Perturbateurs endocriniens : la menace invisible
Perturbateurs endocriniens
Il faut réglementer l’usage des substances utilisées dans de nombreux cosmétiques, pesticides et autres composés industriels, dit l’épidémiologiste Rémy Slama.
On dit souvent que les perturbateurs endocriniens sont partout. Est-ce vrai ?
Il existe plusieurs centaines de substances qui sont des perturbateurs endocriniens (PE) ou susceptibles de l’être. Elles ont des natures très différentes; il peut s’agir de métaux, comme le mercure, ou de molécules complexes, comme le DDT – un insecticide –, ou les PCB [NDLR, utilisés comme isolantsnd électriques].
Si ces derniers sont aujourd’hui interdits, beaucoup de PE font partie de notre vie quotidienne : le bisphénol A dans les contenants alimentaires; les retardateurs de flamme; les phtalates, dans certains plastiques; les parabènes, dans les cosmétiques; mais aussi certains médicaments et les pesticides qui se retrouvent dans nos assiettes…
De quelle façon perturbent-ils nos hormones ?
Chaque hormone se lie normalement à un récepteur, fixé sur le noyau des cellules, un peu comme une clé dans une serrure. Et ce récepteur ne réagit qu’en présence de cette hormone spécifique. Or certaines substances comme le bisphénol A parviennent à se lier aux récepteurs et sont reconnues, par erreur, comme étant de l’oestrogène. L’organisme agit donc comme s’il y avait des hormones, alors qu’il n’y en a pas.
D’autres substances bloquent les récepteurs et empêchent alors l’hormone naturelle d’agir. D’autres encore, en se fixant, entraînent l’effet opposé de l’hormone naturelle. Il faut savoir qu’on ne connaît pas encore tous les mécanismes en jeu, mais il s’agit d’un véritable piratage du système endocrinien.
En quoi ce brouillage du signal est-il dangereux pour la santé ?
Les effets sur la santé peuvent être de diverses natures, car le système hormonal intervient dans de nombreuses fonctions biologiques. Il contrôle par exemple le développement et la croissance du foetus, ainsi que ceux de l’enfant, régule l’appétit, le métabolisme, le rythme cardiaque et la reproduction. En outre, il interagit avec le système nerveux central et le système immunitaire.
Pensons au déversement industriel de mercure dans la baie de Minamata, au Japon, dans les années 1950. On sait aujourd’hui que les troubles neurologiques des enfants nés de mères contaminées étaient, en grande partie, liés à des perturbations des hormones thyroïdiennes qui contrôlent le développement du cerveau du foetus.
Ainsi, le problème n’est pas nouveau. Depuis quand s’inquiète-t-on des effets des PE sur la santé ?
Le terme « perturbateur endocrinien » est apparu dans la littérature scientifique en 1993. Mais des chercheurs travaillent sur ce type de substances depuis le milieu du XXe siècle. Les premières prises de conscience ont été le drame de Minamata et le livre de la biologiste américaine Rachel Carson,
Printemps silencieux, publié en 1962, qui a lancé l’alerte sur les pesticides organochlorés et leur impact sur la faune sauvage dans la région des Grands Lacs [NDLR, le DDT entraînait notamment un amincissement des coquilles d’oeufs et des problèmes de reproduction chez les oiseaux].
Peut-on quantifier les risques ?
La science ne nous dit pas précisément