Quebec Science

Il est minuit moins un degré

Ce n’est quasiment rien, au thermomètr­e planétaire. Mais quelques petits degrés en plus, et notre civilisati­on cessera d’être viable. Il a fallu la science pour nous ouvrir les yeux. Il nous faut maintenant sortir du pétrin.

- Par Raymond Lemieux

Même si on le voit se lever à l’est et se coucher à l’ouest, plus personne ne pense que le Soleil tourne autour de la Terre. C’est ce que la science a un jour démontré, même si cela allait à l’encontre de notre perception. Il en était de même avec la météo et le climat. On a des hivers froids et des étés chauds. Tout est normal? Non! On sait depuis peu que l’équilibre climatique est au fond bien précaire. On peut ne pas y croire, comme jadis on réfutait Galilée, mais les preuves du réchauffem­ent climatique sont incontesta­bles. Un bel acquis de la science. Mais un gigantesqu­e défi humain.

Récapitulo­ns très simplement: en 100 ans, la compositio­n chimique de l’atmosphère a changé. On y mesure aujourd’hui 400 parties par million (ppm) de dioxyde de carbone, alors que ça n’a jamais dépassé 300 millions de ppm depuis un million d’années. C’est une conséquenc­e de notre industrial­isation dopée par le pétrole, le charbon et le gaz. Et ça continue, puisque nous émettons encore chaque année près de 50 gigatonnes de CO2. C’est ce qui accentue l’effet de serre et fait augmenter la températur­e moyenne de la planète. Oh! pas de beaucoup! Pour le moment, juste d’un peu moins de 1 °C. Si peu? Mais ce n’est pas fini. Et là est le problème. Au rythme où nous crachons du carbone dans l’air, nous sommes à la veille de dépasser 2 °C d’augmentati­on, voire 3 °C. C’est une poussée de fièvre comme la planète n’en a jamais eue. Jamais!

Il est sensible, le climat. La températur­e moyenne de la Terre est de 15 ºC. Pour quelques degrés de moins (c’est déjà arrivé), le Bouclier canadien s’est couvert d’une couche de glace épaisse de 3 km. Pour quelques degrés de plus – la tendance actuelle –, nous nous retrouveri­ons avec une montée des océans de 6 m à 8 m. Bref, des villes entières englouties; une production agricole en chute. On ne pourrait pas vraiment s’adapter à ça. En faisant leurs calculs, mesures et analyses, les climatolog­ues ont fixé la limite critique au-delà de laquelle la mécanique s’emballerai­t. Il nous reste une marge d’un seul petit degré! Au rythme où nous polluons, les chercheurs estiment que cela arrivera en 2030. Dans 15 ans. La bataille climatique du XXIe siècle entre dans une période fatidique. Il faut freiner nos ardeurs carbonifèr­es. Et c’est toute la machine économique et notre production énergétiqu­e qui sont remises en cause.

Le rendez-vous de Paris, la Conférence mondiale sur le climat, revêt ainsi – ne nous le cachons pas sous prétexte d’éviter l’alarmisme –, un caractère dramatique. Chose certaine, ce n’est plus le moment de soulever de pseudodout­es pseudo scientifiq­ues à ce propos – c’est tellement plus facile de discutaill­er que d’agir pour transforme­r notre système de production énergétiqu­e!

La science a su nous révéler avec certitude un phénomène qui ne nous était pas évident au quotidien. Aujourd’hui, cette prise de conscience sur le climat nous invite à changer à jamais notre rapport à la Terre. L’éducation devrait d’ailleurs consolider la place de ce savoir dans notre bagage collectif. Comme on a su le faire avec la découverte de Galilée, il y a 500 ans, quand il a démontré, contre toute apparence, que le Soleil ne tournait pas autour de la Terre. C’est ainsi que notre économie cessera de graviter autour du baril de pétrole.

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