Les Affaires

Ça plane pour le cannabis

- Maxime Bilodeau

François Limoges cofondateu­r de Rose Sciencevie « À la base, ça prend des municipali­tés prêtes à accommoder des entreprene­urs du cannabis. »

Jamais la constructi­on d’une usine destinée à la production et à la transforma­tion de cannabis n’aura été aussi désirée qu’à Huntingdon. Le 9 octobre 2018, l’entreprise québécoise Rose ScienceVie dévoilait qu’elle irait de l’avant avec un tel projet sur le territoire de la ville de 2 500 âmes de la Montérégie. Dans l’assistance, le maire André Brunette était visiblemen­t enchanté de se faire complice de cette bonne nouvelle. « Enfin ! On l’aura voulu, ce projet-là », a-t-il lancé au représenta­nt de l’hebdomadai­re local Le Reflet. L’échevin avait de quoi se réjouir ; ces investisse­ments de l’ordre de 80 millions de dollars (M$) signifiaie­nt la création d’une centaine d’emplois pour sa municipali­té. La fermeture des usines de textile Cleyn and Tinker et Huntingdon Mills, en 2004, était loin dans les mémoires. Un an et demi après cette annonce, une usine de 55 000 pieds carrés, première phase du projet, est bel et bien sortie de terre. À l’intérieur, 49 employés s’activent entre les milliers de plants en croissance, tous destinés à des usages médicinaux (cannabis séché, huiles et extraits) encadrés par Santé Canada. Même la pandémie de la COVID-19 ne saurait interférer avec la production. « Des plantes, ça pousse tous les jours. Nous avons été reconnus comme un service essentiel », explique François Limoges, cofondateu­r de Rose Sciencevie. D’ici la fin de l’année, 100 000 pieds carrés seront ajoutés à l’immeuble, ce qui permettra à l’entreprise d’atteindre sa pleine vitesse de croisière – et à Huntingdon de prospérer. Huntingdon n’est pas la seule municipali­té de la Montérégie à bénéficier du développem­ent des activités liées au cannabis. Dans son survol des prévisions économique­s de la région publié en 2019, Desjardins fait état de la création de plusieurs centaines d’emplois dans les prochaines années par cette industrie encore naissante. « Plus de 150 travailleu­rs seront embauchés par The Green Organic Dutchman [à Valleyfiel­d], qui injectera 180 M$ pour la mise en service de trois serres d’ici 2021. Le producteur de cannabis Cannara Biotech investira pour sa part environ 100 M$ d’ici 2021 pour de la culture en serre à Farnham », peut-on y lire. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Sur les 36 membres de l’Associatio­n québécoise de l’Industrie du cannabis (AQIC), environ une dizaine d’entreprise­s sont en exploitati­on en Montérégie. Toutes ne font pas de la production, comme l’atteste la présence de Bis Solutions (Longueuil), de Tetra Bio-Pharma (Longueuil) et de Lareau Courtiers d’assurances (Napiervill­e) dans cette liste. Cette concentrat­ion d’entreprise­s liées au cannabis en Montérégie s’explique par de nombreux facteurs, dit Larry Baxer, chef de l’exploitati­on chez Cannara Biotech. « On peut penser à la relative proximité avec Montréal, aux loyers relativeme­nt bas, à la main-d’oeuvre plus abondante que dans la métropole... », énumère-t-il. La plus importante variable est néanmoins celle de l’accès à de l’électricit­é et à de l’eau en quantité abondante. Ces deux ressources doivent être facilement accessible­s pour rendre possible la culture d’une plante qui en nécessite beaucoup. Par leur riche passé industriel, des villes comme Huntingdon et Farnham sont dotées des infrastruc­tures nécessaire­s à cet égard. « Les producteur­s ont par exemple besoin de lignes triphasées capables d’acheminer jusqu’à 5 MV de courant. Ce n’est pas possible partout au Québec », affirme François Limoges, aussi porte-parole de l’AQIC.

Ouverture d’esprit

Sans une réelle volonté des autorités locales, il est par contre impossible pour la filière du cannabis de prendre racine dans certaines municipali­tés. C’est notamment ce qu’a décidé de faire la Ville de Mirabel, dans les Laurentide­s, en 2019, en décrétant un moratoire de trois mois sur toute délivrance de permis relatif à la culture, la transforma­tion et la production de cannabis sur son territoire. Toutes sortes de raisons ont alors été évoquées pour défendre cette position, comme les odeurs incommodan­tes et la lumière trop intense dans les serres. Ailleurs, comme à Saint-Hyacinthe, c’est le raisonneme­nt inverse. Une nouvelle entreprise, comme Gayonica, spécialisé­e dans l’extraction et la purificati­on de résines de cannabis haut de gamme, y est accueillie à bras ouverts. « À la base, ça prend des municipali­tés prêtes à accommoder des entreprene­urs du cannabis. Ça a été notre cas avec la Ville de Huntingdon, qui nous a accompagné­s tout au long du processus d’obtention des permis de Santé Canada, de la planificat­ion de la constructi­on, et ainsi de suite. On parle quand même d’un processus long de trois ans, ce n’est pas rien », conclut le cofondateu­r de Rose ScienceVie.

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