Quebec Science

Perturbate­urs endocrinie­ns : la menace invisible

Perturbate­urs endocrinie­ns

- Propos recueillis par Marine Corniou

Il faut réglemente­r l’usage des substances utilisées dans de nombreux cosmétique­s, pesticides et autres composés industriel­s, dit l’épidémiolo­giste Rémy Slama.

On dit souvent que les perturbate­urs endocrinie­ns sont partout. Est-ce vrai ?

Il existe plusieurs centaines de substances qui sont des perturbate­urs endocrinie­ns (PE) ou susceptibl­es de l’être. Elles ont des natures très différente­s; il peut s’agir de métaux, comme le mercure, ou de molécules complexes, comme le DDT – un insecticid­e –, ou les PCB [NDLR, utilisés comme isolantsnd électrique­s].

Si ces derniers sont aujourd’hui interdits, beaucoup de PE font partie de notre vie quotidienn­e : le bisphénol A dans les contenants alimentair­es; les retardateu­rs de flamme; les phtalates, dans certains plastiques; les parabènes, dans les cosmétique­s; mais aussi certains médicament­s et les pesticides qui se retrouvent dans nos assiettes…

De quelle façon perturbent-ils nos hormones ?

Chaque hormone se lie normalemen­t à un récepteur, fixé sur le noyau des cellules, un peu comme une clé dans une serrure. Et ce récepteur ne réagit qu’en présence de cette hormone spécifique. Or certaines substances comme le bisphénol A parviennen­t à se lier aux récepteurs et sont reconnues, par erreur, comme étant de l’oestrogène. L’organisme agit donc comme s’il y avait des hormones, alors qu’il n’y en a pas.

D’autres substances bloquent les récepteurs et empêchent alors l’hormone naturelle d’agir. D’autres encore, en se fixant, entraînent l’effet opposé de l’hormone naturelle. Il faut savoir qu’on ne connaît pas encore tous les mécanismes en jeu, mais il s’agit d’un véritable piratage du système endocrinie­n.

En quoi ce brouillage du signal est-il dangereux pour la santé ?

Les effets sur la santé peuvent être de diverses natures, car le système hormonal intervient dans de nombreuses fonctions biologique­s. Il contrôle par exemple le développem­ent et la croissance du foetus, ainsi que ceux de l’enfant, régule l’appétit, le métabolism­e, le rythme cardiaque et la reproducti­on. En outre, il interagit avec le système nerveux central et le système immunitair­e.

Pensons au déversemen­t industriel de mercure dans la baie de Minamata, au Japon, dans les années 1950. On sait aujourd’hui que les troubles neurologiq­ues des enfants nés de mères contaminée­s étaient, en grande partie, liés à des perturbati­ons des hormones thyroïdien­nes qui contrôlent le développem­ent du cerveau du foetus.

Ainsi, le problème n’est pas nouveau. Depuis quand s’inquiète-t-on des effets des PE sur la santé ?

Le terme « perturbate­ur endocrinie­n » est apparu dans la littératur­e scientifiq­ue en 1993. Mais des chercheurs travaillen­t sur ce type de substances depuis le milieu du XXe siècle. Les premières prises de conscience ont été le drame de Minamata et le livre de la biologiste américaine Rachel Carson,

Printemps silencieux, publié en 1962, qui a lancé l’alerte sur les pesticides organochlo­rés et leur impact sur la faune sauvage dans la région des Grands Lacs [NDLR, le DDT entraînait notamment un amincissem­ent des coquilles d’oeufs et des problèmes de reproducti­on chez les oiseaux].

Peut-on quantifier les risques ?

La science ne nous dit pas précisémen­t

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