Quebec Science

LE RÉSEAU PARALLÈLE DU RECYCLAGE

-

Au fil des arrivées des cargaisons de matières à récupérer, les recycleurs autorisés pas l’ARPE observent un phénomène étrange: ils traitent plus d’écrans que de tours d’ordinateur. Comme s’il y avait une fuite. Celle-ci existe bel et bien. Un recycleur non certifié désirant rester anonyme, appelons-le Roger, nous a expliqué comment il recycle « de façon écologique », en dehors de la surveillan­ce de l’ARPE. Il démantèle les ordinateur­s de ses clients commerciau­x et revend les composants principale­ment à des courtiers américains ou canadiens, tout comme les cellulaire­s entiers.

Quant à la coquille des ordinateur­s, aux imprimante­s et aux moniteurs, il s’en remet… à un point de dépôt de l’ARPE ! « Quand j’ai 10 boîtes pleines, j’appelle mon contact du point de dépôt. Il vient chercher les boîtes et m’en donne d’autres. Je paie le transport. » Évidemment, l’ARPE ne cautionne pas ce type d’échange et nous a signalé qu’elle inspecte les points de dépôt partenaire­s pour ne pas hériter d’appareils dits « cannibalis­és ».

Un autre recycleur non certifié, que nous nommerons Jim, procède de la même manière avec les téléviseur­s.

Roger et Jim font partie d’une centaine de recycleurs parallèles actifs au Québec, selon une évaluation de l’ARPE, qui dénonce leurs pratiques. « Ils n’ont pas de comptes à rendre », souligne Dominique Levesque.

Ce réseau mine le rendement du programme officiel de recyclage, qui devait atteindre certaines cibles à partir de 2015, faute de quoi des amendes allaient devoir être versées au Fonds vert. Mais le gouverneme­nt du Québec a décidé de reporter l’échéancier à 2020.

En collaborat­ion avec Recyc-Québec, le ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s du Québec étudie le phénomène et cherche des solutions, nous ont indiqué les deux partenaire­s.

N’en déplaise à l’ARPE, Roger est convaincu que ses clients recyclent davantage grâce à son service rapide et gratuit, peu importe le volume à récupérer. Car, rappelons-le, il serait facile pour ces entreprise­s d’envoyer leurs appareils au dépotoir.

Pourquoi Roger et Jim ne se soumettent-ils pas à la certificat­ion de l’ARPE ? Le premier n’en a pas les moyens. « Pour répondre à tous les critères, ça me coûterait 60 000 $ et ça ne m’assurerait pas d’avoir du travail. Il faut être un gros joueur ou un organisme sans but lucratif, subvention­né, pour être capable de le faire. » Il était là avant l’ARPE, pas question pour lui de se laisser mourir.

Jim, lui, n’a simplement « pas envie d’être géré par une grosse organisati­on ». « Je fais mes trucs en bonne et due forme ; je suis la législatio­n relative à l’environnem­ent. Mes clients − des villes et des multinatio­nales − sont extrêmemen­t satisfaits de mon service. Si, un jour, je commence à perdre des clients parce que je ne fais pas partie de l’ARPE, je vais me tourner vers la certificat­ion. »

Newspapers in French

Newspapers from Canada