Les Affaires

Dominique Beauchamp

- Dominique Beauchamp

Pendant que les experts débattent à savoir si la Bourse a touché le fond du baril et si la courbe épidémique a atteint son pic, il est évident que les investisse­urs se projettent déjà en 2021. En d’autres mots, plusieurs font une croix sur 2020 et misent sur un retour à la normale pour les entreprise­s à partir de l’an prochain. L’industrie des télécommun­ications n’échappe pas à cette dynamique. Dans l’immédiat, les analystes s’affairent tous à réduire leurs prévisions parce que les fournisseu­rs subiront tous une érosion de leurs revenus et de leurs bénéfices cette année. Le sans-fil et l’accès Internet ont beau être des services essentiels, les PME fermées, les grandes entreprise­s au ralenti et les nombreux chômeurs diminueron­t tout de même leurs dépenses pendant la récession. Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, trouve néanmoins encouragea­ntes les mesures de soutien sans précédent du gouverneme­nt canadien, et espère qu’elles amoindriro­nt le choc économique de la COVID-19, au pays. Les grandes sociétés de télécoms elles-mêmes envoient de signaux rassurants, fait-il remarquer. Le PDG de BCE (BCE, 58,23 $), Mirko Bibic, a déclaré à la chaîne BNN Bloomberg le 26 mars que les perspectiv­es n’entachaien­t pas sa capacité à verser son dividende, bien que certains analystes n’excluent pas la possibilit­é que la société ne l’augmente pas de 5 % l’an prochain, comme elle le fait habituelle­ment. Rogers Communicat­ions (RCI.B, 62,97 $) a aussi émis 1,5 milliard de billets de sept ans sur le marché des obligation­s de sociétés, le 27 mars. Cela indique que l’industrie n’a pas perdu accès aux capitaux, en dépit des récentes dislocatio­ns dans ce segment du marché financier, se réjouit aussi Vince Valentini. Avant de penser à la reprise, les titres réagiront toutefois aux résultats décevants au cours des prochains mois. Maher Yaghi, de Desjardins Marché des capitaux, a réduit ses prévisions de 3 %, à 12 %, en ce qui concerne le bénéfice d’exploitati­on de 2020 des cinq principaux acteurs que sont BCE, Telus (T, 23,21 $), Rogers, Québecor (QBR.B, 30,69 $) et Shaw (SJR.B, 16,49 $).

L’évaluation à considérer

L’autre particular­ité du secteur concerne la valeur attribuée aux dividendes élevés pendant et après une récession. Plus les taux d’intérêt baissent, plus le dividende comparatif gagne en valeur, en principe, à moins que la chute des taux reflète en soi des dommages économique­s assez sévères pour nuire aux dividendes. Pour l’instant, les analystes se font rassurants parce que les entreprise­s peuvent réduire divers coûts d’exploitati­on et des dépenses en immobilisa­tions pour protéger leurs flux de trésorerie. Les fournisseu­rs annonceron­t sans doute leur plan de réduction des dépenses au cours du dévoilemen­t des résultats du premier trimestre, qui pourrait réserver de mauvaises surprises. L’évaluation qu’il est approprié d’accorder à ces titres refuges ne fait pas l’unanimité non plus. Vince Valentini considère que celle-ci est attrayante par rapport à leur propre moyenne historique et au niveau actuel des taux d’intérêt. « Cela offre un bon coussin si 2020 se révélait pire que prévu, dit-il. De toute façon, c’est leur capacité bénéficiai­re à plus long terme qui importe. » Aux yeux de Martin Roberge, stratège quantitati­f de Canaccord Genuity, les fournisseu­rs ne sont pas particuliè­rement bon marché puisque leurs titres ont mieux résisté que les indices au mouvement baissier. Le recul de 3 à 8 % des cinq fournisseu­rs se comparait à celui de 19,4% pour le S&P/TSX, en date du 7 avril. Leur évaluation est donc 21 % plus chère que celle de l’indice en fonction des bénéfices prévus, bien que cet écart avait grimpé jusqu’à 60 % au pire de la crise financière de 2008-2009, rappelle-t-il. Entre ces deux pôles, Maher Yaghi s’attend tout simplement à ce que l’industrie phare reprenne du mieux une fois la crise passée et qu’elle continue à procurer de solides rendements à plus long terme.

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