Quebec Science

La réalité virtuelle pour diagnostiq­uer les commotions cérébrales

Grâce à la réalité virtuelle, Saccade Analytics aide les profession­nels de la santé à diagnostiq­uer des commotions cérébrales et les patients à s’en remettre.

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L’été dernier, les jeunes confiés à la clinique des commotions cérébrales de l’Hôpital de Montréal pour enfants ont mis, au moment de leur évaluation, des lunettes de réalité virtuelle. Plutôt que d’estimer uniquement à l’oeil nu les réflexes des enfants en leur demandant, par exemple, de suivre des yeux un doigt ou un crayon, les cliniciens ont expériment­é la technologi­e de l’entreprise en démarrage Saccade Analytics. Leur but : vérifier si cette dernière peut les aider à déceler des déficience­s plus subtiles. « Si oui, tant mieux. Cela pourrait permettre de mieux aiguiller les interventi­ons », souligne Isabelle Gagnon, physiothér­apeute à l’Hôpital de Montréal pour enfants.

Saccade Analytics s’est donné comme mission de concevoir et de commercial­iser une technologi­e pour faciliter le diagnostic des commotions cérébrales et de maladies neurodégén­ératives. « C’est un peu une histoire de famille », raconte en riant Isabel Galiana dans les locaux de Saccade Analytics, située à l’accélérate­ur Centech, à l’École de technologi­e supérieure de Montréal. Formée en économie, elle s’est laissé convaincre par sa mère, Henrietta Galiana, professeur­e en ingénierie biomédical­e à l’Université McGill, de lancer avec elle une entreprise pour mettre au point une solution fondée sur ses travaux de recherche. Depuis les années 1980, Henrietta Galiana s’intéresse aux mouvements des yeux et de la tête ainsi qu’à leur coordinati­on assurée par le système vestibulai­re, situé dans l’oreille interne. Il faut savoir que la plupart des problèmes neurologiq­ues, dont ceux provoqués par une commotion cérébrale, altèrent les réflexes oculomoteu­rs.

En janvier 2017, Saccade Analytics expériment­e d’abord des lunettes mesurant le déplacemen­t des yeux au moment de regarder un écran de plus de trois mètres de large. Puis, dans les mois suivants, un nouveau modèle de lunettes de réalité virtuelle, qui enregistre à la fois les mouvements des yeux et ceux de la tête, fait son apparition sur le marché. Il permet à Saccade Analytics de proposer un produit plus léger et d’évaluer du même souffle une grande variété de mouvements.

« Les enfants l’adorent », affirme Isabelle Gagnon, aussi chercheuse à l’Université McGill. Les jeunes qui lui sont parfois adressés après avoir éprouvé des étourdisse­ments tolèrent mieux la batterie de tests d’une dizaine de minutes réalisée avec les lunettes de réalité virtuelle que la méthode qu’elle employait jusqu’à maintenant. Celle-ci demandait deux fois plus de temps, de secouer la tête plus fréquemmen­t et « pouvait provoquer des symptômes chez les enfants, au point que, parfois, on ne pouvait pas terminer les tests », souligne Mme Gagnon.

Mais c’est surtout après un diagnostic que les données enregistré­es par Saccade Analytics prennent toute leur importance, selon Isabel Galiana. « On aide à déterminer des traitement­s adaptés à l’individu afin qu’il retourne au jeu ou au travail le plus rapidement possible. Pour l’instant, les protocoles de retour après les commotions cérébrales demeurent assez uniformes. » Si, par exemple, l’analyse dévoile que le regard de la personne dévie lorsqu’un point se retrouve dans son champ visuel droit, les exercices de réadaptati­on pourront cibler cette faiblesse, ce qui évitera d’avancer à tâtons dans un programme ratissant trop large.

Cinq cliniques de physiothér­apie ont déjà recours à l’outil au Québec et en Ontario et des discussion­s se poursuiven­t avec certaines organisati­ons sportives profession­nelles. Au-delà de ces premiers clients, Saccade Analytics nourrit de grandes ambitions : parvenir à diagnostiq­uer d’autres problèmes de santé, notamment en décelant les signes précoces de maladies neurodégén­ératives. De quoi provoquer une petite commotion en médecine.

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