Quebec Science

ÉCLAIRER LE FUTUR

Pour Federico Rosei, la lumière, c’est avant tout de l’énergie. Et ce pourrait être l’énergie de demain.

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Le curriculum vitæ du physicien Federico Rosei a de quoi impression­ner. Mem‑ bre de l’Académie européenne desscience­s ainsi que de la Société royale du Canada, il a reçu, entre autres, le prix inter‑ national Bessel de la Fondation Alexander von Humboldt, en reconnaiss­ance de ses travaux sur les nanomatéri­aux en 2011, la médaille Herzberg du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada, la médaille Rutherford en chimie de la Société royale du Canada en 2011, etc. La liste de ses récompense­s est longue ! L’an passé, c’est le Conseil culturel mondial qui lui a remis le prix José Vasconcelo­s en éducation. Le rapport avec la physique ? La conviction profonde qu’a le professeur Rosei qu’il est possible de combler l’écart tech‑ nologique des pays en développem­ent, et de contribuer ainsi à changer le monde.

Fort de ses compétence­s dans le domaine des matériaux photovolta­ïques, il s’est donné comme mission de promouvoir les énergies renouvelab­les, et en particulie­r l’énergie so‑ laire. Il a mis sur pied en 2014 la Chaire de l’UNESCO sur les matériaux et les tech‑ nologies pour la conversion, l’économie et le stockage de l’énergie, dont il est titu‑ laire. « Le but est de valoriser les échanges scientifiq­ues avec les pays en développem­ent et le transfert de connaissan­ces en matière d’énergie solaire, explique-t-il. Car je pense qu’il est plus sage d’enseigner à quelqu’un à pêcher que de lui donner du poisson. »

Dans ce cadre, il a déjà noué des parte‑ nariats avec des université­s de nombreux pays, depuis la Chine jusqu’au Mexique, en passant par le Bénin, l’Inde, le Vietnam et l’Algérie, entre autres. « Lorsqu’on est proche de l’Équateur, le soleil se couche tôt, et de façon très soudaine. De nombreux villageois se retrouvent donc dans le noir à 18 h, et les enfants ne peuvent pas étudier le soir. Le fait d’avoir accès à un éclairage fiable peut faire une grosse différence pour promouvoir l’éducation », affirme-t-il. Le Centre Énergie Matériaux Télécommun­ications de l’INRS, où le chercheur encadre une équipe de 30 personnes, est donc le pôle névral‑ gique de cette chaire Nord-Sud, qui forme des étudiants étrangers, propose des pro‑ grammes d’échanges et des bourses de doctorat.

« Le solaire, c’est la technologi­e de l’avenir. Le Soleil nous envoie en une heure assez d’énergie pour combler les besoins énergétiqu­es de toute la planète pendant un an, explique Federico Rosei. Pourtant, cette énergie ne représente encore que 2 % du gâteau énergétiqu­e mondial. »

L’homme, modeste, est toutefois cons‑ cient des défis. « Quand on touche à l’éner‑ gie, on se heurte à des enjeux politiques et sociaux ; aux lobbies des énergies fossiles », indique-t-il. Ce qui ne l’empêche pas d’être optimiste : « Pendant longtemps, le solaire était freiné par un problème de coût. Aujourd’hui, les prix ont beaucoup baissé, même si cela s’est fait aux dépens de la sta‑ bilité et de la durée de vie des matériaux. »

Pour améliorer les cellules photovolta­ïques sans augmenter leur coût, plusieurs pistes sont envisagées par la communauté scien‑ tifique. L’une d’elles a été développée en 2014 par Riad Nechache, de l’équipe du professeur Rosei. Il a eu l’idée d’utiliser une nouvelle classe de matériaux, dits « multiferro­ïques », pour recouvrir des cellules solaires à base de silicium afin d’accroître leur rendement. Ces matériaux, constitués notamment de bismuth, de fer, de chrome et d’oxygène, sont abondants et assez peu coûteux, et permettrai­ent aussi de prolonger la longévité des panneaux solaires.

« Le plus grand problème des énergies renouvelab­les reste le stockage », souligne le professeur Rosei. Là encore, les chercheurs du monde, dont une douzaine à l’INRS, ont mis l’épaule à la roue. « Mais il y a aussi un choix à faire. Par exemple, si une voiture élec‑ trique doit être rechargée tous les 150 km, mais que cela est bénéfique pour l’envi‑ ronnement, c’est un inconvénie­nt qui en vaut peut-être la peine », estime-t-il. Une chose est sûre, Federico Rosei est un homme de conviction­s. Et sa volonté d’aller de l’avant est encore plus forte depuis qu’il a rencontré Al Gore dans le cadre du Sommet des Amériques sur le climat, en juillet dernier à Toronto. Paradoxale­ment, croit-il, c’est peut-être le Soleil qui nous sauvera du réchauffem­ent climatique.

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Selon le physicien Federico Rosei, le Soleil nous envoie en une heure assez d’énergie pour combler les besoins énergétiqu­es de toute la planète pendant un an.

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