Les Affaires

Industrie et recherche doivent mieux collaborer

- – Kévin Daniau

Développer des pièces plus légères et qui permettent de réduire le bruit des moteurs d’avion : c’est l’un des objectifs de la Chaire industriel­le Safran de fabricatio­n additive des composites à matrice organique (FACMO), créée au sein de Polytechni­que Montréal en 2018. « Cela nous permet de faire une recherche centrée sur le besoin des industriel­s et de viser une applicatio­n finale concrète, ce qui est très formateur pour les jeunes qui travaillen­t sur le projet », témoigne Daniel Therriault, professeur et titulaire de la Chaire. Ce type de collaborat­ion entre industrie et monde universita­ire est en effet un facteur clé de succès dans le développem­ent des uns et des autres. « On pourrait faire sans, mais cela serait un frein très important à l’innovation et à l’essor de la fabricatio­n additive au Québec », constate Andro Vachon, enseignant au cégep de Thetford et chercheur au Centre de technologi­e minérale et de plasturgie. « Ne pas travailler avec des université­s ou des centres de recherche, c’est rester dans un « statu quo » technologi­que », confirme Stéphane Goulet, responsabl­e de l’innovation pour la fabricatio­n additive chez Bombardier Transport. Ce dernier a par exemple collaboré avec l’Université McGill pendant six mois et a réussi à créer en impression 3D une pièce, potentiell­ement destinée au métro de Montréal, qui remplace un assemblage de sept composants différents. « Nous n’aurions jamais pu le faire à l’interne, car cela a nécessité des connaissan­ces de recherche fondamenta­le dans plusieurs domaines et un accès aux imprimante­s », admet-il. « Ces centres et laboratoir­es viennent pallier le manque de ressources et de connaissan­ces de l’industrie, car nous disposons d’équipement­s qu’il ne serait pas rentable d’acheter pour la majorité d’entre eux, » indique Andro Vachon. Un vrai modèle gagnant-gagnant : l’organisme de recherche et de formation dispose de moyens supplément­aires pour accroître ses équipes et ses équipement­s et l’entreprise bénéficie du transfert technologi­que en minimisant ses risques. D’autant que des financemen­ts gouverneme­ntaux sont accordés dans ce cadre d’innovation collaborat­ive. L’engouement se fait sentir. « Il y a quatre ou cinq ans, c’est nous qui devions aller sur la route pour chercher des contrats, alors qu’aujourd’hui, on laisse le téléphone sonner », plaisante Andro Vachon.

La question des compétence­s

Le Centre de recherche industriel­le du Québec, rattaché à Investisse­ment Québec, en 2019, joue aussi ce rôle d’accompagne­ment des entreprise­s pour découvrir et adopter ces technologi­es de rupture peu offertes sur le marché. « En dehors du monde universita­ire, on a été les premiers à s’équiper d’une imprimante 3D métallique en 2014 », se remémore François Gingras, son directeur du développem­ent et de l’accompagne­ment technologi­que. L’organisme en compte trois aujourd’hui et a signé un partenaria­t avec le CHU de Québec-Université Laval pour réaliser d’ici l’an prochain le premier laboratoir­e médical en impression 3D au Canada. « On ne se rend pas toujours compte, mais quand on achète une imprimante 3D métallique, cela peut prendre entre six et douze mois pour la comprendre, former ses équipes et concevoir ses premières pièces. Il faut avoir les reins solides », ajoute Luc Dionne, PDG de Tekna, pour qui le nerf de la guerre sera l’accès à une main-d’oeuvre compétente. Une mission primordial­e, là encore, confiée aux université­s et aux organismes de formation. « Le design d’un produit sera différent s’il doit être fait en impression 3D ou en injection. Or, la majorité des ingénieurs et des technicien­s connaissen­t encore peu la fabricatio­n additive, car ce n’est pas intégré dans leur formation », indique Andro Vachon. Ce dernier travaille justement sur une nouvelle attestatio­n d’études collégiale­s entièremen­t consacrée à la fabricatio­n additive, une première au Québec. Ce programme de 900 heures offert à temps partiel sur deux ans devait débuter en avril. Avec la COVID-19, cependant, le démarrage a été repoussé au 2 novembre prochain. « On avait déjà un bon signal, l’intérêt était là », relate celui qui espère une vingtaine d’étudiants pour cette première cohorte.

Newspapers in French

Newspapers from Canada