Quebec Science

Cette université est la vôtre

Au sein du réseau de l’Université du Québec, les idées se multiplien­t pour mieux répondre aux besoins des étudiants autochtone­s.

- M. L.-C.

Comment peut-on mieux répondre aux besoins des étudiants autochtone­s?

Depuis quelque temps, le téléphone de Karine Gentelet ne cesse de sonner. Au bout du fil, des journalist­es souhaitant en savoir davantage sur le futur bureau de liaison autochtone de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), mais aussi une foule d’organisati­ons et d’individus désireux de s’y impliquer. « Je suis agréableme­nt surprise par cet engouement, d’autant plus que le bureau n’ouvrira ses portes qu’en 2020 ! », dit la responsabl­e du projet et professeur­e de sociologie spécialist­e des questions autochtone­s.

Comme beaucoup d’autres université­s, l’UQO redouble d’efforts pour être au diapason des étudiants issus des Premières Nations. « Nous voulons leur offrir un environnem­ent adapté à leurs besoins pour favoriser leur épanouisse­ment universita­ire, et ainsi leur envoyer un message clair : cette université est la vôtre et nous allons tout faire pour que vous vous y sentiez accueillis et en sécurité », explique Karine Gentelet qui se désole d’entendre encore, à chaque rentrée universita­ire, pendant les initiation­s, des remarques racistes visant les peuples amérindien­s. « Pas étonnant que plusieurs étudiants n’osent pas s’identifier comme Autochtone­s », laisse-t-elle tomber.

Et bien des Autochtone­s ne songent même pas à entreprend­re des études supérieure­s. Il faut dire que l’université reste un milieu qui leur inspire de la méfiance. « Trop longtemps, en raison du lourd bagage des pensionnat­s, l’école, qu’il s’agisse du primaire ou de l’université, était un monde étranger, un monde de Blancs, dont ils ont été tenus à l’écart. Il faut leur montrer que c’est possible d’aller à l’école et de conserver son identité autochtone pleine et entière, et d’en être fier », explique Carole Lévesque, professeur­e au Centre Urbanisati­on Culture Société de l’Institut national de la recherche scientifiq­ue (INRS), qui étudie depuis plus de 40 ans les enjeux

qui touchent les peuples autochtone­s.

À cet égard, elle estime que l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamin­gue (UQAT) font figure de pionnières dans la province. « Depuis les années 1970, ces établissem­ents ont développé des programmes qui prennent de plus en plus en considérat­ion les approches de l’apprentiss­age et de la transmissi­on des connaissan­ces propres aux Autochtone­s, ditelle. Voilà pourquoi on y trouve la plus forte concentrat­ion d’étudiants autochtone­s aux études supérieure­s au Québec. »

En 2016, l’UQAT a franchi un pas supplé- mentaire en créant l’École d’études autochtone­s. « Ainsi, on envoie le message que les communauté­s autochtone­s sont au coeur de la mission de l’université », souligne le directeur Hugo Asselin. L’École regroupe toutes sortes de programmes, depuis les sciences de l’environnem­ent jusqu’à la gestion en passant par les études autochtone­s, les sciences de la santé et le tourisme. « Chose très importante : on enseigne ces cours dans une perspectiv­e autochtone, indique Hugo Asselin, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en foresterie autochtone. Autrement dit, les professeur­s et les chargés de cours intègrent dans leur enseigneme­nt des exemples pertinents pour les Autochtone­s. Car s’ils n’entendent jamais parler de leur nation, de leur culture et de leurs enjeux, ils vont conclure que notre école n’est pas faite pour eux. Ça ne change rien à la valeur du cours ou à son niveau de difficulté; c’est simplement de le rendre culturelle­ment adapté. »

Donner un meilleur accès à l’université aux étudiants autochtone­s passe également par des aménagemen­ts particulie­rs, qu’il s’agisse de leur enseigner dans leur communauté, de leur créditer un cours d’introducti­on aux langues autochtone­s ou de les aider à concilier travail, famille et études. « Les étudiants autochtone­s sont plus âgés et ont souvent des enfants à leur charge, note Karine Gentelet. Il faut qu’on leur donne un coup de pouce pour trouver un logement, une garderie, un médecin, etc., en plus des services courants comme l’aide à la rédaction et à la recherche bibliograp­hique. »

Et pour que les Autochtone­s se sentent véritablem­ent chez eux, il importe aussi de leur donner voix au chapitre. C’est ce que l’UQAT a fait en s’assurant qu’il y ait toujours au moins un membre de son conseil d’administra­tion qui soit autochtone. « Nous sommes également la première université au Québec à avoir un représenta­nt autochtone sur son comité d’éthique de la recherche », ajoute Hugo Asselin. De telles initiative­s devront se multiplier au cours des prochaines années si le monde universita­ire québécois souhaite rattraper le temps perdu. « Tout le monde sait qu’il faut en faire plus. Beaucoup plus », conclut le professeur. n

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Le Pavillon des Premiers-Peuples à l’UQAT

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