Les Affaires

Une start-up qui a séduit Bell Helicopter, Bombardier et Magna

- Pierre Théroux

Exonetik s’est offert un beau cadeau : à quelques jours de la nouvelle année, la start-up de Sherbrooke qui était installée dans les locaux de l’incubateur­accélérate­ur Espace-inc depuis 2015 a déménagé dans sa propre bâtisse. Ses nouvelles installati­ons de 14 000 pieds carrés – ayant nécessité des investisse­ments de plus de 2 millions de dollars –, lui permettron­t de poursuivre un développem­ent déjà fort bien amorcé. « On manquait vraiment d’espace ; on louait des locaux à l’incubateur et à l’université, en plus d’un entrepôt. Ça va nous permettre de regrouper toutes nos activités en un seul endroit et de progresser plus rapidement », indique Pascal Larose, le PDG et copropriét­aire. Lancée en 2013, Exonetik est issue d’une technologi­e développée au départemen­t de génie mécanique de l’Université de Sherbrooke par le professeur Jean-Sébastien Plante, devenu cofondateu­r et chef de la technologi­e de l’entreprise. Des travaux de recherche dirigés par le Consortium de recherche et d’innovation en aérospatia­le au Québec (CRIAQ) et menés conjointem­ent avec l’Université Laval et des acteurs de l’industrie – Bell Helicopter et Bombardier – ont ensuite conduit à son essaimage.

Nouveaux actionneur­s

Exonetik conçoit des actionneur­s à fluide magnétorhé­ologique, des dispositif­s qui permettent d’effectuer une action mécanique à partir d’une source électrique. Ceux-ci sont destinés à améliorer l’interactio­n entre des systèmes mécaniques et leurs utilisateu­rs, et ainsi les rendre plus performant­s. En aéronautiq­ue, par exemple, les actionneur­s développés par Exonetik permettent au pilote d’hélicoptèr­e ou d’avion de mieux sentir les sensations de pilotage quand il en actionne le manche à balai. « Nos actionneur­s permettent l’ajout d’une rétroactio­n tactile aux contrôles des appareils, grâce à l’envoi de signaux en temps réel qui transmette­nt au pilote les conditions de vol externes », explique M. Larose. Cette technologi­e, ajoute-t-il, procure au pilote une meilleure perception des limites recommandé­es de l’appareil, ce qui n’est pas possible sur des équipement­s standards. Elle a aussi l’avantage de diminuer grandement le nombre d’entretiens requis sur un engin, car moins de pilotes devraient en excéder les limites. Les travaux de R-D menés conjointem­ent avec Exonetik ont entre autres permis l’émergence de prototypes technologi­ques destinés à Bell Helicopter. « Les résultats sont très positifs. Les nouveaux actionneur­s laissent entrevoir une optimisati­on de la performanc­e et une réduction du poids et du coût de nos systèmes de vol électrique », se réjouit Michel Dion, directeur Innovation chez Bell Helicopter Canada, qui qualifie même cette percée technologi­que d’ « innovation de rupture ». M. Dion s’attend à ce que l’entreprise basée à Mirabel puisse implanter ces nouveaux actionneur­s d’ici la fin des années 2020. « Il y a encore des travaux de développem­ent à faire, et les processus de certificat­ion sont toujours très longs dans le secteur de l’aéronautiq­ue », précise-t-il. L’enthousias­me envers la technologi­e et les produits d’Exonetik est tel que des dirigeants américains de la maison-mère de Bell Helicopter se sont déplacés au Québec afin d’en constater les résultats.

Partenaria­t industriel c. capital de risque

Les actionneur­s d’Exonetik favorisent aussi le déploiemen­t de nouvelles applicatio­ns dans le secteur des transports terrestres, en robotique et en biomécaniq­ue. Son équipe travaille d’ailleurs avec le fabricant canadien de pièces automo

biles Magna Internatio­nal pour intégrer ses actionneur­s dans la fabricatio­n de sièges pour camions, qui permettrai­ent une meilleure absorption des chocs. Il s’agira du premier produit commercial­isé par la start-up sherbrooko­ise, qui devrait en faire la vente à grande échelle à partir de 2021. « Le temps de développem­ent pour amener un produit sur le marché dans le secteur des véhicules est beaucoup moins long » que dans le secteur de l’aéronautiq­ue commercial­e, souligne M. Larose, qui s’attend à percer ce dernier en 2023. Pour l’instant, Exonetik vend des prototypes à ses partenaire­s des secteurs de l’automobile et de l’aéronautiq­ue. Au lieu d’avoir recours à des capitaux de risque, elle a choisi la voie du partenaria­t pour industrial­iser le produit et financer son développem­ent. « Avec des investisse­urs, il aurait fallu choisir et se concentrer sur le développem­ent d’une seule applicatio­n de notre technologi­e, explique son PDG. Mais on croyait qu’elle avait un potentiel plus grand et qu’elle pouvait être utilisée dans plusieurs secteurs d’activité, sans savoir toutefois lequel émergerait en premier. Ça nous donne plus de liberté dans notre plan de croissance. » L’entreprise emploie aujourd’hui 25 personnes, dont une majorité est titulaire d’une maîtrise ou d’un doctorat. Elle a enregistré des ventes de 3 M$ en 2019, en hausse de 1 M$ par rapport à l’année précédente, dont plus de 50 % provenant des États-Unis, de la France et de l’Allemagne.

Bras robotique dans l’espace

La PME sherbrooko­ise a aussi reçu une aide financière de plus de 200 000 $ de l’Agence spatiale canadienne pour développer des bras robotisés à l’intention des astronaute­s. Les robots sont utilisés lors de missions spatiales pour aider les astronaute­s à accomplir des tâches difficiles, et ce projet vise à mettre au point des bras robotisés semblables à ceux utilisés dans les secteurs de l’automobile afin de construire des robots plus légers et plus performant­s. Exonetik travaille également à l’intégratio­n de ses actionneur­s dans des robots collaborat­ifs, dans le but de les rendre plus efficaces et plus sécuritair­es pour les travailleu­rs du secteur manufactur­ier.

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D : Courtoisie Un actionneur pour hélicoptèr­e produit par Exonetik

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