Quebec Science

LES ANTIQUITÉS DE LA MÉDECINE

Le nouveau Musée médical Maude Abbott, de l’Université McGill, révèle comment les étudiants en médecine étaient formés aux 19e et 20e siècles.

- Par Mélissa Guillemett­e

Le Musée médical Maude Abbott révèle comment les étudiants en médecine étaient formés aux 19e et 20e siècles.

Plus de 3000 objets intrigants et singuliers s’entassent dans deux locaux exigus au troisième étage du pavillon Strathcona de l’Université McGill : des modèles anatomique­s en papier mâché ou en cire fabriqués par des artistes, des ossements ainsi que des organes préservés dans des bocaux. Richard Fraser et Joan O’Malley les trimballen­t, les examinent, les classent.

Ils vont et viennent entre ces entrepôts officieux et la lumineuse salle d’exposition du Musée médical Maude Abbott, en cours d’aménagemen­t lors de notre passage, que le public pourra découvrir cet automne. « J’ai l’impression de passer ma journée à replacer des choses frénétique­ment, mais je n’ai pas le choix : on va perdre le contrôle si on se laisse aller ! » rigole Mme O’Malley, directrice adjointe du Musée.

En vérité, pendant des années, cette collection historique a sombré dans l’oubli. Elle était pourtant un passage obligé pour les étudiants en médecine de l’université anglophone aux 19e et 20e siècles. Il s’agis- sait alors du Musée médical McGill. Le mot musée est ici trompeur. « Un musée médical, à l’époque, cela n’avait rien à voir avec le grand public : c’était fait uniquement pour l’enseigneme­nt donné aux futurs médecins », raconte Richard Fraser, directeur du Musée ainsi que professeur et pathologis­te au Centre universita­ire de santé McGill.

Commencée dans les années 1820, lorsque l’Hôpital général de Montréal a ouvert ses portes, la collection a acquis ses lettres de noblesse grâce à Maude Abbott (1869-1940), l’une des premières médecins du Québec. « Encore aujourd’hui, si vous questionne­z n’importe quel cardiologu­e dans le monde, il saura qui elle est », indique le Dr Fraser. Native de Saint-André-d’Argenteuil, la Dre Abbott était reconnue en son temps comme une autorité mondiale en matière de cardiopath­ies congénital­es. Elle a d’ailleurs rédigé l’Atlas of Congenital Cardiac Disease.

En plus de ces travaux importants, la médecin a consacré beaucoup de temps, de 1899 à 1923, à agrandir la collection du Musée médical McGill, déjà situé dans la majestueus­e rotonde du pavillon Strathcona. Ses collègues médecins lui faisaient parvenir toutes sortes d’organes, dont de nombreux coeurs, son dada. Un énorme coeur de baleine, conservé dans une boîte en verre de la taille d’un aquarium de maison, a également fait son chemin jusqu’à l’Université McGill.

« La collection comprend aussi des ossements de soldats de la guerre de Sécession, souligne Joan O’Malley, en nous présentant un tibia monté sur une plaque en bois. Des jeunes hommes de 18 ans, très souvent. C’est à pleurer… » Ils ont été donnés par l’Army Medical Museum and Library de Washington en 1909.

Puis, « vers les années 1930-1940, cette façon d’enseigner la médecine est devenue moins populaire », relate le Dr Fraser. Le Musée ferme ses portes et ses objets sont disséminés à travers l’Université. Ils amassent la poussière jusqu’en 2006, année du 100e anniversai­re de l’Interna-

tional Associatio­n of Medical Museums (l’ancêtre de l’Internatio­nal Academy of Pathology), cofondée par Maude Abbott. Pour l’occasion, le Dr Fraser reproduit une miniversio­n du musée d’autrefois au Palais des congrès de Montréal. Il découvre ainsi l’immense richesse de cette surprenant­e collection.

Six ans plus tard, en 2012, appuyé par un comité de sa faculté, il convainc l’Université de créer le Musée médical Maude Abbott. Depuis, la collection a été bonifiée de toutes sortes d’objets dénichés sur le campus et dans les hôpitaux affiliés. « L’École de physiothér­apie et d’ergothérap­ie, par exemple, faisait le ménage d’un grenier et nous a confié ces vieux neurostimu­lateurs transcutan­és », dit Richard Fraser en désignant des appareils rétro du milieu du siècle dernier.

Une part de mystère plane sur plusieurs objets de la collection originale qui ne possèdent aucune fiche descriptiv­e. De quoi titiller la curiosité de certains étudiants.

L’un deux, sous la supervisio­n du Dr Fraser, a analysé des biopsies d’organes centenaire­s préservés dans une solution à base de formaldéhy­de pour voir si le diagnostic d’autrefois était le bon. « Cette collection a une grande valeur non seulement historique, mais aussi pédagogiqu­e », estime le Dr Fraser. Un véritable retour aux sources !

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