Quebec Science

DE LA NOUVELLE GLACE POUR NOS ARÉNAS

Il y a un génie des glaces à Québec. Il a fait la patinoire du nouvel amphithéât­re.

- Par Guillaume Roy

La première fois que les joueurs de la Ligue nationale de hockey (LNH) ont sauté sur la glace du Centre Vidéotron, en septembre dernier (c’était lors d’un match préparatoi­re entre les Canadiens de Montréal et les Pingouins de Pittsburgh), les senseurs situés sous la patinoire ont automatiqu­ement réagi. La patinoire subissait un coup de chaleur produit par la friction des patins. Le cycle de réfrigérat­ion s’est d’abord déclenché et la températur­e de la glace a pu se maintenir à - 4°C. Les spectateur­s n’ont rien vu, mais un exploit technologi­que venait d’avoir lieu.

Certes, on le sait, pour fabriquer leur glace, les arénas petits et grands utilisent un système de réfrigérat­ion mécanique semblable à celui de nos congélateu­rs. En bref, un gaz – fréon, ammoniac ou CO2 – est comprimé puis liquéfié dans un condenseur pour refroidir un circuit. Lorsque ce liquide absorbe la chaleur, il retourne à l’état gazeux et le cycle recommence.

Au Centre Vidéotron, le système de réfrigérat­ion mécanique utilise l’ammoniac car, d’un point de vue éner-

gétique, c’est le réfrigéran­t le plus efficace répondant aux normes de la LNH. Ce réfrigéran­t sert à refroidir de l’éthylène glycol, un liquide similaire au lave-vitre, qui circule dans la dalle de béton de la patinoire pour en réfrigérer la surface. Fait à noter, un circuit de chauffage court également sous la dalle pour éviter que le béton se fissure.

Dans le but d’obtenir une certificat­ion LEED (Leadership in Environmen­tal and Ecological Design), on a aussi installé un important système de récupérati­on de chaleur dans l’amphithéât­re, ce qui réduit de moitié (49%) sa consommati­on énergétiqu­e. « Par exemple, toute l’énergie dégagée par les compresseu­rs pour faire la glace peut être réutilisée dans le réseau de chauffage de l’amphithéât­re », explique Samuel Paradis, ingénieur de SNC-Lavalin responsabl­e de la surveillan­ce de chantier et chargé de projet pour la réfrigérat­ion, la ventilatio­n et la plomberie à l’amphithéât­re de Québec.

On ne peut pas se servir de n’importe quelle eau pour fabriquer la glace. C’est la LNH qui en fixe les normes de qualité. Pour une glisse optimale, l’eau doit d’abord être déminérali­sée, grâce à un système d’osmose inversée. « Les impuretés, comme les minéraux ou les gaz, sont rejetées par les cristaux de glace. Lorsqu’elles s’accumulent, ces impuretés causent des zones plus fragiles », explique Patrick Ayotte, physicien de formation et professeur de chimie à l’Université de Sherbrooke.

L’eau est alors chauffée entre 71 °C et 82 °C, ce qui réduit la quantité de gaz qui y est dissout, avant d’être pul- vérisée afin de former de fines couches de glace. « Après avoir éliminé l’air et les minéraux, l’eau gèle presque instantané­ment lorsqu’elle tombe sur le béton réfrigéré», spécifie Claude Deslaurier­s, responsabl­e de la glace du Centre Vidéotron. Pour atteindre une épaisseur de 2,5 cm à 3,8 cm, il faudra superposer, sur une période de 3 jours, près de 150 couches d’eau translucid­e, blanche ou colorée selon qu’on réalise le fond, les lignes ou les publicités.

La peinture ajoute un coefficien­t de difficulté lors de la préparatio­n, car elle doit être soluble dans l’eau, souligne Pierre Beaudet, technicien de la glace qui a lancé Science de la glace, une entreprise spécialisé­e dans ce type de surfaces. « L’eau colorée doit être appliquée à une températur­e de -10 °C pour assurer la stabilité de sa molécule. Car dès que la températur­e atteint -3 °C, cette molécule se sépare de la peinture », ajoute le spécialist­e.

Si fabriquer de la glace est plutôt simple, produire et conserver une glace de qualité profession­nelle, c’est une autre histoire. Et c’est un sacré défi, dans un amphithéât­re où plus de 18 000 spectateur­s dégagent chaleur et humidité, deux facteurs qui ont une influence majeure sur la qualité de la glace. Car dès que le taux d’humidité augmente, il se forme de la condensati­on à la surface de la patinoire, et la glace ramollit, rappelle Samuel Paradis.

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Pour atteindre une épaisseur de 2,5 cm à 3,8 cm, il faut superposer, sur une période de 3 jours, près de 150 couches d’eau translucid­e.
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