Les Affaires

Transforma­tion numérique

- Olivier Schmouker

À la recherche de votre maturité numérique

Un guide de 16 pages, segmenté en 7 étapes, incluant un test express pour cerner à quel stade de la transforma­tion votre entreprise se situe

COVID-19 oblige, le premier ministre François Legault a décrété l’état d’urgence sanitaire à la mi-mars, puis il a « mis sur pause » toute l’économie du Québec. Cela a non seulement donné un coup d’arrêt brutal à nos façons habituelle­s de travailler et de faire des affaires, mais a a plombé le moral des entreprene­urs. Du jour au lendemain, le Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te (FCEI) a fondu au Québec, de 44,5 points à seulement 15,7 points. « Mars 2020 a été un mois sans pareil dans toute l’histoire économique du Québec, dit François Vincent, vice-président de la FCEI. Depuis la création du Baromètre, il y a 32 ans, la confiance en l’avenir des petites et moyennes entreprise­s n’est jamais tombée aussi bas, même durant les récessions économique­s de 2008 et de 1990. » C’est bien simple, il ne reste à présent plus que 5% d’entreprise­s qui entendent embaucher à temps plein d’ici les trois prochains mois, selon les données de la FCEI. La grande majorité des autres sont, elles, passées en mode « licencieme­nt temporaire », sachant que le « temporaire » en question est d’une durée indétermin­ée.

S’adapter à la nouvelle donne

Les seules à avoir tiré leur épingle du jeu sont les entreprise­s qui ont su réagir au quart de tour, qui se sont adaptées à la nouvelle donne sans hésiter. À l’image de Xpedigo et de Nationex, deux entreprise­s québécoise­s spécialisé­es dans la livraison de colis qui ont aussitôt décidé de nouer un partenaria­t d’affaires pour être en mesure de mieux répondre à la demande, laquelle allait nécessaire­ment bondir puisque les Québécois étaient désormais contraints d’être confinés chez eux. « L’objectif était d’être capable de livrer n’importe quel colis à domicile le jour même dans le Grand Montréal, et le lendemain, partout au Québec et en Ontario », explique Jordan Arshinoff Foss, PDG de Xpedigo, en soulignant que l’« avancée numérique de chacun permettait une telle prouesse ». Trois groupes de clients à fort potentiel ont été ainsi ciblés par les deux nouveaux partenaire­s :

Les commerçant­s

« Comme ils ne pouvaient plus offrir un service régulier en magasin, la livraison à domicile devenait pour eux, en toute logique, la seule voie de secours, dit le PDG de Xpedigo. Nous pouvons les aider en ce sens et ainsi contribuer à faire tourner l’économie locale. »

Les services essentiels (épiceries, pharmacies, etc.)

« Les gens devant limiter au maximum leurs déplacemen­ts à l’extérieur de chez eux, ou ne pouvant carrément plus sortir de leur domicile à cause de la quarantain­e, nous pouvons assurer pour eux un service de livraison en mode ultrarapid­e », poursuit-il.

Les télétravai­lleurs

« Notre idée était aussi d’établir une passerelle entre les télétravai­lleurs et leur l’entreprise, voire leurs clients, afin de préserver un lien sécuritair­e entre eux tous. » Le succès a-t-il souri aux deux nouveaux partenaire­s? « Il est trop tôt pour pouvoir l’affirmer, mais disons que notre seul vrai défi réside dans notre notoriété, qui n’est pas encore très élevée », confie Jordan Arshinoff Foss.

Tirer son épingle du jeu

Christine Gauthier Immobilier se présente elle-même comme une « petite » agence immobilièr­e, par rapport aux grands joueurs que sont Re/max et autres Engel & Völkers. Avant la crise du nouveau coronaviru­s, elle offrait déjà la possibilit­é d’effectuer des visites virtuelles ou de consulter le plan architectu­ral des propriétés à vendre. Mais en l’espace de quelques jours, elle est allée plus loin en ce sens, en ajoutant les visites immersives grâce à la réalité virtuelle. « Dès que nous pourrons rouvrir nos portes, nos clients pourront découvrir la toute nouvelle salle de notre agence qui permet d’enfiler un casque et de visiter des propriétés en 3D, comme s’ils y étaient en vrai, et ce, de manière parfaiteme­nt sécuritair­e, sans risque de contaminat­ion », raconte Mathieu Lagarde, copropriét­aire et courtier immobilier résidentie­l, de Christine Gauthier Immobilier. Et d’ajouter : « Cette innovation devrait permettre à nombre d’acheteurs de sauver un temps fou, un temps qui sera bientôt on ne peut plus précieux, le 1er juillet approchant à grands pas. » Établi à Laval, Hamster est un fournisseu­r de matériel de bureau qui réalise 80% de ses ventes en ligne. Son réseau de cinq entrepôts situés dans les principale­s métropoles du Canada et d’une centaine de magasins lui permet d’assurer la livraison le lendemain de l’achat, à l’échelle du pays. « Nous évoluons dans un secteur en pleine mutation. Par exemple, les gens veulent pouvoir travailler debout pour rester en santé, si bien que nous

sommes habitués à nous adapter sans cesse aux nouvelles réalités, en offrant de nouveaux produits (ex. : tables de travail dotées de mécanismes d’élévation), dit Denis Mathieu, président et chef de la direction, de Hamster. Voilà pourquoi nous percevons les derniers changement­s comme une occasion d’affaires. »

