Combien pèse un kilo?
La question tracasse la communauté scientifique depuis plusieurs décennies. Mais tout cela est sur le point de changer.
Les scientifiques ont enfin la réponse à cette vieille question.
Le poids du kilo sera bientôt fixé. Il était temps : le kilogramme est la seule unité de base du Système international d’unités à être définie par un objet qui date de 1889 ! « Ça fait longtemps qu’on aurait dû trouver une constante pour établir le poids de 1 kg avec précision, mais ce n’était pas possible jusqu’à tout récemment », indique Michael Stock, directeur du département de la métrologie en physique du Bureau international des poids et mesures, en France (BIPM).
Ainsi, toutes les unités sont déterminées d’après une constante physique fondamentale, par définition invariable, sauf le kilogramme. Par exemple, une seconde est établie comme étant la durée de près de 9,2 milliards de périodes de radiation de l’atome de césium 133. Le mètre, lui, correspond à « la longueur du trajet parcouru par la lumière dans le vide pendant une durée de 1/299 792 458 seconde », selon le BIPM.
Faute de dispositif expérimental permettant de calculer de manière précise la valeur du kilogramme, les scientifiques se fient toujours au poids d’un lingot de métal, constitué de 90 % de platine et de 10 % d’iridium, gardé sous une triple cloche de verre dans un coffre-fort au BIPM, en banlieue de Paris. Malgré toutes les précautions prises pour préserver son intégrité, ce prototype international du kilogramme (PIK) perd des plumes ! Quand on le compare aux six autres copies qui ont servi, plus ou moins directement, à étalonner toutes les balances du monde, son poids diffère aujourd’hui de 50 microgrammes, soit l’équivalent du poids d’un grain de sable.
Il a donc été décidé en 2014, lors de la Conférence générale des poids et mesures, que la définition du kilo serait revue. Le but : la rendre indépendante de tout objet matériel.
C’est la constante de Planck, issue de la théorie quantique, qui a été choisie pour servir de fondement à la nouvelle définition. Restait à obtenir une mesure universelle de cette constante dite h. Pour y parvenir, des scientifiques français, américains et canadiens ont utilisé la balance de Kibble (ou balance du watt) qui permet de comparer la force gravitationnelle d’une masse à une force électromagnétique, explique Ralph Paroli, directeur général de la Science des mesures et étalons, au Conseil national de recherches Canada (CNRC).
« C’est une balance très complexe parce qu’il faut mesurer la masse, la position, le temps, la vitesse, la gravité, la tension et la résistance en même temps dans un environnement contrôlé, sous vide et sans vibrations », remarque Ralph Paroli. Et comme la balance est ultrasensible, les chercheurs ont dû tenir compte des changements gravitationnels causés par le mouvement de la Lune et de la quantité d’eau dans le sol produite par la fonte des neiges !
Au printemps dernier, l’équipe de scientifiques du CNRC, qui compte 150 experts des mesures, a finalement défini la constante de Planck avec une précision inégalée de 9,1 parties par milliards, soit l’équivalent de 9 ¢ sur une somme de 10 millions de dollars. Pour ceux qui se poseraient la question, elle vaut 6,626 070 41× 10- 34 joules-seconde.
Définir précisément le kilogramme est d’autant plus important que cette unité influence une vingtaine d’autres unités, comme l’ampère, la mole et le joule. « Le kilogramme sera fixé dans le temps et l’espace, ce qui permettra de tout mesurer avec une plus grande précision », ajoute Ralph Paroli.
C’est en novembre 2018 que les scientifiques de la planète statueront sur la nouvelle définition du kilogramme, qui devrait prendre effet le 20 mai 2019.