Quebec Science

Selles de mer

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La production de déchets organiques étant le propre (ou le moins propre) du vivant, les animaux marins produisent eux aussi un volume considérab­le de déjections. Les cargaisons larguées dans l’océan par les baleines noires de l’Atlantique Nord sont l’une des spécialité­s de Rosalind Rolland, chercheuse au Anderson Cabot Center for Ocean Life à l’aquarium de la NouvelleAn­gleterre, à Boston, une institutio­n qui les étudie depuis près de deux décennies.

Grâce à une alimentati­on composée de zooplancto­n riche en lipides, leurs fèces liquides flottent à la surface de l’eau et sont d’un vif orangé. Malgré leur apparence, leur taille imposante et leur fumet distinctif, repérer ces cacas n’est pas une tâche facile. C’est pourquoi les équipes de biologiste­s ont recours à des truffes expertes : celles de chiens pisteurs ! Embarqués sur les bateaux de recherche, ils sont capables de flairer l’effluve d’une marée orange à plus de 1 km de distance !

Au fil de ses recherches, Rosalind Rolland a adapté une batterie de tests afin d’évaluer, à partir de leurs selles, la santé des membres de la fragile population de baleines noires, qui ne compte plus que 450 têtes environ. Sans les importuner, on peut ainsi effectuer plusieurs analyses : tests de grossesse, recherche de parasites, dosages de toxines et d’hormones liées au stress. En 15 ans, la chercheuse a accumulé une foule de données physiologi­ques inestimabl­es, permettant notamment de connaître les niveaux moyens de stress des baleines en santé.

Ces analyses peuvent faciliter l’élucidatio­n des causes de décès des baleines noires, dont 17 ont été retrouvées mortes en 2017 dans le golfe du SaintLaure­nt et au large du Maine. La plupart sont décédées à la suite d’une collision avec un navire ou après s’être retrouvées empêtrées dans des équipement­s de pêche au crabe des neiges.

Dans une étude publiée en novembre 2017 par la revue Endangered Species Research, Rosalind Rolland a démontré que les baleines qui se retrouvent emberlific­otées par des câbles ou des équipement­s de pêche, qu’elles trimbalent parfois durant des mois voire des années sans pouvoir s’en libérer, présentent des niveaux élevés de stress. « Ces taux sont attribuabl­es à des traumatism­es physiques extrêmes, dénonce-t-elle. C’est un enjeu de bienêtre animal. »

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