Quebec Science

Le Ninja qui voulait sauver les tortues

La nouvelle entreprise NestingSaf­e veut faire entrer le suivi et la protection des nids de tortues dans l’ère 2.0.

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Croyez-le ou non, les chercheurs et organismes de conservati­on répertorie­nt encore les nids de tortues en plantant de simples bâtons dans le sable. L’opération n’est pas sans risque, car elle signale la position des oeufs aux prédateurs, soit des braconnier­s dans des pays du Sud ou des animaux au Canada. « On a fait des tests en mettant des bâtons où il n’y avait pas de nid et les ratons laveurs allaient creuser à ces endroits », raconte Anaïs Boutin, directrice des programmes de protection et de conservati­on chez Éco-Nature.

Ces intrusions pourraient cesser grâce aux travaux de John Bonardelli, président de NestingSaf­e. Pionnier de l’aquacultur­e des pétoncles en Gaspésie durant les années 1980, John Bonardelli est devenu par la suite consultant en matière de culture de coquillage­s en haute mer. En 2014, il a découvert les enjeux de la gestion des nids de tortues lors d’un voyage en Turquie, où la collecte de données fiables permet de justifier la fermeture de plages aux touristes.

Persuadé que son expertise pouvait être mise à contributi­on, il s’est échiné à créer une technologi­e surprenant­e qui permettrai­t de mieux protéger les nids de tortues. Elle est conçue pour ne laisser aucun indice de sa présence aux prédateurs, puisqu’elle est cachée sous le sable, tout près des lieux de ponte. Elle est composée d’une antenne et de capteurs sans fil qui emmagasine­nt toutes sortes de données sur l’environnem­ent des nids. Par exemple, Éco-Nature a pu suivre l’évolution des températur­es dans les nids des tortues d’eau douce au parc de la Rivière-des-Mille-Îles. L’organisme a ainsi constaté qu’il est commun pour les tortues serpentine­s et géographiq­ues de passer l’hiver dans leur nid. Mais c’est dans les contrées plus chaudes, comme au Honduras, où John Bonardelli expériment­e aussi sa technologi­e, que cette option s’avère cruciale, surtout lorsqu’il est question d’espèces dont le sexe des spécimens est déterminé par la chaleur au moment de l’incubation. Une étude publiée en janvier 2018 dans Current Biology constatait que plus de 99 % des tortues vertes nées au cours des 20 dernières années dans le nord de la Grande Barrière de corail étaient des femelles, un effet du réchauffem­ent climatique, qui

menace la reproducti­on à long terme de l’espèce. NestingSaf­e permettrai­t ainsi à des organismes de protection d’intervenir lorsque la températur­e devient trop élevée en rafraîchis­sant les alentours des nids avec de l’eau ou de l’ombrage.

Pour améliorer sa technologi­e, John Bonardelli a fait appel à des entreprise­s en démarrage hébergées par l’accélérate­ur Centech, à l’École de technologi­e supérieure (ÉTS), où lui-même profite d’un accompagne­ment depuis maintenant six mois.

Il travaille avec Dominic Deslandes, professeur à l’ÉTS et cofondateu­r de Spark Microsyste­ms, pour améliorer la communicat­ion entre le détecteur et les capteurs. Il faut savoir que ces derniers peuvent être enfouis à un mètre de profondeur et que l’environnem­ent constitué de sable, de gravier et d’eau est « hostile à la propagatio­n des ondes », souligne M. Deslandes.

John Bonardelli collabore aussi avec la jeune pousse Ridemetry, spécialisé­e en transport, pour bonifier son système de géolocalis­ation, dont les informatio­ns ne risquent pas de tomber sous la patte de ratons laveurs !

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 ??  ?? À gauche, John Bonardelli, président de NestingSaf­e. À droite, Mathilde Poulin et Anaïs Boutin d'Éco-Nature.
À gauche, John Bonardelli, président de NestingSaf­e. À droite, Mathilde Poulin et Anaïs Boutin d'Éco-Nature.
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