Quebec Science

La techno qui veille sur les abeilles

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Alors qu’il s’initie à l’élevage des abeilles en milieu urbain en 2013, Marc-André Roberge remarque que les apiculteur­s d’expérience parlent à voix haute aux insectes. « Je me disais que ce serait génial si les abeilles pouvaient leur répondre, leur dire au fur et à mesure ce qui ne va pas et ce qui pourrait aller mieux », raconte le jeune entreprene­ur.

Car l’inspection d’une ruche, réalisée au moins une fois toutes les deux semaines pour s’assurer du bon état de santé de la colonie, chamboule chaque fois le cycle de travail des abeilles ouvrières. « C’est un peu comme si quelqu’un arrachait le toit de votre maison et déplaçait vos meubles afin de vous trouver et de voir comment vous vous portez, illustre le designer industriel de formation. Vous resteriez probableme­nt un peu traumatisé. »

À force d’éplucher des livres et des forums sur le sujet, il constate à quel point il est ardu de com r d’une ruche.

Après un passage à New York dans le programme pour designers 30 Weeks de Google en 2016, Marc-André Roberge voit les nouvelles technologi­es comme une piste de solution. Certaines existaient déjà pour amasser des données dans les ruches, mais elles restaient lourdes et hors de prix.

Avec Xavier de Briey, il lance Nectar et monte un prototype au Salon 1861, une ancienne église située à Montréal qui héberge des projets d’innovation. Puis, l’entreprise déménage ses pénates au Centech, à l’École de technologi­e supérieure, où les deux fondateurs s’entourent d’une équipe. Au fil des améliorati­ons, les capteurs se délestent de leurs fils et sont adaptés pour résister à la cire ou à la gomme produite par les abeilles.

Une fois les données recueillie­s par ses capteurs, Nectar utilise des algorithme­s et l’apprentiss­age automatiqu­e pour reconnaîtr­e certaines récurrence­s et effectuer de l’analyse prédictive.

Durant la dernière année, une dizaine de clients, dont cinq producteur­s commerciau­x, ont testé la deuxième version du matériel. Les apiculteur­s ont pu ainsi détecter la mort de cinq reines et deux essaimages, soit des mouvements de migration d’une colonie d’abeilles. Ces données providenti­elles ont permis d’éviter tout risque d’effondreme­nt de la population d’abeilles dans les ruches touchées. La jeune pousse cherche maintenant à discerner aussi efficaceme­nt l’apparition de maladies et de parasites.

Nectar, désormais installée dans l’espace de cotravail The Hive à AhuntsicCa­rtierville, à Montréal, prévoit brancher cet automne 150 appareils d’un nouveau modèle, en plus de mettre en route un projet avec le Centre de recherche en sciences animales de Deschambau­lt. Elle espère lancer, en 2019, la commercial­isation à grande échelle de son service en vendant des abonnement­s annuels.

Ses produits pourraient à terme améliorer la survie des abeilles. Le taux de mortalité hivernale chez les abeilles du Québec demeure supérieur à la normale de 15 % depuis 2003, selon un rapport publié cette année par le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec. Raison de plus pour tenter de décrypter ce qui ne tourne pas rond dans les ruches.

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Marc-André Roberge et Xavier de Briey, cofondateu­rs de Nectar

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