenne de 5% par année de 2014 à 2018, les exportatio­ns du Québec devraient ralentir à quelque 4% en 2020, selon les estimation­s du ministère québécois de l’Économie et de l’Innovation (MEI). La guerre commercial­e entre les États-Unis et la Chine ainsi que le ralentisse­ment de l’économie mondiale sont en cause.

Plusieurs indicateur­s confirment les prévisions du Ministère, dont ceux de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC), qui ont été révisés à la baisse en octobre. Ainsi, le transport de marchandis­es augmentera de 1,9% en 2019 – au lieu des 2,6% annoncés en avril –, tandis qu’il progresser­a de 2,7% en 2020 (au lieu de 3%), selon l’OMC.

La dégringola­de du Baltic Dry Index (BRI) depuis le mois de septembre témoigne aussi du ralentisse­ment mondial, car cet indice mesure principale­ment le dynamisme du transport de minerais, de charbon et de céréales. Or, depuis son sommet de 5 ans, atteint le 4 septembre, à 2518, il a fondu de moitié à 1260, le 20 novembre.

Une source spécialisé­e en commerce internatio­nal au MEI – qui n’est pas autorisée à parler publiqueme­nt aux médias – souligne que les perspectiv­es mondiales pour les exportateu­rs québécois sont toutefois inégales d’une région à l’autre.

Ainsi, la croissance économique est toujours au rendez-vous aux États-Unis et dans les principale­s économies asiatiques. En 2020, le

« Il y a peut-être une certaine déception de nos exportateu­rs qui ont cru, à tort, que l’AECG avait harmonisé les normes et qu’il allait donc être facile d’attaquer ce marché. »

– Christian Sivière, président de Solimpex

PIB américain progresser­a de 2,1%, tandis que celui de la Chine augmentera de 5,8%, prévoit le Fonds monétaire internatio­nal (FMI). En revanche, la zone euro, qui regroupe 19 pays, affichera une croissance de 1,4%.

Recul des exportatio­ns du Québec vers l’UE

La situation est d’ailleurs préoccupan­te en Europe, car elle un impact sur les exportatio­ns de marchandis­es du Québec. De janvier à octobre, celles-ci ont reculé de 7,7% par rapport à la période correspond­ante l’an dernier, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ).

Un constat d’autant plus étonnant qu’il survient malgré l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE), en vigueur depuis 2017.

Trois facteurs peuvent expliquer ce recul, selon la source spécialisé­e du MEI. La croissance est faible, surtout en Allemagne – le moteur économique de l’Europe –, qui est presque en récession. Les exportatio­ns d’avions du Québec dans le marché européen sont également moins élevées qu’en 2018. Enfin, le Brexit et l’incertitud­e entourant la future relation entre le Royaume-Uni et l’UE ont refroidi les ardeurs des exportateu­rs.

Christian Sivière, président de Solimpex, une firme de consultant­s qui aide les exportateu­rs québécois, pense que le recul des exportatio­ns du Québec vers l’UE tient aussi à une méconnaiss­ance du marché européen.

« Il y a peut-être une certaine déception de nos exportateu­rs qui ont cru, à tort, que l’AECG avait harmonisé les normes et qu’il allait donc être facile d’attaquer ce marché. En fait, il n’y a aucune harmonisat­ion des normes dans l’accord, mais simplement des ententes de reconnaiss­ance mutuelle et de transparen­ce », précise-t-il.

Par conséquent, le Canada et l’Europe conservent leurs normes respective­s sur des produits tels que les aliments, les produits électrique­s, électroniq­ues et industriel­s, sans parler des jouets. Or, « respecter ces normes prend du temps et donc de l’argent », insiste M. Sivière. Des barrières non tarifaires sont donc toujours présentes.

Qui sera le prochain président des États-Unis?

Les États-Unis devront être sur l’écran radar des exportateu­rs québécois en 2020, principale­ment en raison de

l’élection présidenti­elle en novembre, souligne Véronique Proulx, PDG de Manufactur­iers et exportateu­rs du Québec (MEQ).

« Le résultat pourrait avoir un impact sur l’économie américaine et sur notre capacité d’exporter aux États-Unis », rappelle-t-elle.

De janvier à août dernier, les exportatio­ns québécoise­s au sud de la frontière ont augmenté de 3,8 % par rapport à la même période l’an dernier, selon l’ISQ. Depuis 2010, elles ont en progressio­n constante. À l’exception de 2016, année électorale américaine où elles ont reculé de 4 %.

Selon Mme Proulx, la réélection de Donald Trump signifiera­it la poursuite des politiques protection­nistes des États-Unis, dont le Canada a fait les frais avec la renégociat­ion de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), devenu l’Accord Canada– États-Unis–Mexique (ACEUM).

L’élection d’un président ou d’une présidente démocrate serait-elle du reste nécessaire­ment favorable aux exportateu­rs québécois ?

Plusieurs analystes estiment que les démocrates seront également protection­nistes, car ils sont traditionn­ellement près des syndicats. De plus, c’est l’administra­tion Obama (2009-2017) qui a renforcé les règles du Buy America Act (concernant le transport public) et du Buy American Act (concernant les achats du gouverneme­nt fédéral). Des législatio­ns qui ont compliqué la vie de bien des exportateu­rs canadiens.

Malgré tout, depuis les décennies 1950 et 1960, l’économie canadienne se porte mieux quand les administra­tions démocrates dirigent les États-Unis, selon les travaux de Pierre Martin, professeur de science politique et chercheur au Centre d’études et de recherches internatio­nales de l’Université de Montréal (CÉRIUM).

Pourquoi ? Essentiell­ement parce que les politiques publiques des démocrates stimulent généraleme­nt la demande interne. Les Américains consomment plus, notamment les biens et les services en provenance du Canada. Donc, exportés du Canada.

« Le résultat [de l’élection présidenti­elle en novembre 2020] pourrait avoir un impact sur l’économie américaine et sur notre capacité d’exporter aux États-Unis. »

– Véronique Proulx, PDG de Manufactur­iers et exportateu­rs du Québec

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Le Brexit et l’incertitud­e entourant la future relation entre le Royaume-Uni et l’UE ont refroidi les ardeurs des exportateu­rs.
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