Et l’alcoolismE?
Pour les habitants de l’île SaintChristophe, dans les Petites Antilles, les touristes font partie intégrante du décor. Les singes aussi. Puisque les quelques vervets introduits d’Afrique il y a 300 ans ont engendré une colonie de près de 40 000 individus en liberté. Plusieurs d’entre eux ont pris l’habitude de fréquenter les plages afin de chiper leurs cocktails aux vacanciers endormis. Les singes ivres qui titubent et s’écroulent amusent les touristes et intéressent les chercheurs.
Roberta Palmour, professeure de génétique humaine à l’Université McGill à Montréal, a assisté plusieurs fois à leur manège. Elle se rend sur l’île deux ou trois fois par année pour étudier ces petits primates. Si environ 15% d’entre eux ne boivent pas du tout ou très peu, a-t-elle remarqué, 65% sont des buveurs sociaux, préférant l’alcool dilué dans du jus de fruits, et seulement en compagnie d’autres singes. Autour de 15% aussi sont des buveurs réguliers, qui prennent leur alcool pur. Et enfin, 5% sont de gros buveurs : ils avalent vite, se battent avec les autres et boivent jusqu’au coma. Si l’alcool est abondant, ils finissent par en mourir au bout de deux ou trois mois. De là à conclure que l’alcoolisme est naturel chez les primates, il n’y a qu’un pas…
« Cette distribution des comportements ressemble beaucoup à celle des communautés humaines, souligne la chercheuse. Comme chez nous, il y a naturellement des alcooliques et des buveurs plus raisonnables. Moi qui m’intéresse à la génétique des problèmes psychiatriques, je peux dire que cette communauté de singes m’a appris beaucoup de choses. »
Surtout qu’il n’existe pas un gène majeur pour l’alcoolisme, mais plutôt un grand nombre de gènes qui contribuent à la susceptibilité d’un individu à tomber dans l’abus. « Chez ces singes, le fait d’être alcoolique – ou pas – dépend de la façon dont leur cerveau traite l’information; de la manière selon laquelle ils répondent à l’environnement et de plein d’autres facteurs. Plutôt qu’une maladie, l’alcoolisme est une condition possible chez les singes qui ont un certain profil et cette condition ne s’exprime pas en absence d’alcool. Comme chez les humains.»