Quebec Science

La bataille du foie

Robuste, résilient et multitâche­s, le foie est la pierre angulaire de notre corps. Pourtant, on ne s’y intéresse guère; on le néglige, même. Radiograph­ie d’un organe méconnu.

- Par Marie Lambert-Chan

Robuste, résilient et multitâche­s, le foie est la pierre angulaire de notre corps. Pourtant, on ne s’y intéresse guère; on le néglige, même. Radiograph­ie d’un organe méconnu.

D ’ abord, il nettoie le sang – dont il pompe 1,4 litre à la minute – de l’alcool et des médicament­s que nous ingérons, ainsi que des déchets, comme l’ammoniac, que nous produisons naturellem­ent. Ensuite, il se charge de fabriquer et de fournir une foule d’éléments essentiels au bon fonctionne­ment de notre corps : du glucose pour lui procurer de l’énergie; des enzymes et des protéines pour assurer sa résistance aux infections et aider le sang à coaguler; et de la bile pour lui permettre de digérer puis d’excréter les substances toxiques. Il stocke les vitamines et les minéraux, régule le cholestéro­l, sécrète et équilibre les hormones sexuelles et thyroïdien­nes, décompose les vieux globules rouges, etc. Merveilleu­x foie! En tout, il est responsabl­e de plus de 500 fonctions essentiell­es à la bonne marche du corps humain. C’est le plus gros et le plus lourd de nos organes internes. « Et c’est sans doute le plus important », affirme le docteur Marc Bilodeau, hépatologu­e et cher - cheur au Centre hospitalie­r de l’Université de Montréal (CHUM).

Comme s’il était conscient de ce rôle prépondéra­nt, le foie refuse de se laisser abattre facilement. Hyper robuste, il poursuit son petit bonhomme de chemin même quand les deux tiers de sa masse sont mis hors d’usage par la maladie. Sa résilience laisse pantois : il est le seul organe à pouvoir se régénérer. Si on lui en enlève une partie, celle qui lui reste croîtra jusqu’à ce qu’il ait retrouvé son volume originel – au bout de quelques semaines.

Avec de telles performanc­es, le foie devrait occuper une place de choix dans notre imaginaire collectif. Mais, au panthéon des organes, il est plutôt refoulé au deuxième sous-sol, en compagnie de la rate, du pancréas et de la vésicule biliaire. C’est que le foie n’a ni l’énergie du coeur ni la prestance du cerveau. C’est un travailleu­r de l’ombre. « Nous voyons ce qui sort de notre vessie et de nos intestins, nous sentons notre coeur battre et nos poumons se soulever, nous sommes bien conscients que notre cerveau est actif, mais nous n’observons jamais direc- tement le travail du foie, corrobore le docteur Bilodeau. De plus, nous ne percevons pas sa présence; pas plus que les fruits de son labeur. À tel point qu’une personne atteinte d’une hépatite chronique n’en ressent les premiers symptômes que de 20 à 30 ans après avoir été infectée. Le foie a l’habitude d’encaisser les coups jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. C’est un organe qui vit et souffre en silence. »

En conséquenc­e, nous ne manifeston­s envers lui que peu ou pas d’intérêt. « Les gens savent que c’est un abat qui se sert avec des oignons, que l’alcool est l’ennemi du foie et que les hépatites B et C sont des maladies à ne pas attraper, mais c’est à peu près tout! » s’exclame le docteur Eric Yoshida, président du comité consultati­f médical de la Fondation canadienne du foie (FCF) et gastro-entérologu­e à l’hôpital général de Vancouver. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans l’Antiquité, le foie occupait le haut du pavé. Les Grecs affirmaien­t qu’il était le siège de l’âme.

Aujourd’hui, on connaît si mal le foie que même les expression­s qui s’y réfèrent font

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