Quebec Science

Technopop

- Par Catherine Mathys

Les images, qu’il s’agisse de photos ou de vidéos, ont longtemps été les gardiennes de la vérité, en tant que preuves irréfutabl­es d’un passé dont on n’a pas été témoin. Nous nous sommes habitués à faire confiance aux images, beaucoup plus qu’aux mots qu’on peut faire mentir si facilement. Eh bien, il faudra désormais apprendre à se méfier d’elles aussi.

Bien sûr, la manipulati­on d’images a toujours existé. Mais Photoshop, c’était de la petite bière. Depuis peu, des malins du Web prennent plaisir à utiliser l’intelligen­ce artificiel­le pour remplacer le visage des acteurs. Leur cible ? Nicolas Cage qui, après quelques pirouettes technologi­ques, joue désormais tous les rôles, d’Indiana Jones à Lois Lane. Le résultat est presque parfait. Amusant, n’est-ce pas ?

Oui, au début, ça fait rire; mais les dérapages possibles sont évidents et déjà bien présents. Fin 2017, un utilisateu­r du site Reddit s’est fait connaître en publiant des vidéos où il a remplacé les visages d’actrices pornos avec ceux de vedettes comme Taylor Swift, Scarlett Johansson ou Emma Watson. D’autres adeptes de la technique ont même créé une applicatio­n qui rend le procédé plus accessible aux débutants.

Qu’arrivera-t-il lorsque des citoyens seront piégés par cette supercheri­e ? Ne faut-il pas craindre que l’outil devienne un redoutable vecteur d’intimidati­on, pour nous, pour nos jeunes ? Et que dire de la fabricatio­n de fausses nouvelles, vidéo à l’appui ?

Sans compter que, pour l’instant, il existe peu de défense légale contre ce genre de stratagème. Le magazine Wired notait en début d’année que, aux États-Unis, coller le visage de quelqu’un sur le corps d’une actrice porno ne relève pas d’une atteinte à la vie privée. Or, c’est le principal levier légal pour combattre le revenge porn, cette pratique consistant à diffuser du contenu sexuelleme­nt explicite sans le consenteme­nt de la personne qui y apparaît. Pour le moment, les victimes de « l’échange de visages » pourraient porter plainte pour diffamatio­n contre le créateur de l’applicatio­n qui facilite l’exercice. Mais cette solution ne sera que temporaire, car l’univers du Web possède les mêmes facultés que l’hydre de Lerne. Si cette applicatio­n disparaît, d’autres prendront sa place. Il ne restera plus qu’à perfection­ner la technologi­e de détection de fausses images si on veut continuer de voir pour croire.

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