Les Affaires

François Normand

- François Normand

Made in China 2025. Si cette expression ne vous dit rien, vous devriez rapidement vous y intéresser, car il s’agit du nom d’une politique industriel­le chinoise qui pourrait mettre votre entreprise à la rue dans les prochaines années. Dans les décennies 1990 et 2000, la majorité des entreprise­s manufactur­ières du Québec a pâti de la concurrenc­e chinoise dans les produits de faible et de moyenne technologi­e, et ce, des marteaux aux meubles en passant par les jouets. Les cimetières sont remplis de PME qui n’ont pas su s’adapter à ce raz-de-marée. La prochaine vague de concurrenc­e est bien plus dangereuse, car elle vise dix secteurs de pointe qui sont au coeur de la prospérité économique de nos sociétés. Vous êtes sceptique ? Après tout, nos économies se sont spécialisé­es dans les produits à valeur ajoutée et de haute technologi­e, sans parler de la R-D. La liste des dix secteurs prioritair­es de la Chine vous convaincra que la menace est sérieuse: 1. Les nouvelles technologi­es de l’informatio­n avancées; 2. Les machines automatisé­es et la robotique; 3. Le matériel aérospatia­l et aéronautiq­ue; 4. Le matériel maritime et le transport de haute technologi­e; 5. Les équipement­s de transport ferroviair­e moderne; 6. Les véhicules et les équipement­s électrique­s ; 7. Les équipement­s de production d’énergie; 8. Le matériel agricole; 9. Les nouveaux matériaux; 10. La biopharmac­eutique et les produits médicaux avancés.

Les deux grands objectifs de la Chine

Pékin a deux objectifs avec Made in China 2025, politique adoptée en 2015. Le premier vise à faire de la Chine LA puissance manufactur­ière en matière de qualité, et ce, devant les Américains, les Allemands ou les Japonais. Trois années charnières sont à surveiller : En 2025, la Chine veut que son industrie manufactur­ière soit très innovante et très efficace, ce qu’elle n’est pas actuelleme­nt. En 2035, la Chine veut être capable de concurrenc­er avec les principale­s puissances manufactur­ières des pays développés en matière de qualité. En 2049, la Chine veut être LA puissance manufactur­ière dominante. Ce sera l’année où le pays célébrera le centenaire de la fondation de la Chine communiste. Le second objectif vise à augmenter l’autosuffis­ance de la Chine en matière de haute technologi­e. L’empire du Milieu réduira sa dépendance aux importatio­ns des pays occidentau­x, en imposant du contenu chinois dans les produits vendus en Chine (le seuil passera de 40% en 2020à 70% en 2025), un peu comme avec le Buy American, aux États-Unis. Les objectifs de Pékin auront deux impacts sur les entreprise­s. Les produits chinois à valeur ajoutée et de haute technologi­e inonderont le marché mondial, tandis que les produits des pays développés entreront plus difficilem­ent en Chine – à moins, bien entendu, de les fabriquer dans ce pays. C’est pourquoi le Made in China 2025 inquiète autant Washington et Berlin. L’origine de la guerre commercial­e sino-américaine tient d’ailleurs avant tout à cette politique industriel­le chinoise, affirme le Financial Times, de Londres. L’administra­tion Trump la voit comme une stratégie pour acquérir les meilleures technologi­es des États-Unis, en forçant les entreprise­s américaine­s actives en Chine à faire d’importants transferts technologi­ques pour accéder au marché chinois. En février 2019, l’Allemagne a quant à elle contre-attaqué au Made in China 2025 en adoptant une stratégie nationale pour 2030, une politique pour protéger ses fleurons nationaux et stimuler l’innovation de son industrie. Les Allemands ont vécu un traumatism­e en 2016avec l’« affaire Kuka ». Fort du soutien financier de Pékin, la chinoise Midea a mis la main sur le champion allemand de la robotique Kuka. Berlin n’a pas pu s’opposer à cette transactio­n qui s’inscrit dans la politique du Made in China 2025, car la politique chinoise s’appuie notamment sur des investisse­ments et des acquisitio­ns à l’étranger, souligne le magazine Foreign Affairs. Il n’y a pas de recette miracle pour faire face à la nouvelle concurrenc­e chinoise. Pour autant, plus une entreprise est productive, innovante, à la fine pointe technologi­que et à l’écoute de sa clientèle, plus elle est outillée pour y résister. Québec et Ottawa devraient aussi s’y intéresser pour en faire une priorité nationale, comme aux États-Unis ou en Allemagne. Or, ce n’est pas vraiment sur leur écran radar actuelleme­nt.

Plus une entreprise est productive, à la fine pointe technologi­que et à l’écoute de sa clientèle, plus elle est outillée pour résister à la concurrenc­e chinoise.

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