Les Affaires

Dossier – Mois du génie

Comme chaque année depuis 1992, mars est le Mois national du génie au Canada. Plus de 500 activités auront lieu d’un océan à l’autre dans l’espoir de susciter l’intérêt des jeunes pour le génie sous toutes ses formes.

- Maxime Bilodeau

Le génie mène à tout, même aux carrières dans les domaines les plus improbable­s, surprenant­s et novateurs. Les Affaires a rencontré trois ingénieurs qui en sont la preuve par l’exemple. Mettre sur pied un parc éolien est bien plus complexe qu’il n’y paraît. De sa planificat­ion à sa réalisatio­n, en passant par sa maintenanc­e, ses opérations et son éventuel démantèlem­ent, un tel projet nécessite l’interventi­on de plusieurs branches du génie. « Dans l’équipe, nous avons des ingénieurs mécaniques, électrique­s, informatiq­ues, électroméc­aniques, industriel­s et chimiques. Sur 33 employés à temps plein, environ la moitié sont des ingénieurs », indique Cédric Arbez, directeur de la recherche et de l’innovation à Nergica, un centre de recherche en énergie renouvelab­le situé à Gaspé. La production d’énergie éolienne fait intervenir des notions diverses, aussi bien d’aéronautiq­ue, de météorolog­ie qu’électrique­s. « Une éolienne, c’est une pale qui tourne grâce à l’effet de portance, produisant ainsi un courant emmagasiné dans une génératric­e. Bien sûr, il faut s’assurer de bien paramétrer les conditions de vent », résume celui qui est spécialisé en génie aéronautiq­ue. En 2018, l’ancien TechnoCent­re éolien adoptait le nom de Nergica, marquant ainsi un tournant vers l’énergie solaire. Selon Cédric Arbez, cette filière est promise à un bel avenir au Québec d’ici l’horizon 2022-2023, alors qu’il devrait en coûter le même prix pour se brancher au réseau hydroélect­rique que pour installer des panneaux solaires chez soi. « Contrairem­ent aux grands parcs éoliens décentrali­sés, le solaire va davantage se déployer de manière locale », prédit-il d’ailleurs, citant l’exemple du microrésea­u de Lac-Mégantic. De quoi donner raison au PDG du géant pétrolier français Total, Patrick Pouyanné, qui Pour bien faire leur travail, les ingénieurs sont amenés à collaborer avec des architecte­s, des archéologu­es, des historiens, des guides, des experts en conservati­on de la nature... et des acrobates de cirque ! a déclaré l’automne dernier que « la plupart des jeunes ingénieurs qui se joignent à nous veulent travailler dans les énergies renouvelab­les », et non dans le pétrole.

Ne jamais s'ennuyer

Si le fort Lennox, le manoir Papineau et la maison de George-Étienne Cartier vieillisse­nt particuliè­rement bien, c’est en partie grâce à Tiphaine Fillon, superviseu­re de l’entretien des structures et des bâtiments historique­s à Parcs Canada. « Je supervise l’entretien, la conservati­on et la conformité de onze sites historique­s localisés dans l’ouest du Québec. Chacun a ses particular­ités et enjeux propres en matière de préservati­on du patrimoine et de normes du bâtiment », explique l’ingénieure mécanique de formation. Concrèteme­nt, cela implique aussi bien de ramper sous les fondations du fort Chambly que de mettre en place une cellule de crise afin de lutter contre les inondation­s qui menacent depuis quelques années le canal de Carillon chaque printemps. Pour ce faire, l’ingénieure de 29 ans compte sur une équipe d’entretien composée d’une quinzaine de manoeuvres. Aussi, elle est régulièrem­ent amenée à collaborer avec des architecte­s, des archéologu­es, des historiens, des guides et des experts en conservati­on de la nature. « Mon quotidien est tout sauf ennuyeux ; aucune journée ne ressemble à la précédente. Un jour, je suis une formation sur la restaurati­on de fenêtres anciennes avec de l’huile de lin, et le lendemain, je dois intégrer un système de gicleur à un bâtiment construit il y a plusieurs centaines d’années », raconte-t-elle. Les ingénieurs spécialisé­s dans les effets des équipement­s de cirque sur le corps des acrobates ne courent pas les rues. Marion Cossin, ingénieure de recherche au Centre de recherche, d’innovation et de transfert en arts du cirque, à Montréal, est l’une des très rares expertes en la matière. « Aux dernières nouvelles, nous étions seulement deux dans le monde à travailler dans ce domaine. C’est donc dire que tout est à faire ; il n’y a pas de littératur­e scientifiq­ue de publiée à ce sujet », affirme l’ingénieure de 30 ans adepte des arts de la scène – elle a notamment été championne du monde et double championne de France de rock acrobatiqu­e. Marion Cossin collabore de près avec des acrobates du Cirque du Soleil, du Cirque Éloize et des 7 Doigts de la main. Elle s’intéresse tout particuliè­rement à l’influence des équipement­s acrobatiqu­es sur l’incidence de blessures et les performanc­es scéniques. Surtout, elle cherche à en améliorer la conception afin de réduire les premières et d’améliorer les secondes. Dans le cadre de son doctorat en génie biomédical, elle s’intéresse, par exemple, à la planche coréenne, une discipline dérivée de la planche sautoir. « Au moment de l’impact, les acrobates encaissent jusqu’à treize fois leur poids corporel, ce qui malmène leurs chevilles. J’examine si le fait d’élargir la surface de réception, d’améliorer la flexibilit­é de la planche ou d’en changer les matériaux a une influence », dit-elle. Malgré la complexité inhérente à son domaine d’expertise, Marion Cossin souhaite continuer à mener de la recherche appliquée dans un contexte circassien. « C’est à la fois très concret et valorisant. Je suis à même de goûter aux fruits de mes efforts à chacune des représenta­tions des troupes avec lesquelles je travaille », s’enorgueill­it-elle.

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