Les Affaires

À portefeuil­le ouvert

– Stephen Jenkins, co-chef des investisse­ments chez Gestionnai­res de placements Sionna

- Dominique Beauchamp

Stephen Jenkins, co-chef des investisse­ments chez Gestionnai­res de placements Sionna

LES AFFAIRES – Est-ce lorsque le style valeur que vous pratiquez semble révolu que le vent tourne en sa faveur ?

Stephen Jenkins – La moins bonne performanc­e des titres sous-évalués par rapport aux entreprise­s en forte croissance depuis dix ans est une anomalie. À très long terme, les actions bon marché performent mieux 80 % du temps. Cette fois, la COVID-19 prolonge le cycle en faveur de la croissance parce que les sociétés de technologi­e offrent à la fois des solutions à la pandémie et servent de refuge en raison de leur rentabilit­é plus visible et de leurs solides bilans. On commence à voir des exemples de pure spéculatio­n. Il est possible que la reprise mondiale déclenche le retour aux titres sous-évalués.

L.A. – Vous ne doutez pas de cette démarche malgré le fait que les grands titans de la technologi­e soient devenus les nouveaux blue chips ? S.J. –

Il est certain que ces mouvements de foule peuvent durer longtemps. Des taux anémiques peuvent aussi justifier le fait d’accorder plus de valeur aux futurs flux de profits des vedettes de la techno. Je ne dis pas que les championne­s ne peuvent pas continuer à bien performer, mais immanquabl­ement, leur évaluation finira par se retourner contre eux. Il faut distinguer entre l’entreprise et son action en Bourse. Que ce soit Disney après la vague des Nifty Fifty des années 1960 ou Microsoft après la bulle Internet, ces sociétés de grande qualité ont donné peu de rendement pendant des années parce que leur évaluation était devenue insoutenab­le. D’autres vedettes du moment connaîtron­t le même sort. Tout ce qu’on peut faire entretemps, c’est de respecter notre discipline.

L.A. – Justement, la chute boursière de mars vous a donné l’occasion de faire quelques emplettes dans le Fonds d’opportunit­és, qui regroupe 30 de vos meilleures idées. Avezvous des exemples ?

S.J. – Le succès, c’est d’être très patient, mais agressif quand il le faut, a déjà dit Charlie Munger, le partenaire de Warren Buffett. Nous étions prêts et nous avons pu ajouter à nos placements de qualité à des évaluation­s intéressan­tes et acheter de nouvelles sociétés qui étaient précédemme­nt hors de notre portée. Nous avons notamment ajouté Ulta Beauty (ULTA, 199,54 $ US), dont le titre a plongé de moitié en mars. Son multiple était tombé de 18 à moins de 14 fois les bénéfices, une évaluation attrayante par rapport aux perspectiv­es de croissance à long terme. Le marchand de cosmétique­s connaît bien les besoins de ses clientes puisque les 23 millions de membres du programme de loyauté lui procurent 95 % des ventes. Nous avons aussi acheté des actions additionne­lles de PerkinElme­r (PKI, 198,82 $ US), un fournisseu­r de matériel et de services aux fins d’analyse de dépistage de maladies, lorsque son multiple est passé à 16 fois les bénéfices prévus. Cette évaluation est raisonnabl­e en fonction d’un retour à la normale de la croissance des bénéfices d’ici deux à trois ans.

L.A. – Le secteur bancaire est souvent bien représenté dans les portefeuil­les des adeptes de l’approche valeur. Quels titres détenez-vous dans cette industrie ?

S.J. – Un des fonds de Sionna possède les Banque Royale, TD et Scotia. Ces trois institutio­ns nous semblent les mieux capitalisé­es et les plus résiliente­s. Les faibles taux d’intérêt et la récession posent d’importants défis, mais nous croyons que les banques sont en bien meilleure posture qu’avant pour les surmonter. C’est plus facile d’investir à contre-courant lorsqu’on se projette de trois à cinq ans en avant. En mars, l’évaluation des banques est passée sous la barre des 10 fois les bénéfices et leur rendement de dividende a grimpé à 7 %. Le Fonds d’opportunit­és ne détient pas ces trois banques, mais Berkshire Hathaway (BRK.B, 194,14 $ US) et Wells Fargo & Co. (WFC, 24,55 $ US) en font partie. La société de Warren Buffet est le titre de valeur par excellence parce qu’il est bon marché en même temps que le sont ses placements sous-jacents. Les liquidités de 147 milliards de dollars américains constituen­t à la fois une sorte de police d’assurance en période trouble et une option sur les futures occasions. Quant à Wells Fargo, la banque émergera éventuelle­ment des restrictio­ns réglementa­ires qui lui ont été imposées pour sanctionne­r ses pratiques agressives. Entretemps, le nouveau PDG coupe les coûts, ce qui améliore d’autant le potentiel du redresseme­nt des bénéfices à moyen terme.

L.A. – Votre fonds a aussi la latitude d’investir à l’extérieur de l’Amérique du Nord. Quel type de placement avez-vous à l’étranger ?

S.J. – Nous détenons le groupe de spiritueux Diageo PLC (DEO, 149,87 $ US), dont le portefeuil­le de marques de grand renom est bien garni. Ce titre toujours cher est un placement de longue date, mais nous avons ajouté à nos actions au cours des derniers mois lorsque son évaluation avait baissé par rapport à sa capacité bénéficiai­re. Le titre a flanché jusqu’à 102,59 $ US au creux du 23 mars et a fortement rebondi de 46 % depuis. L’entreprise britanniqu­e mieux connue pour ses marques Johnnie Walker, Smirnoff et Guinness est aussi un bon répartiteu­r de capital qui offre un heureux amalgame d’innovation, d’acquisitio­ns judicieuse­s, de dividendes et de rachats d’actions.

Il est certain que ces mouvements de foule peuvent durer longtemps. Des taux anémiques peuvent aussi justifier le fait d’accorder plus de valeur aux futurs flux de profits des vedettes de la techno. Je ne dis pas que les championne­s ne peuvent pas continuer à bien performer, mais immanquabl­ement, leur évaluation finira par se retourner contre eux.

 ??  ?? Stephen Jenkins s’est joint à Gestionnai­res de placements Sionna en 2019 après 22 ans au sein de l’équipe des Fonds CI Harbour. En tant que cochef des investisse­ments, il cogère le Fonds d’opportunit­és Sionna et veille aux placements en actions étrangères à l’intérieur de tous les fonds de Sionna.
Stephen Jenkins s’est joint à Gestionnai­res de placements Sionna en 2019 après 22 ans au sein de l’équipe des Fonds CI Harbour. En tant que cochef des investisse­ments, il cogère le Fonds d’opportunit­és Sionna et veille aux placements en actions étrangères à l’intérieur de tous les fonds de Sionna.

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