UN JEUNE PROGRAMME DE RECYCLAGE
J’ai reçu un texto de mon fournisseur de téléphonie cellulaire. « Mélissa, nous avons une excellente offre pour des clients fidèles comme vous ! Pour une durée limitée, obtenez l’incroyable iPhone 7 32 Go à 0 $ dans le cadre de certains forfaits… » Tentant, d’autant plus que je lis ce message sur mon écran craquelé.
Si j’opte pour un nouvel appareil, il me faudra bien recycler l’ancien. Et les trois autres téléphones cellulaires qui traînent dans une armoire depuis belle lurette d’ailleurs. Et leurs câbles. Et mes vieilles clés USB. Et ma caméra numérique brisée depuis 2010. Et cette chaîne stéréo de 1980 dont je n’arrive pas à me départir…
Comme moi, deux Québécois sur trois accumulent les appareils électroniques obsolètes en attendant de faire le grand ménage ou par manque de temps. Pourtant, depuis 2012, le Québec s’est doté d’un système de recyclage des déchets électroniques qui facilite l’exercice.
Par le truchement d’un règlement provincial, un programme de « responsabilité élargie des producteurs » oblige les manufacturiers et les détaillants d’appareils électroniques à veiller au recyclage des produits en fin de vie. Ces entreprises (sauf Vidéotron et Bell, qui ont conçu leurs propres structures) ont refilé la facture du programme aux consommateurs par l’entremise des « écofrais » imposés à chaque nouvel achat. Pour une télé de 46 pouces, ils représentent 24 $ ; pour un cellulaire, 0,07 $. Ces sommes − un total de 16,5 millions de dollars en 2017 − sont versées à l’Association pour le recyclage des produits électroniques du Québec (ARPE), créée par l’industrie. L’ARPE coordonne la collecte des appareils dans 960 points de dépôt (écocentres et magasins Bureau en gros par exemple) et les envoie aux 25 recycleurs agréés par son bureau de la qualification des recycleurs.
Avant 2012, diverses organisations recyclaient les composants les plus demandés. Mais le reste des matières finissait peutêtre à la poubelle, car il n’existait pas de mécanismes de surveillance.
« Tout à coup, les écofrais ont permis de couvrir le recyclage de ces matières qui n’ont pas de valeur et de s’assurer que tout est fait dans le respect des plus hautes normes, raconte Marie-Caroline Bourg, ingénieure en matériaux et cofondatrice de la boîte de génie-conseil EnviroRcube, qui a participé à la certification de cinq centres de tri. Ça a nivelé les pratiques vers le haut, pour la protection de l’environnement et des travailleurs. »
Mais comme toutes les personnes à qui l’on a parlé dans le cadre de ce reportage, elle indique que des problèmes demeurent, dont la question de la transparence. Le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets n’hésite pas à dire qu’il s’agit de la catégorie de déchets dont la gestion est la plus opaque.
À l’heure actuelle, personne ne connaît le taux exact de récupération des déchets électroniques au Québec. L’accès aux données (nombre d’appareils vendus dans les magasins et d’appareils remis en état ou recyclés au cours d’une année) est limité à Recyc-Québec. Jusqu’à ce jour, la société d’État n’a publié que les taux de récupération pour l’année 2015 (voir l’encadré p. 29). Et encore, le tableau est incomplet, car les taux pour les cellulaires, les tablettes et les ordinateurs portables ne sont pas publics, pour « préserver la confidentialité des données appartenant aux entreprises », selon Recyc-Québec.
« On a un système payé entièrement par le consommateur − pas un sou n’est versé par l’industrie des produits électroniques−, on devrait avoir le droit de savoir quels sont les taux de récupération. Il y a moyen de protéger la confidentialité industrielle, avec des données agrégées, tout en nous assurant que nos objectifs sont atteints en tant que société », juge Marie-Caroline Bourg, qui s’est penchée sur le sujet avec d’autres professionnels du Réseau Environnement dans un mémoire de 2014.
Ce n’est pas si simple, rétorque la directrice générale de l’ARPE, Dominique Levesque, rencontrée dans les bureaux de l’organisation à Brossard. Vidéotron et Bell « ne veulent pas que l’on connaisse leurs taux de récupération. Si Recyc-Québec publie ces chiffres, on peut faire des calculs renversés » et découvrir à combien se chiffrent leurs ventes annuelles.
Mme Levesque pense qu’il est plus important d’élargir l’éventail des produits recyclables, qui se limite pour le moment aux appareils électroniques, comme les ordinateurs, les liseuses et les cellulaires,