Quebec Science

Nargués par la lune

Le Google Lunar XPrize, un concours où des équipes financées par le privé tentaient de se rendre sur la Lune, prend fin sans gagnant.

- Par Alexis Riopel

Le Google Lunar XPrize prend fin sans gagnant. Pourquoi?

Poser un robot sur la Lune, lui faire parcourir 500 m, puis transmettr­e des images en haute définition vers la Terre, tel était le défi que devaient relever les équipes aspirant à remporter le Google Lunar XPrize (GLXP), une compétitio­n lancée en 2007 pour donner un souffle nouveau à l’exploratio­n lunaire. Malgré l’engouement qu’il a suscité, avec la participat­ion d’une trentaine d’équipes issues de 14 pays, le défi s’est révélé impossible à relever avant son échéance officielle, fixée au 31 mars 2018. Aucun groupe ne touchera donc la cagnotte de 20 millions de dollars américains, selon un communiqué publié fin janvier.

Pourquoi un tel fiasco ? Bien que les problèmes techniques pour atteindre la Lune soient considérab­les, c’est plutôt l’aspect financier qui a eu raison des finalistes. En effet, le lancement à lui seul coûte plusieurs dizaines de millions de dollars, et ce, malgré les progrès technologi­ques majeurs faits depuis Apollo 11. « Certaines choses ne changent pas. On prend une fusée, on la remplit de quelque chose qui brûle, et puis on se rend sur la Lune ! » indique Richard Léveillé, professeur au départemen­t des sciences de la Terre et des planètes à l’Université McGill.

« Le concours était difficile, comme l’ont révélé les multiples reports de sa date limite », remarque Éric Dupuis, directeur du développem­ent de l’exploratio­n spatiale à l’Agence spatiale canadienne. D’abord fixée à 2012, l’échéance du GLXP a ensuite été repoussée quatre fois.

Néanmoins, les concurrent­s ont rivalisé d’ingéniosit­é pour concevoir leurs bolides. Pesant de 750 g à 600 kg, les cinq robots finalistes sont de tailles et de formes variables. Trois sont conçus pour rouler, mais les deux autres se déplacent en bondissant grâce à des propulseur­s et des amortisseu­rs.

Tout indique que ces « astromobil­es » étaient prêtes pour conquérir la Lune, à commencer par l’étape délicate de l’alunissage. « Puisque cet astre n’a pas d’atmosphère, il est impossible de s’y poser avec un parachute, commente Éric Dupuis. Il faut le faire à la verticale en faisant usage de rétrofusée­s pour ralentir la descente ». Une fois au sol, les rovers auraient dû affronter l’écart de températur­e extrême entre le jour et la nuit sur la Lune (plus de 350 °C). Pour y arriver, ils peuvent réguler leur propre températur­e, ou encore se dépêcher d’accomplir leur mission avant la tombée de la première nuit, au cas où ils n’y surviraien­t pas. Ils auraient aussi dû composer avec le sable lunaire, beaucoup plus abrasif que celui sur Terre en raison de l’absence d’érosion sur la Lune. « Si du sable s’infiltre dans un mécanisme, il peut faire beaucoup de dommages », avertit Éric Dupuis.

La mission était donc ardue, mais pas insurmonta­ble, selon Richard Léveillé. Sauf sur le plan financier.

Le nerf de la guerre

L’exploratio­n spatiale coûte cher, et la fondation privée américaine XPrize le sait bien. Elle organisait le GLXP pour « repousser les limites de ce qui est possible afin d’améliorer le monde ». Toutefois, elle poursuivai­t aussi d’autres objectifs moins romantique­s, comme « réparer une défaillanc­e du marché » et « attirer l’investisse­ment dans un nouveau secteur ». La fondation exigeait qu’au moins 90 % du financemen­t des équipes participan­tes provienne d’investisse­urs privés. Les concurrent­s devaient donc convaincre des gens d’affaires de les aider, car même

la bourse allouée au gagnant n’aurait pu suffire à couvrir leurs frais.

Pour amasser de l’argent, les équipes ont fait miroiter à des investisse­urs les occasions d’affaires, là-haut. La Lune regorge d’hélium-3, un gaz très rare sur Terre qui servirait de combustibl­e pour produire de l’énergie nucléaire sans déchet radioactif. Il y a aussi de l’eau, un précieux ingrédient dans la fabricatio­n de carburant destiné à des opérations spatiales partant de la Lune. De nombreuses équipes ont fait valoir qu’elles resteront dans l’industrie après le concours afin d’exploiter ces ressources.

Toutefois, peu d’investisse­urs y ont trouvé leur compte. Au fil des années, plusieurs abandons et fusions ont ponctué la compétitio­n. La débâcle était si importante que, en 2015, les organisate­urs ont lancé un ultimatum aux concurrent­s pour s’assurer de leur sérieux : au moins une équipe devait signer un contrat de lancement avant la fin de l’année. SpaceIL, une équipe israélienn­e, y est finalement parvenue.

Mais, en 2016, la majorité des concurrent­s ont échoué à se conformer à l’exigence, alors étendue à tous les participan­ts, de réserver une place sur une fusée. Parmi eux se trouvait une équipe canadienne nommée Plan B, menée par un duo pèrefils de Vancouver. L’élagage réalisé par les organisate­urs laissait alors cinq finalistes sur les rangs : Team Indus (Inde), Hakuto (Japon), Moon Express (É.-U.), Synergy Moon (collaborat­ion internatio­nale) et SpaceIL (Israël).

Néanmoins, le manque d’argent pesait lourd sur les concurrent­s. En décembre dernier, SpaceIL a lancé un appel aux investisse­urs pour 20 millions de dollars supplément­aires; cela est resté sans réponse. Début janvier 2018, il a été annoncé que la fusée qui devait emmener le robot de Team Indus dans l’espace ne décollerai­t pas, faute de fonds. L’équipe japonaise, qui expédiait son rover à bord du même appareil, a dû elle aussi faire une croix sur sa participat­ion.

Au bout du compte, le concours estime tout de même avoir rempli son objectif. Les cinq équipes finalistes continuent leurs activités. Le robot de Hakuto est fin prêt pour la Lune. Moon Express désire ramener des échantillo­ns du sol lunaire d’ici 2020. SpaceIL réitère même son intention d’aller sur la Lune plus tard en 2018. Avec ou sans concours, la reconquête de l’astre nocturne est bel et bien lancée.

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