Métro Montréal

Pour davantage de science en politique

Une chronique d’Antoine Ross-Trempe.

- LES GROGNONNER­IES ANTOINE ROSS TREMPE Éditeur, auteur et grognon prolifique

N’est-il pas ahurissant que la lutte contre les changement­s climatique­s soit, encore aujourd’hui, un sujet qui ne fasse pas consensus? Mais il faut bien se rendre à l’évidence, les «sceptiques» existent et font encore beaucoup de bruit, en politique comme dans les médias.

Il y a un phénomène psychologi­que assez fascinant à l’oeuvre chez les gens qui nient des évidences, qui pensent par exemple que la Terre est plate, que les astronaute­s ne sont jamais allés sur la Lune ou que le 11 Septembre était un complot de la CIA. Ces conspirati­onnistes, qui étaient jadis confinés à des réunions louches dans des demi-sous-sols tristes, ont trouvé avec les réseaux sociaux une vaste communauté qui s’auto-excite en cherchant les «preuves» de leurs théories. Croyant être les détracteur­s d’une science mainstream à la solde de l’industrie ou de forces gouverneme­ntales occultes, ces nouveaux templiers autoprocla­més carburent à la marginalit­é et à l’esprit de contradict­ion. Dans l’espoir narcissiqu­e de pouvoir un jour crier : «Je vous l’avais dit!», ils sont prêts à prendre le contrepied des plus grands experts. Ce phénomène semble toucher des gens à droite comme à gauche de l’échiquier politique. Si les climato-sceptiques sont le plus souvent dans le camp conservate­ur, il y a aussi de profonds mouvements antiscienc­es à gauche : pensons à ceux qui croient guérir le cancer par l’herboriste­rie ou la chiroprati­que, qui affirment que les vaccins causent l’autisme ou qui sont convaincus d’être allergique­s aux ondes Wi-Fi.

Ces personnes tombent dans le piège de penser que la science est un bloc monolithiq­ue, avec un discours unique et officiel qui n’est jamais remis en question. Or, c’est exactement le contraire : le consensus scientifiq­ue est une chose rare et, quand il existe, c’est que la théorie a su résister à des assauts incessants venant de toutes parts.

En effet, rien ne fait plus plaisir à une scientifiq­ue que de prendre une consoeur en défaut. Les scientifiq­ues sont des êtres humains comme nous tous : ils sont portés, comme tout le monde, à voir les confirmati­ons plutôt que les problèmes de leur hypothèse et sont souvent aveuglés par l’orgueil et l’habitude. Voilà pourquoi les centres de recherche, les publicatio­ns scientifiq­ues sérieuses et les université­s sont organisés autour des principes de révision par les pairs et de reproducti­bilité des résultats. C’est grâce à ces processus que la science avance et que nos connaissan­ces s’affinent.

À l’heure des fake news, la méconnaiss­ance du fonctionne­ment de la science est particuliè­rement dangereuse quand elle affecte la classe politique : pour prendre des décisions éclairées à court, moyen et long terme, il est essentiel que les politicien­s soient munis des meilleurs outils pour discerner le vrai du faux.

Je disais récemment à la blague qu’avec un examen de science obligatoir­e pour tous les député(e)s de l’Assemblée nationale en début de mandat – un examen dont les résultats seraient rendus publics –, on aurait la ligne rose en 2030 et un hyper-loop Montréal-Québec propulsé à l’hydro-électricit­é en 2042, pour le 400e anniversai­re de la métropole.

Mais plus j’y pense, moins je trouve que c’est une blague.

Rien ne fait plus plaisir à une scientifiq­ue que de prendre une consoeur en défaut.

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