GARE AU CANNABIS QUI TRAÎNE !
Dans les services des urgences, on surveillera de près les effets de la légalisation du pot sur les tout-petits, qui ont la fâcheuse habitude de tout porter à leur bouche.
Quel seront les effets de la légalisation du pot sur les tout-petits, qui ont l’habitude de tout porter à leur bouche?
Dès le 17 octobre, il sera possible de consommer du cannabis à des fins récréatives en toute légalité au Canada. Voilà une nouvelle qui ne manque pas d’intérêt pour les 44 % de Canadiens de plus de 15 ans qui en ont déjà consommé dans leur vie de façon illégale…
Mais la légalisation pourrait aussi rendre le cannabis plus accessible aux enfants, et certains pédiatres redoutent l’augmentation des intoxications accidentelles chez les plus jeunes. C’est le cas de Benoit Bailey, urgentologue au CHU Sainte-Justine, à Montréal. « Depuis 2008, les chiffres sont très stables : nous recevons de un à six enfants intoxiqués au cannabis par année. Avec la légalisation, on s’attend à ce qu’il y ait une augmentation, mais sera-t-elle importante ? » s’interroge ce spécialiste en toxicologie.
L’exemple du Colorado, qui a légalisé l’usage récréatif du cannabis en 2014, laisse craindre une hausse substantielle des cas. Ainsi, entre 2009 et 2015, l’incidence des intoxications au cannabis chez les enfants de moins de 10 ans admis à l’hôpital y a doublé, selon une étude parue dans JAMA Pediatrics en 2016. De manière générale, les cas d’enfants de moins de 5 ans exposés à la marijuana, signalés aux centres antipoison, se sont accrus de 150 % entre 2006 et 2013 aux États-Unis, parallèlement à l’augmentation du nombre de consommateurs (la drogue est désormais légale dans plus de la moitié des États américains). Dans la grande majorité des situations, le cannabis est ingéré accidentellement.
« Cela peut induire une agitation, une altération de l’état de conscience, voire un coma, avec un risque d’étouffement si l’intoxication s’accompagne de vomissements », souligne le Dr Bailey, précisant que les cas les plus graves concernent les enfants les plus jeunes, de moins de deux ans (il y a eu six cas au CHU Sainte-Justine ces 10 dernières années).
Autre source d’inquiétude, la popularité des pâtisseries, bonbons et autres space cakes, responsables de la moitié des intoxications infantiles enregistrées au Colorado. « Le risque, avec les brownies qui traînent dans le frigo, c’est qu’ils exposent les enfants à une dose très élevée de cannabis », déplore Dominique Chalut, urgentologue à l’Hôpital de Montréal pour enfants. En juillet dernier, une fillette de quatre ans a été hospitalisée en Nouvelle-Écosse après avoir mangé toute une tablette de chocolat au cannabis, soit 15 fois plus que la limite de consommation fixée pour un adulte.
Au Canada, ces produits comestibles ne seront toutefois pas légalisés en même temps que le cannabis séché. « Il y a un moratoire de plusieurs mois. Cela permettra peut-être au gouvernement de s’inspirer de ce qui a été fait ailleurs pour protéger les enfants », espère Richard Bélanger, pédiatre au Centre hospitalier de l’Université Laval et coauteur d’un document en 2017 de la Société canadienne de pédiatrie, Le cannabis et les enfants et adolescents canadiens.
Au Colorado, mentionne-t-il, on impose désormais des emballages individuels et des contenants à l’épreuve des enfants. L’État a aussi interdit en octobre 2017 les bonbons au pot en forme d’animaux, de fruits ou de figurines, qui étaient pourtant un succès commercial. Un exemple à suivre ?