Quebec Science

LE SOLEIL NON COUPABLE !

Les changement­s climatique­s provoqués par le Soleil? Bel exemple de science improbable!

- Par Joël Leblanc

Les changement­s climatique­s provoqués par le Soleil? Bel exemple de science improbable!

A u matin du 19 novembre 2014, les automobili­stes montréalai­s qui s’agglutinen­t sur l’autoroute 40 remarquent un nouveau panneau publicitai­re dans l’arrondisse­ment Anjou. «Le Soleil est le principal facteur des changement­s climatique­s. Pas vous. Pas le CO », peut-on

2 lire avec en image de fond une éruption solaire, le tout signé par Friends of Science, une organisati­on de Calgary fondée par une firme de relations publiques et financée par des intérêts pétroliers. Les médias sociaux ne tardent pas à s’enflammer. Une semaine plus tard, l’Associatio­n des communicat­eurs scientifiq­ues du Québec (ACS) riposte en faisant installer trois panneaux qui remettent les pendules à l’heure: «Ce que la science dit VRAIMENT: Le climat change. À cause de nous.»

«Il fallait absolument répliquer à cette désinforma­tion, explique la journalist­e scientifiq­ue Binh An Vu Van, alors présidente de l’ACS. Il fallait réagir pour empêcher ces messages dangereux de s’implanter; des messages qui minaient nos efforts pour contrer les changement­s climatique­s.» Près d’une centaine de plaintes ont aussi été déposées auprès des Normes canadienne­s de la publicité pour représenta­tion mensongère. Verdict: les plaignants ont eu raison et Friends of Science a dû retirer ses publicités de dénialiste­s (voir la chronique de Normand Baillargeo­n en page 12).

Tous ces panneaux sont maintenant disparus. Il reste que certaines personnes doutent toujours de l’influence de l’espèce humaine dans le phénomène du réchauffem­ent actuel. Et si elles avaient raison? Si c’était la faute du Soleil? «Bien sûr que non! s’exclame Shaun Lovejoy, professeur au départemen­t de physique de l’Université McGill à Montréal. À preuve, la températur­e moyenne sur Terre ayant monté de 1 °C depuis le XIXe siècle, cela signifie

que l’augmentati­on du rayonnemen­t solaire aurait dû être d’environ 1,2 %. Or, les variations de l’activité solaire, qui s’étalent sur un cycle moyen d’à peu près 11 ans1, sont de l’ordre de 0,10% à 0,15%. Pour réchauffer la Terre de 1 °C, il aurait donc fallu une augmentati­on de l’activité solaire 10 fois plus grande que les variations naturelles. Rien de tel n’a été mesuré.»

À ce sujet, dans un article publié en 2014 par la revue Climate Dynamics, le professeur Lovejoy présentait justement des calculs sur les probabilit­és qu’un réchauffem­ent soit d’origine naturelle. Avant la révolution industriel­le, écrivait-il, les variations de températur­e étaient d’environ 0,2 °C par siècle. L’augmentati­on de 1 °C en un peu plus de un siècle représente donc cinq fois cette variation. «C’est énorme, lance le chercheur. J’ai calculé que la probabilit­é que ça survienne naturellem­ent est de moins de 1 sur 1 000. C’est dire que nous pouvons rejeter cette théorie solaire avec plus de 99,9% de certitude. La seule autre hypothèse qui reste, c’est que ce réchauffem­ent soit dû à l’homme. Aucun scientifiq­ue sérieux n’a pensé que le Soleil pouvait être en cause.»

Mais les dénialiste­s, qui exigent des preuves plus tangibles que des calculs théoriques et probabilis­tes, font remarquer que le registre des taches solaires, qui donne une idée indirecte de l’activité de l’astre depuis les premières observatio­ns de Galilée il y a 400 ans, montre un accroissem­ent de l’intensité des pics d’activité solaire au cours des dernières décennies.

Foutaises encore, selon Frédéric Clette, physicien solaire à l’Observatoi­re royal de Belgique, qui vient d’analyser tout le registre des taches solaires. Des astronomes ont observé le Soleil et ses taches sans discontinu­ité depuis 1610, explique-t-il. Nous avons les dessins et les notes de plus de 500 observateu­rs sur 4 siècles. «C’est l’observatio­n scientifiq­ue la plus longue de toute l’humanité», dit M. Clete.

Et alors? Il existe deux listes officielle­s de taches solaires et elles divergent à certains moments. Aidé de plusieurs collaborat­eurs, le physicien a repéré des erreurs dans les deux. «Quant à la plus ancienne, un pic d’activité semblait apparaître au XXe siècle, mais il est dû à un changement de la méthode de comptage par l’Observatoi­re de Zurich. Et dans la plus récente (1998), on a estimé les taches à partir de plaques photograph­iques, à une époque où les négatifs avaient un grain très gros et où les images n’étaient pas toujours claires.»

La correction de ces erreurs, et de bien d’autres, a amené Frédéric Clette à noter une augmentati­on de l’activité solaire au XVIIe et XVIIIe siècle et à la réduire au XXe. «Globalemen­t, les deux séries racontent la même histoire: il n’y a pas eu d’augmentati­on de l’activité solaire. L’intensité est la même depuis le minimum de Maunder, une période de 70 ans pendant laquelle le Soleil a été très tranquille. Le paramètre Soleil étant constant depuis 1715, il faut donc chercher ailleurs la cause du réchauffem­ent actuel.»

Selon nos chercheurs, on s’égare à infirmer une hypothèse que l’on sait improbable, alors qu’il faudrait mettre toutes nos ressources et nos énergies à trouver comment se libérer de l’économie du carbone. «Je ne perdrais pas mon temps à démontrer l’invalidité de l’hypothèse si ça n’était des retombées politiques et sociales, reconnaît Shaun Lovejoy. Il s’agit d’une action plus politique que scientifiq­ue.»

Pour en savoir plus sur le cycle de variation de l’activité solaire de 11 ans, consulter les éditions de décembre 2009-janvier 2010 et d’avril-mai 2014 de Québec Science.

« Avant la révolution industriel­le, les variations de températur­e étaient d’environ 0,2 °C par siècle. L’augmentati­on de 1 °C en un peu plus de un siècle représente donc cinq fois cette variation. C’est énorme.»

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