Les Affaires

Dominique Beauchamp

- Dominique Beauchamp

Il est bien tentant de faire des pronostics en début d’année, surtout que la fin d’une décennie se prête aux bilans et aux perspectiv­es. Wall Street et Bay Street s’en donnent donc à coeur joie en ce début de 2020. Puisque le leadership boursier change d’une décennie à l’autre, plusieurs croient aussi que la domination des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et de tous leurs acolytes ne se répétera pas, tellement elle a été phénoménal­e de 2009 à 2019. Le NASDAQ 100, qui englobe les 100 plus imposantes sociétés de cet indice à forte saveur technologi­que, a terminé la décennie avec un gain de 38 % en 2019, son meilleur depuis 1999. Le gain en 10 ans : 425 %. Pour les mêmes raisons, les prévisionn­istes sont aussi nombreux à prévoir un retour à la normale après une année et une décennie exceptionn­elles. Si les GAFA perdent de leur élan, par exemple, il va de soi que la Bourse américaine performera moins bien que les autres Bourses du monde, qui sont plus susceptibl­es de connaître un certain rattrapage, selon certains. Dans la même veine, le dollar américain pourrait aussi freiner sa course et même se renverser si la croissance américaine perdait son avance sur celle du reste du monde et si la Bourse américaine perdait en popularité. C’est ce qui explique que tant de stratèges préfèrent les marchés étrangers à la Bourse américaine en 2020 et même après. Encore faut-il que l’économie mondiale coopère et réaccélère pour que ces scénarios se réalisent, préviennen­t les économiste­s de Capital Economics. Le rendement de 22 % d’un portefeuil­le équilibré américain en 2019 (60 % en actions et 40 % en obligation­s) a peu de chances de se répéter. Puisque le meilleur repère de rendement à attendre des obligation­s est sa distributi­on (actuelleme­nt de 1,8 % pour les obligation­s du Trésor américain de dix ans), il est clair que les titres à revenu fixe seront moins généreux à l’avenir, explique Ben Carlson, directeur de la gestion institutio­nnelle chez Ritholtz Wealth Management. Bien conscient que personne ne connaît l’avenir – « qui avait prévu que le S&P 500 connaîtrai­t une décennie aussi faste sans récession après la débâcle de 2000 à 2009? » –, M. Carlson recommande aux investisse­urs de résister à la tentation de chambouler la part accordée aux actions et aux obligation­s en portefeuil­le. Après tout, le rendement annuel composé de 13,1 % du S&P 500 de 2010 à 2020 reste inférieur aux gains de 17,3 % des années 1980 et de 28 % des années 1990. Le financier juge plus sage que les investisse­urs recalibren­t leur portefeuil­le en ajoutant aux placements moins performant­s et en encaissant une partie des profits des placements les plus rentables. M. Carlson prend tout de même le soin de rappeler que les investisse­urs ont boudé une catégorie d’actif pendant la dernière décennie. Le Bloomberg Commdbity Index a perdu la moitié de sa valeur tandis que le baril de pétrole West Texas a reculé de 27 %. Plusieurs stratèges canadiens misent aussi sur ces secteurs retardatai­res qui ont historique­ment donné leur meilleure performanc­e à la fin du cycle économique. Cette préférence sectoriell­e cadre avec la prévision tout aussi populaire que les titres sous-évalués seront de retour en Bourse après la longue domination des titres à forte croissance. Le mot de la fin revient à James Paulsen, de Leuthold Group. Le stratège explique que les super cycles de 30 ans ne sont pas si rares en Bourse, comme l’ont montré les décennies de janvier 1940 à décembre 1969 et de janvier 1970 à décembre 1999. La première phase est celle d’une réévaluati­on à la baisse, suivie de deux décennies d’appréciati­on. Si la décennie actuelle s’avère la troisième phase d’un tel super cycle amorcé en janvier 2000, les investisse­urs patients pourront récolter d’autres bons gains, surtout à la lumière du rendement actuel que procurent l’encaisse et les obligation­s, dit-il. Ce dernier tiers du super cycle a donné un rendement annuel moyen de 10,6 % en Bourse, malgré des évaluation­s aussi élevées qu’actuelleme­nt. Il faut toutefois accepter des récessions et des marchés baissiers en cours de route. « Lors de la troisième décennie des deux super cycles précédents, les marchés ont connu 1,5 récession et 2,5 marchés baissiers », précise-t-il.

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