Les Affaires

Vers des lendemains très éprouvants

- Jean-Paul Gagné

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Ottawa et Québec se seraient entendus sur la Stratégie nationale sur le logement qui avait été lancée en 2017. Québec obtiendrai­t l’autonomie désirée dans la gestion des projets réalisés sur son territoire et recevrait une somme de 1,7 G$. Cette stratégie prévoit des investisse­ments de 55 G$ en dix ans, qui permettrai­ent de construire 100 000 nouveaux logements et d’en réparer 300 000 autres dans l’ensemble du pays. Quelque 10 000 nouveaux logements abordables sont en attente de ce financemen­t au Québec.

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La dernière version de la réforme de l’immigratio­n du ministre Simon Jolin-Barrette n’est pas favorable aux travailleu­rs étrangers temporaire­s, qui devront cumuler une expérience de travail de 36 mois à temps plein, au lieu de 12, pour présenter une demande de sélection permanente dans le cadre du Programme de l’expérience québécoise. Pour les étudiants étrangers diplômés, l’expérience de travail requise sera de 12 à 24 mois à temps plein pour faire une demande de sélection permanente. Résultats probables : moins d’immigrants provenant de ces groupes et moins d’étudiants étrangers au Québec. Ne manque-t-on pas de main-d’oeuvre ?

« Ça va bien aller », a-t-on dit avec une certaine candeur pour faire accepter le confinemen­t qu’on imposait. Terrorisés par la peur, on a obéi, sachant que les répercussi­ons allaient être dramatique­s pour plusieurs. Elles le furent. L’économie s’est arrêtée, le nombre de décès a explosé et l’État a multiplié les mesures de soutien. C’est ce qu’il fallait faire, ont commenté en choeur les économiste­s. Depuis, on ne cesse d’en annoncer de nouvelles, sans oublier de dire, chaque fois, qu’« on en ajoutera si nécessaire ». Compte tenu de la grave récession qui s’amène, les revenus de l’État vont fondre, alors que ses dépenses explosent. Ottawa pourrait se retrouver avec un déficit d’environ 300 milliards de dollars (G $) cette année et celui du Québec pourrait dépasser les 15 G$. Ils perdureron­t, mais de moindre ampleur. Heureuseme­nt, on a les meilleures finances publiques au sein du G7. On pouvait se permettre de dépenser massivemen­t pour soutenir rapidement aussi bien les personnes que les entreprise­s. Sauf que l’on s’est exposé à des fraudes et à des erreurs, comme l’offre aux étudiants de prestation­s qui les détournent du marché du travail. Faudra être plus prudents. Malgré ces aides, certaines industries restent menacées. C’est le cas de l’aéronautiq­ue, du transport aérien, du commerce de détail, de l’hôtellerie, de la restaurati­on, de la culture. À cause de la distanciat­ion physique, de la récession et des ruptures dans les chaînes d’approvisio­nnement, des entreprise­s mettront du temps à reprendre leur élan. Il y aura des faillites, des pertes d’emplois permanents et des restructur­ations (comme Aldo, le Cirque du Soleil, Reitmans, Sail, etc.). Des entreprise­s devront être secourues, mais il faudra éviter que l’aide serve à enrichir les actionnair­es, à protéger nos sièges sociaux et même à participer au capital-actions au lieu de subvention­ner ou même de prêter. À cause de nouvelles entraves au commerce internatio­nal, il faudra continuer d’encourager les gains de productivi­té et de stimuler la transition numérique et l’utilisatio­n des nouvelles technologi­es. Nécessité oblige, on aura un État plus interventi­onniste.

Hausse des impôts et des taxes

Après les dépenses d’urgence, il faudra remettre en ordre les finances publiques, ce qui créera de la pression sur les programmes sociaux malgré les besoins immenses, et nécessiter­a des arbitrages difficiles, exigera des décisions courageuse­s. On devra hausser l’impôt des riches et certaines taxes (notamment sur le carbone). Avec raison, Québec veut accélérer ses dépenses d’infrastruc­tures (prolongeme­nt du métro, extension du REM, tramways, constructi­on d’écoles, d’hôpitaux et de maisons des aînés, réfection de CHSLD). Mais il y aura des défis à relever quant à l’évaluation des coûts des projets et à l’exécution des travaux. Relativeme­nt aux problèmes de gouvernanc­e et de gestion révélés par la pandémie, Québec doit repenser le système des soins aux personnes âgées, soit revoir l’organisati­on du travail, la rémunérati­on du personnel, les services à domicile, le soutien des proches aidants, etc. Le système d’éducation a testé avec un demi-succès la formation à distance. On s’en va vers un mode hybride, mais le bon dosage reste à trouver. Les employeurs ont expériment­é le télétravai­l avec un certain succès. Il leur faut maintenant optimiser l’organisati­on du travail de façon à gagner en agilité et en productivi­té. Pour que nous puissions, comme société, sortir grandis de cette crise, nos gouvernant­s doivent aussi garder le cap sur des questions économique­s et sociales plus fondamenta­les telles que la transition énergétiqu­e, notre compétitiv­ité internatio­nale, le vieillisse­ment de la population et ses répercussi­ons sur les soins de santé, l’éliminatio­n des discrimina­tions, ainsi que la lutte aux inégalités, aux rémunérati­ons abusives et à l’évasion fiscale. Il s’agit là d’enjeux à long terme, qui ne peuvent pas être négligés si l’on veut devenir le meilleur pays du monde, un statut qui est à notre portée si on le veut collective­ment.

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