COUP DE POUCE AUX MÉDECINS LÉGISTES
Les recherches menées sur la biologie de la mort pourraient faire leur chemin jusque dans les laboratoires de sciences judiciaires où l’on s’échine à déterminer la date et même l’heure du décès des victimes de crime.
Certes, plusieurs techniques sont déjà utilisées, comme la température du cadavre, l’analyse de l’humeur vitrée de l’oeil (dont la concentration en potassium est corrélée au délai post mortem) et l’entomologie criminalistique. Mais le fait de savoir que, après la mort, les cellules subissent une dégradation « organisée », avec une séquence d’activation et d’extinction génétique bien précise, peut apporter de nouveaux outils pour déterminer avec plus de précision le moment du décès.
En février dernier, les travaux du généticien espagnol Roderic Guigo, menés sur 400 cadavres, ont permis de dresser un portrait de cette succession de gènes post mortem chez l’humain. Son équipe de recherche a développé un algorithme qui a estimé avec succès l’heure de la mort d’une centaine d’individus. L’activité dépend fortement du tissu prélevé (coeur, cerveau, peau, etc.). Dans les muscles, l’expression de plus de 600 gènes est brutalement modifiée après le décès !
La génétique post mortem s’intéresse aussi au thanatomicrobiote humain, c’est-à-dire aux microorganismes déjà présents dans le corps, qui migrent vers les organes internes, comme le foie et le cerveau, après la mort. Certaines équipes de recherche, dont celle de la professeure Gulnaz Javan à l’université d’Alabama, ont démontré que ces micro-organismes semblent adopter un circuit prévisible, identique dans tous les cas.
Elle a démontré que les bactéries se frayent un chemin jusqu’au foie environ 25 heures après notre dernier souffle, alors qu’il leur faut un peu plus de 60 heures pour atteindre tous les organes.
« Certains chercheurs parlent même d’une horloge microbienne pour décrire le mouvement des bactéries », mentionne Frank Crispino, directeur du Laboratoire de recherche en criminalistique de l’Université du Québec à Trois-Rivières. « Il faut maintenant comprendre ces réactions en chaîne et cartographier le mouvement du microbiote post mortem. Il y a beaucoup de pistes de recherche. C’est très prometteur, même si l’intervariabilité du microbiome entre individus constitue un obstacle », estime celui qui agit aussi à titre de chercheur au Centre international de criminologie comparée.
Qui sait, les gènes et les bactéries des victimes coinceront peut-être un jour les meurtriers.