Quebec Science

À la recherche du tombeau des pionniers

Retrouver l’ADN d’un pionnier de la Nouvelle-France comme Zacharie Cloutier serait un apport considérab­le pour la biologie.

- Par Sylvain Lumbroso

Retrouver l’ADN de Zacharie Cloutier serait un apport considérab­le pour la biologie.

En quittant sa Normandie natale pour la Nouvelle-France, en 1634, Zacharie Cloutier devait être loin d’imaginer que des scientifiq­ues s’intéresser­aient à lui quatre siècles plus tard. En fait, c’est surtout son ADN qui intrigue des biologiste­s de l’Université de Montréal. Et pour cause, la majorité des Québécois d’origine française sont reliés génétiquem­ent à ce lointain pionnier !

« Ce charpentie­r venu du Perche est arrivé très tôt dans la colonie avec des enfants en âge de se marier, qui se sont rapidement multipliés. Sa contributi­on génétique est donc énorme », relate Hubert Charbonnea­u, professeur émérite de démographi­e à l’Université de Montréal.

Pour les généticien­s, comme Claudia Moreau, du CHU Sainte-Justine, retrouver sa dépouille – et ses gènes – serait donc une chance inouïe. « Ce serait tellement incroyable d’observer comment le génome a évolué sur une période de 400 ans. Cela ouvrirait des perspectiv­es, notamment en matière de maladies génétiques », explique-t-elle.

Mais découvrir la tombe de Zacharie Cloutier n’est pas une mince affaire. On sait que l’homme est décédé le 17 septembre 1677 et qu’il est enterré à Château-Richer, petite ville située près de Québec. Pourtant, les chercheurs n’ont toujours pas localisé sa sépulture. « Zacharie est bien sur la liste de l’ancien cimetière, mais les registres des tombes ont été brûlés, car les concession­s non renouvelée­s après 100 ans étaient cédées. La paroisse voulait éviter les disputes entre familles qui partageaie­nt le même emplacemen­t sans le savoir », explique Denis Jalbert, bénévole au centre de généalogie de Château-Richer.

Pis, les travaux d’agrandisse­ment de l’église dans les années 1860 ajoutent à la confusion en empiétant sur le vieux cimetière. « À l’époque, lors de ce genre d’opération, on enterrait les dépouilles un peu plus loin. Comme il n’y a pas de documents, c’est très difficile de comprendre l’organisati­on, commente François Bélanger, archéologu­e de la Ville de Montréal. En plus, au début de la Nouvelle-France, les morts étaient inhumés sans objets ni pierre tombale, juste enroulés dans un linceul. »

Si on met un jour la main sur la dépouille de Zacharie Cloutier, elle passera probableme­nt par le laboratoir­e d’Isabelle Ribot. Cette bioarchéol­ogue de l’Université de Montréal reçoit régulièrem­ent des restes provenant de cimetières anciens et elle leur fait subir de nombreux examens. Les os renseignen­t sur les 10 dernières années de vie; les dents, sur l’enfance. « On arrive à dresser des portraits de ces humains, dit-elle. C’est souvent un peu flou, mais nous parvenons à avoir une idée de leur type de nutrition, du métier exercé ou de la région d’origine. »

Parfois, les chercheurs tombent sur le gros lot : des portions entières d’ADN conservées. « C’est justement ce qui s’est produit lors de la fouille d’un cimetière à Sainte-Marie-de-Beauce en 2004 », révèle Isabelle Ribot qui, en collaborat­ion avec Damian Labuda du centre de recherche du CHU Sainte-Justine, a lancé le processus d’identifica­tion des dépouilles. Les scientifiq­ues ont prélevé de l’ADN sur des habitants actuels de Sainte-Marie et ont pu remonter leur filiation. En croisant les données génétiques avec la généalogie du Québec, ils tentent aujourd’hui d’associer des noms aux restes découverts. « On a bon espoir de faire émerger des candidats dans les prochains mois », s’enthousias­me Claudia Moreau qui participe à l’étude. Ce serait une première victoire, et la preuve qu’il est possible de retrouver Zacharie Cloutier.

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