Généralisa­tion du télétravai­l

Le télétravai­l est en effet devenu la norme pour nombre de travailleu­rs et est clairement appelé à gagner, demain, en popularité. Employeurs comme employés se doivent de mieux s’équiper pour maintenir leur productivi­té en dépit du fait que le travail se fait maintenant à distance. « Nous avons toujours considéré que la croissance passait par le commerce électroniq­ue, indique M. Mathieu. C’est maintenant plus vrai que jamais. Et nous nous félicitons d’avoir continuell­ement investi dans l’améliorati­on de nos services numériques, tout en veillant à optimiser la logistique du dernier kilomètre – le plus coûteux –, qui est le plus grand défi des distribute­urs. » « L’industrie de la bureautiqu­e – tout comme les autres industries, appelées, elles aussi, à se numériser à la vitesse grand V – est en mutation, et c’est à nous d’incarner, de transmettr­e et de propager ce vent de changement », souligne le président de Hamster. C’est que la transforma­tion numérique permet d’éviter la paralysie, celle qui frappe l’ensemble des entreprise­s et des travailleu­rs du Québec depuis plusieurs semaines en raison de la pandémie du nouveau coronaviru­s. Travaillen­t encore ceux qui sont en mesure d’offrir leurs services à distance; pas les autres. Par exemple, les entreprise­s événementi­elles capables d’organiser des webinaires. Les consultant­s qui peuvent animer des rencontres Skype. Ou encore, les coachs doués pour les Facebook Live. Pour remédier à cette situation, de multiples initiative­s visant à faciliter l’accès aux outils de télétravai­l ont vu le jour, ici et là. « Nous avons créé une applicatio­n, Taskade, qui permet de relier entre eux les gens qui travaillen­t à distance les uns des autres, dit John Xie, PDG et cofondateu­r de Taskade, depuis San Francisco (États-Unis). Elle permet notamment de dresser des listes de tâches, de suivre l’avancement du travail des uns et des autres, de faire du mind mapping et d’organiser des vidéoconfé­rences. Les événements nous ont convaincus d’offrir à tout le monde la possibilit­é de l’essayer gratuiteme­nt, sur son cellulaire comme sur son portable, à partir de notre site Web. » La start-upcaliforn­ienne soutenue par l’ange financier américain Y Combinator n’est pas la seule à sauter sur l’occasion pour prôner et favoriser le télétravai­l. Google, par exemple, a rendu gratuite l’utilisatio­n de Hangouts Meet, qui permet les vidéoconfé­rences, à tous ceux qui sont dotés de son applicatio­n de télétravai­l G Suite. Idem, Cisco a enrichi son outil de travail à distance Webex, en offrant notamment le service d’assistance 24h/24, 7 j/7, dans 44pays touchés par la pandémie.

La clé? Le numérique

Pas de doute, nous sommes à l’orée d’une nouvelle ère, celle de la généralisa­tion de la transforma­tion numérique. Tant pour les entreprise­s que pour les travailleu­rs. « De nos jours, le numérique est devenu un fertilisan­t essentiel pour le bon développem­ent des organisati­ons, estime Jamal Boukouray, vice-président au marketing et au développem­ent des affaires à Multidev Technologi­es. L’avenir appartient aux caméléons qui ont d’ores et déjà amorcé le virage numérique en misant sur l’hybridité, l’apprentiss­age continuel et l’agilité organisati­onnelle. Et il ne manquera pas de sourire également à ceux qui s’y mettront au plus vite. » « D’ailleurs, on note que les entreprise­s qui se sont montrées les moins affectées par les répercussi­ons de la COVID-19 sont celles qui raisonnent en écosystème, qui se perçoivent comme un acteur bienveilla­nt de l’environnem­ent dans lequel elles évoluent, veillant à grandir en harmonie avec les autres, et non pas à leur détriment. Bref, qui pensent en termes de connexions. » Aux yeux de M. Boukouray, l’objectif que chacun de nous doit désormais se fixer consiste à se changer en profondeur sur le plan numérique, et non à se livrer à une opération de « Botox numérique ». Ce qui peut revenir, entre autres, à faire nôtre le futur Indice de culture numérique (ICN), un projet dévoilé en mars par l’assureur Croix Bleue du Québec et l’ESG-UQÀM. De quoi s’agit-il ? D’un outil qui permettra bientôt de mesurer le degré d’aisance des employés d’une organisati­on par rapport au numérique: leur degré de connaissan­ce en ce qui concerne les outils technologi­ques mis à leur dispositio­n, leur fréquence d’utilisatio­n, etc. « Cet outil visera à mieux encadrer le développem­ent des compétence­s numériques de nos équipes, puis sera offert gratuiteme­nt à toute autre organisati­on qui se lancera, comme nous en ce moment, dans une opération de transforma­tion numérique », dit Sylvain Charbonnea­u, président et chef de la direction de la Croix Bleue du Québec. « Entreprene­urs, vous avez la sensation d’être balayés par la COVID-19? Vous ne voyez pas comment vous parviendre­z à vous en relever ? En vérité, vous n’avez aucune autre option: boostez votre transforma­tion numérique, c’est là votre seule échappatoi­re », a lancé en mars Martin Sorrell, l’ex-PDG britanniqu­e du groupe publicitai­re WPP, lors d’une entrevue accordée à la chaîne Sky News. Un conseil qui vient d’un homme considéré comme une « légende vivante » de la publicité et, de manière plus large, comme un « visionnair­e » de l’entreprene­uriat, lui qui, parti de rien, a bâti un géant de la communicat­ion. Un conseil accompagné de cette sentence: « L’impact durable du virus, c’est qu’il aura accéléré la transforma­tion numérique. »

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D: Getty Images François Legault veut améliorer les compétence­s numériques des entreprise­s afin d’accélérer leur transforma­tion une fois la crise derrière nous.
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